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mardi 2 septembre 2025

Les folles anecdotes de l'Histoire T02 Mystères ou arnaques ?

J’ai vu des épisodes de Scooby-Doo plus crédibles.


Il s’agit d’une anthologie relative à des mystères qui nourrissent la culture populaire. Son édition originale date de 2025. Il comprend dix récits, tous écrits par Julien Hervieux, chacun illustré par un artiste différent : Richard Guérineau, Ronan Toulhoat, Pierre Alary, Aimée de Jongh, Lucy Mazel, Éric Maltaite, Siamh, Sylvain Repos, Jocelyn Joret, Javi Rey. La colorisation a été réalisée par les artistes eux-mêmes, sauf Toulhoat avec une mise en couleurs de Raphaël Bauduin, et Siamh avec une colorisation de Hosmane Benahmed. Il comporte cinquante-et-une pages de bande dessinée.


Un peu d’esprit, une aventure des sœurs Fox, dessins de Richard Guérineau, six pages. Hydesville, état de New York en 1848 : les sœurs Fox, Kate & Maggie, sont couchées dans leur lit, dans la même chambre à l’étage. Elles ne dorment ni l’une, ni l’autre. Elles décident de jouer un petit peu : Maggie sort une pomme d’un tiroir de sa commode, et l’attache à une ficelle. Puis elle jette la pomme contre le mur et la laisse rebondir par terre. Au rez-de-chaussée, dans leur chambre, madame Fox se réveille au son des bruits, et elle réveille son mari pour savoir ce qu’il en pense. Ce dernier suppose que ça doit être les filles qui font le bazar. La mère monte à l’étage, et demande à ses filles si ce sont elles qui tapent. Bien évidemment, elles répondent que non : la maman en conclut que si ce n’est pas elles, alors c’est un fantôme, et elle annonce à son mari que la maison est hantée. Maggie trouve que leur mystification a un peu trop bien marché. La mère invite des voisins à venir constater le phénomène dans sa maison : un peu contrainte par le risque d’être découvertes, les filles recommencent, et les voisins sont convaincus. Finalement, Leah, la sœur aînée de Maggie et Kate, rentre à la maison. Elle comprend tout de suite qui fait les bruits, et elle décide que ses sœurs doivent continuer : si des gens y croient, elles vont se faire du pognon !



Des fantômes dans la jungle, dessins de Ronan Toulhoat, cinq pages. Un détachement militaire Viêt-Cong avance dans la jungle. Soudain, ils entendant des hurlements, et ils se mettent à fuir, convaincus qu’il s’agit de fantômes. Un peu plus tard, dans son bureau, un commandant s’adresse au détective Nguyen : C’est la cinquième patrouille qui fuit face à des fantômes, ça ne peut plus durer, c’est pourquoi il a besoin des services de son interlocuteur. Il continue : si les Américains ont découvert un moyen de ressusciter les morts, il doit mettre la main dessus. Enthousiaste, Nguyen, répond qu’il trouvera, car il est détective communiste ! Répondant à la question du gradé, il explique que ça veut dire qu’il partage tout, surtout quand il n’a rien. Contraint et forcé, il se rend sur le terrain pour enquêter. Dans la jungle, il tombe sur une équipe de soldats américains trimballant une sono diffusant des messages de propagande, et utilisant une grenade au phosphore pour obtenir un effet de lumière spectrale. Il se montre à eux et réussi à se faire passer pour un Américain. Les soldats lui expliquent qu’ils font de la guerre psychologique, c’est l’opération Wandering Souls, une super idée de leur armée avec Hollywood.


Le scénariste reprend le principe d’une anthologie de dix anecdotes, chacune illustrée par un artiste différent, comme il l‘avait fait pour le tome consacré au sport : Plus vite, plus haut, plus sport (2024). Le programme est très alléchant car il aborde des mystères qui ont durablement façonné la culture populaire, en particulier le spiritisme à la fin du dix-neuvième siècle (Victor Hugo, ou ici Sir Arthur Conan Doyle), la légende du Bigfoot (sorte de cousin américain du Yéti), les agroglyphes (cercles de culture), la malédiction pesant sur les tombes des pharaons (référencée par exemple au début de l’album de Tintin : Les sept boules de cristal, 1948), le monstre du Loch Ness, ou encore les recherches sur les capacités parapsychiques conduites pendant la guerre froide. Du fait de leur date d’écriture, ces récits présentent deux propriétés. Le scénariste évoque ces mystères des décennies après leur survenance, et avec le recul des explications qui les ont levés. Du coup, le lecteur éprouve une grande satisfaction à savoir ce qu’il est. Alors finalement, le spiritisme, c’est vrai ou c’est pas vrai ? Qui a tracé ces agroglyphes ? Les tombes des pharaons étaient-elles piégées ? Le monstre du Loch Ness, il existe, ou il y a une chance qu’il existe ? Deuxième conséquence de ce recul amené par les décennies passées : le scénariste peut exercer son ironie et décocher ses sarcasmes en toute connaissance de cause, sans retenue ni pitié.



Le lecteur peut éprouver un moment d’appréhension à l’idée de plonger dans des reportages à la forme un peu académique, tout en exposition, avec des images qui viennent laborieusement illustrer un texte contenant déjà toutes les informations. C’est sous-estimer le savoir-faire du scénariste. Il imagine à chaque fois un mode différent pour rendre vivante chaque situation. Ainsi le lecteur peut voir les sœurs jouer avec la pomme dans leur chambre, puis le détective (communiste) Nguyen se rendre dans la jungle, différentes personnes confrontées à une apparition de Bigfoot, des agriculteurs découvrir des agroglyphes et des scientifiques les examiner, etc. Pour chaque chapitre, il va ajouter un autre dispositif narratif augmentant sa profondeur de champ : pour la première histoire il s’agit de l’engouement du public pour le spiritisme, pour la seconde de soldats miniatures déménageant les décors des cases, pour la troisième la bêtise de ceux qui veulent croire, etc. Ainsi chaque histoire bénéficie de dispositifs narratifs spécifiques et différents pour une saveur particulière, rendue encore plus unique par le changement de dessinateurs.


Chaque artiste doit réaliser une reconstitution historique dans ses pages : la seconde moitié du dix-neuvième siècle aux États-Unis pour les sœurs Fox, la guerre du Vietnam pour les fantômes de la jungle, différentes époques au XIXe et XXe siècle dans de grandes chaînes de montagnes aux États-Unis, des grands champs de blé, un sous-marin, le sarcophage de Toutankhamon, un lac en Écosse, un laboratoire d’essais parapsychiques en U.R.S.S. Tous s’attachent à l’exactitude des tenues vestimentaires, certains sont plus motivés par les décors en extérieur, d’autres par les aménagements intérieurs, tous investissent du temps pour montrer chaque lieu, sans s’économiser sur les décors. En fonction de ses goûts, le lecteur pourra être plus sensible à l’expressivité des sœurs Fox dessinées par Guérineau, à la mise en scène presque claustrophobe de Toulhoat, aux personnages irradiant littéralement de bêtise d’Alary, à l’exaspération de l’extraterrestre de De Jongh, à la gêne croissante d’Elsie Wright et sa cousine Frances Griffiths par Mazel, à la tête des harengs par Maltaite, à la clarté des dessins de Siamh, à la formidable mauvaise foi des personnes concernées par Repos, à la sensation de grande forêt par Joret, au vrai enthousiasme des chercheurs par Rey.



Bien évidemment, les artistes participent également à la composante comique, chacun à leur manière, avec des dispositifs différents. Impossible de résister aux dollars dans les yeux de Leah Fox, aux soldats déménageurs de décor dans les cases, aux messages provocateurs des agroglyphes, au Yellow Submarine dans la collection de photographies de sous-marins, à Nessie en train de lire Dragon Ball d’Akira Toriyama (mélange d’absurde et d’anachronisme), etc. Avec le recul des démystifications, le scénariste s’en donne à cœur joie pour brocarder la crédulité des uns et des autres, de tous ceux qui veulent voir et croire (et peut-être même dans l’ordre inverse). Ainsi dans le canular de Bigfoot, il conclut son histoire par le recours d’un protagoniste à l’argument le plus puissant que la Terre ait jamais porté : Patterson était trop bête pour monter un coup pareil. Et le narrateur omniscient commente : Comme quoi, les enfants, plus un individu est bête, plus ce qu’il raconte est crédible. Terminant sur la sentence : Ça explique bien des choses sur l’état du monde.


Comme à son habitude, le scénariste se montre sarcastique et moqueur, sans méchanceté. Au fil des arnaques (oui, il n’y a que des arnaques), il met en lumière les mécanismes qui ont fait que le mystère a pris. Il y a régulièrement des individus qui veulent croire : sous l’emprise du biais de confirmation, ils argumentent tant et si bien qu’ils en viendraient à convaincre la personne à l’origine de la supercherie. L’appât du gain peut s’avérer une bonne motivation pour entretenir un mystère éventé : le tourisme autour du Loch Ness. Le simple plaisir de faire tourner en bourrique, ou en ridicule, des experts, par exemple avec les agroglyphes. Le risque du ridicule, qui ne tue plus mais quand même… impossible de ne pas prendre aux sérieux les Russes menant des recherches sur les pouvoirs parapsychiques… si jamais ça existait… Et aussi l’absence totale de scrupule et de toute déontologie pour la malédiction des tombes des pharaons fabriquée sciemment de toute pièce. Sans oublier la bêtise humaine, ça vaut le coup de le rappeler. Le lecteur lit avec plaisir chaque page de texte venant compléter le chapitre de bande dessinée, pour en savoir plus sur un autre aspect de l’histoire. Il remarque aussi que l’auteur de la série Le petit théâtre des opérations case deux histoires de guerre.


Le lecteur peut nourrir un a priori négatif pour ce genre d’anthologie : vite faite, autant pour le scénario que pour les dessins. Il lui suffit de lire le premier chapitre, ou de reconnaître les noms des créateurs impliqués pour être rassuré. Les auteurs passent en revue dix mystères célèbres, et mettent en scène les principaux acteurs, avec une solide reconstitution historique, et une bonne dose d’humour. Le lecteur en sort avec le sourire aux lèvres, les pendules remises à l’heure sur ces arnaques, et une meilleure compréhension des mécanismes qui mènent à la réussite de ces supercheries.



lundi 1 septembre 2025

Paysans, le champ des possibles

Le champ des possibles, c’est reconquérir sa souveraineté, on autonomie d’être, sa capacité à penser.


Ce tome correspond à un reportage auprès de nombreux acteurs, il ne nécessite pas de connaissances préalables. Son édition originale date de 2023. Il a été réalisé à partir du travail documentaire de Marie-France Barrier, par Céline Gandner pour le scénario, et par Marie Jaffredo pour les dessins et les couleurs. Il comporte cent-cinq pages de bande dessinée. Il s’ouvre avec un texte rédigé par Michel Welterlin, directeur de la collection Témoins du monde. Il se termine avec les remerciements des trois autrices, une présentation de leur parcours, et la liste des ouvrages parus dans cette collection.


Elle se sent Perce-Neige, pas celle qui fait le printemps, celle qui l’annonce. Le lierre, il fleurit en octobre. C’est tard, oui. Mais il offre aux abeilles, bien contentes, de quoi butiner toute l’année. Alors pourquoi Perce-Neige ? Elle fleurit parmi les premiers et, Marie-France a eu le sentiment de s’être éveillé très tôt à ces réflexions environnementales. Ce n’est ni bien ni mal. Là, elle se tient collée contre le tronc d’un très grand arbre, il a bien trois cents ans. C’est son spot secret, à elle, son paysage. Elle lui parle comme un confident. Les arbres sont des traits d’union entre les énergies cosmiques qui viennent du fin fond de l’univers et les énergies telluriques nichées au cœur de la terre. Ce sont des alchimistes qui font le lien entre le visible et l’invisible, et transforment la lumière et le CO2 pour nourrir les êtres humains, les abriter les chauffer, les éclairer. Et eux, petits humains qui sont si dépendants d’eux, pourquoi se sont-ils tant éloignés de ces génies généreux ? Ils se sont crus au sommet de la création quand ils ne sont qu’un infime maillon de cette chaîne du vivant.



Marie-France aimerait tellement participer à leurs retrouvailles, se réconcilier avec l’Arbre, ce grand chef d’orchestre de la nature. Comme il est beau, ce vieux frère, toujours à grandir vers la lumière ! Nichée au creux d’un arbre, c’est là où elle se sent le mieux. Elle a comme l’impression d’être à la maison, d’être en famille. Depuis toute petite, elle cherche sa juste contribution au monde, elle a envie d’être au service de la vaste communauté des terriens. Elle a comme l’intuition d’une mission à accomplir. Alors voilà, tout comme le font les arbres, elle va elle aussi prendre soin de la terre nourricière. Elle a besoin de se rebrancher, de mettre les mains dans la terre. Voilà dix ans qu’elle fait du documentaire et, là, elle a besoin d’autre chose, de plus concret, de plus engagé. La voilà partie pour une nouvelle aventure de vie : douze semaines de formation au maraîchage biologique en Sologne, qui sait, un nouveau chapitre d’existence s’ouvre peut-être. Marie-France se rend à la ferme de Sainte Marthe. En arrivant, elle y découvre qu’il y a plein de gens comme elle. Elle n’est pas si isolée dans ses questionnements et son appel à la terre. Ici elle n’est pas une bizarrerie. Elle perçoit des profils et des âges très différents. Mais ils sont tous novices du monde agricole. Retourner à l’école pour retrouver une position d’apprenante. C’est revitalisant. Le premier jour, chacun se présente et partage la raison de sa venue. C’est très excitant pour tout le monde. Comme un saut dans le vide.


Marie-France Barrier est documentariste de profession, et elle a réalisé, entre autres, les films Le champ des possibles (2017) et Le temps des arbres (2020), dont s’inspire le présent ouvrage, où les autrices la mettent en scène. La séquence d’ouverture expose ainsi sa motivation ainsi que sa démarche. Impressionnée par les arbres, et consciente de la position intenable de l’être humain séparé du monde végétal, elle décide de prendre soin de la terre nourricière en commençant par un stage de formation en maraîchage. Toutefois, elle fait rapidement le constat qu’elle n’est pas faite pour ce métier. En revanche, elle a fait l’expérience qu’il y a tant de belles histoires à raconter autour de ce monde agricole qui se réinvente, qui cherche des solutions, qui explore le champ des possibles pour faire pousser un avenir fertile et résilient. Elle reprend donc la route pour aller écouter et recueillir la parole des anciens agriculteurs, viticulteurs et éleveurs qui ont grandi dans le moule de l’agriculture industrielle et qui se sentent prêts à s’en détacher pour en imaginer un autre. Les autrices mettent ainsi en scène ces rencontres, la parole d’un céréalier, d’un éleveur laitier, des membres d’une ferme collective, d’un scieur mobile, d’un propriétaire forestier, d’un paysan, d’un couple de viticulteurs, avec une grande importance donnée aux images.



En entamant ce genre d’ouvrage, le lecteur peut nourrir un a priori sur sa forme : des longs pavés de texte explicatifs pour exposer les faits et les connaissances, et des images réduites au rôle de faire-valoir. Il y a bien des phases d’exposition consistantes, sans pour autant que se produise l’effet de pavés indigestes par trop de didactisme magistral. Chaque entretien prend la forme d’une rencontre avec un professionnel personnellement impliqué dans la mise en œuvre de méthodes différentes offrant une alternative viable à l’agriculture industrialisée, avec une part prépondérante donnée au témoignage plutôt qu’à l’exposé. La première page de bande dessinée peut faire hésiter le lecteur : un petit dessin de perce-neige en bas à droit de la page, sur fond gris, avec trois cartouches de texte, c’est-à-dire plus de texte que d’image. Dans les trois pages suivantes : une illustration pleine page, pour un arbre et Marie-France en relation avec. Puis le lecteur découvre des cases disposées en bande sans bordure encrée. Des dessins au rendu doux, dans un registre naturaliste un peu simplifié, avec des couleurs dans un mode réaliste avec des teintes un peu estompées. La dessinatrice apporte bien sûr un soin particulier aux plantes et aux arbres. D’ailleurs elle réalise quarante illustrations en pleine page ayant pour objet la nature, que ce soient des plantes ou des paysages.


Le lecteur voit bien que cet ouvrage est consacré à la culture, à la terre et à son travail, aux plantes et aux arbres. Les dessins ne parlent que de ça : il peut ainsi contempler ces paysages et ces activités dans leur variété. Les trajets dans de petites routes de campagne, les rangées de salades, la qualité de la terre arable éprouvée à pleine main avec ses vers de terre, les sillons bien parallèles, les vaches, l’herbe et les fleurs, les haies qui délimitent des parcelles de petite taille, les forêts de hauts arbres, la terre devenue aride et nue, le savant travail de sciage d’un arbre de gros diamètre, les tristes forêts de culture de résineux, les écureuils, les champignons… Puis des paysages moins communs : une parcelle cultivée autour de l’arbre et avec lui, des moutons qui profitent des arbres fourragers, des arbres plantés dans une parcelle de vignes pour rompre avec la monoculture, la prolifération de la faune dans une mare, etc. Grâce aux dessins, le lecteur peut constater par lui-même l’existence de ces cultures d’une approche différente, ainsi que leurs répercussions sur la faune et la flore. À l’évidence, l’artiste s’est richement documenté pour pouvoir transcrire ces modes de culture sortant du modèle de l’agriculture industrielle. Elle les représente avec une évidence dont la plausibilité atteste d’une observation éclairée de ces sites.



Recueillir la parole d’agriculteurs, viticulteurs et éleveurs qui se sont détachés de l’agriculture industrielle, c’est ainsi que Marie-France va d’abord rencontrer Olivier, pays de Caux, céréalier depuis 20 ans, 45 ans, 300ha de céréales. Puis Frédéric, Sarthe, éleveur laitier, la quarantaine, environ 50 vaches et 60ha. Visiter une ferme collective, 11 ingénieurs agronomes, 80ha, village La Tournerie dans le Limousin. Et Étienne, proche de la retraite, Castelnau-de-Brassac, au-dessus de Castres, scieur mobile. Xavier, 56 ans, comptable, propriétaire forestier, a acquis 110ha près du plateau de Millevaches près de Limoges. Jack, coteaux du Gers, ferme familiale, 56 ans, paysan, 150ha. Delphine et Benoît, viticulteurs, Bordelais, couple de vignerons explorateurs, 8ha. Il s’agit de professionnels installés depuis plusieurs années, mettant en œuvre leurs convictions, et vivant de leur travail, sans perte financière par rapport à leurs pratiques précédentes. Dans un premier temps, la journaliste semble mettre en avant des convictions personnelles peut-être naïves sous un certain angle : Les arbres en tant que traits d’union entre les énergies cosmiques qui viennent du fin fond de l’univers et les énergies telluriques nichées au cœur de la terre, le paysan qui travaille avec le vivant est plus qu’un sage, c’est un super-héros, reconquérir sa souveraineté, son autonomie d’être, sa capacité à penser. Ou encore : Chacun d’entre nous sait mieux que quiconque ce qui est le mieux pour soi.


Toutefois ces convictions cèdent immédiatement le pas aux expériences concrètes racontées par chaque professionnel rencontré. La découverte d’acteurs d’un monde agricole qui se réinvente, qui cherche des solutions, qui explore le champ des possibles pour faire pousser un avenir fertile et résilient. Il n’y a rien de naïf dans leurs histoires, dans leur expérience de vie, ni rien de manichéen, encore moins de magique. C’est du concret, le retour de l’expérience. Au fil de ces rencontres, la journaliste évoque tous les questionnements qui accompagnent cette mise en œuvre d’alternatives : le rendement, la résistance aux maladies, la viabilité économique, et les aspects écologiques de base comme la biodiversité et la compatibilité de la production avec les rythmes naturels et les écosystèmes, et même ce concept un peu flou de bon sens paysan en lui rendant du sens, sans angélisme, sans moralisme. Le lecteur en ressort tout ragaillardi d’avoir ainsi pu découvrir des alternatives viables, à un mode de production dont il peut se sentir prisonnier parce qu’il n’y aurait pas de possibilité de faire autrement.


Un ouvrage écolo et petites fleurs ? Au contraire, des reportages avec les pieds dans la boue, les mains dans la terre, et une complémentarité entre expérience de terrain et connaissances théoriques. La narration visuelle donne à voir une multiplicité de paysages agricoles, dans leur diversité et leur richesse. Les autrices permettent au lecteur de découvrir, de rencontrer et d’écouter des paysans et des éleveurs passionnants, dont le parcours professionnel dans l’agriculture industrielle les a amenés à avoir la curiosité de chercher et de mettre en œuvre des alternatives pragmatiques et viables. Passionnant.