Ma liste de blogs

jeudi 4 mai 2023

Centaurus T04 Terre d'angoisse

Eux aussi ont été affectés par la manipulation.


Ce tome fait suite à Centaurus T03 Terre de folie (2017) qu’il faut avoir lu avant. Il faut avoir commencé par le premier tome car il s’agit d’une histoire complète en cinq tomes. Sa première publication est survenue en 2018. Il compte quarante-six planches de bande dessinée. Il a été réalisé par LEO (Luiz Eduardo de Oliveira) & Rodolphe (Rodolphe Daniel Jacquette) coscénaristes, et Zoran Janjetov, dessinateur et coloriste. Ce trio a ensuite réalisé la série Europa.


Sur le vaisseau-monde, au village où habite la famille Osmond, le révérend Solers est interrogé par la police, dans sa demeure. Il se plaint que c’est une honte, un scandale même. Un homme de Dieu comme lui traité comme le dernier des voleurs et des assassins ! Le policier en charge de l’enquête lui fait observer que quelqu’un a été assassiné, et que c’est assurément par l’un des habitants du vaisseau-monde. Le révérend rétorque qu’il a bien compris qu’il était soupçonné : les policiers ont interrogé ses paroissiens, questionné ses amis, et maintenant ils fouillent sa maison, mettent ses affaires sens dessus dessous ! Il insiste : pour quelle raison ? Le policier lui répond : cette femme, Lucy Osmond, elle était bien la maîtresse du révérend ? Ce dernier va pour s’emporter, mais son visage se congestionne, il tombe à genou par terre sans pouvoir proférer une parole ou un son, puis tombe à la renverse, allongé, ayant perdu connaissance. Ses ongles et ses lèvres sont devenus bleus.



Un médecin et un technicien arrivent et s’affairent : l’ai est pauvre en oxygène, il faut éviter de courir et de trop gigoter, et de s’énerver aussi. Un voisin indique que deux ou trois autres personnes ont eu la bouche et les doigts bleus. Sur la planète, dans une clairière dégagée, Richard Klein revient auprès de Mary-Maë Randolf, Jenny Goldman et Joy. Il résume : ça fait des heures que Bram est parti à la recherche de June, ils ne peuvent pas rester là à les attendre indéfiniment. Randolf, la responsable de l’expédition répond : oui, il a raison, c’est risqué de rester ici, à découvert. Ils ne peuvent plus compter sur le flair de Graal, ni sur les prémonitions de June pour leur donner l’alerte en cas de danger. Elle décide que le groupe doit regagner le véhicule et son canon laser. S’il le faut, ils les attendront à bord. Joy s’oppose véhément à ce départ. Pierre de Bourges estime que Bram va rapidement déduire qu’ils ont été obligés de regagner le véhicule et qu’il n’y a donc pas à s’inquiéter. Le petit groupe de cinq personnes ramasse ses affaires et commencent le chemin du retour à travers la forêt aux hauts arbres. Soudain une grande créature ailée leur tombe dessus. De Bourges fait feu et parvient à l’abattre avant qu’elle n’ait touché qui que ce soit. Ils reprennent leur marche, sans se rendre compte qu’ils sont suivis par un petit groupe d’amérindiens. De son côté, June avance d’un bon pas, nullement gênée par sa cécité. Un énorme félin s’est subrepticement rapproché derrière elle, sans qu’elle ne s’en aperçoive. Il s’apprête à bondir, quand soudain, sans bruit, des tentacules sortent du sol, l’immobilise, l’étrangle et le tue.


Au cours du tome trois, les événements se précipitaient et il tarde au lecteur d’en découvrir plus, d’avoir des réponses à un nombre significatifs de mystères, car leur accumulation est telle que tout ne peut pas être résolu dans le dernier tome à venir. En effet le temps est venu d’apprendre qui a faussé les paramètres du plan de vol du vaisseau-mère, qu’est-ce que c’est que cette histoire d’amérindiens, et s’il s’agit vraiment du grand-père qui parle à sa petite-fille June. Tout n’est pas révélé, et il reste encore beaucoup d’explications à fournir dans le tome cinq, pour pouvoir légitimer toutes les bizarreries des tomes précédent comme le dinosaure ou la boule de marbre flottante. Dans le même temps, comme il s’y attendait, le lecteur observe que le nombre de nouveaux mystères est en baisse, voire que les auteurs arrêtent d’en intégrer de nouveaux car tout doit être résolu dans le tome suivant. Cela produit un effet un peu mécanique et prévisible dans la structure du récit.



Cette structure apparente du récit n’empêche pas de continuer à apprécier le voyage grâce aux dessins toujours aussi méticuleux, précis et plausibles. L’artiste s’investit tout autant dans chaque page, sans jamais céder à la tentation d’en réaliser une avec des angles de vue ou un découpage qui l’affranchirait de prendre le temps de tout représenter en détail. Le nombre de cases oscille entre six ou sept par pages, sagement disposées en bande, avec des bordures bien droites, bien régulières, et des gouttières très nettes. La première page offre deux cases de la largeur de la page avec une vue extérieure de la maison du révérend, et le lieu de prière en arrière-plan, avec une forme de clocher. Le lecteur prend le temps d’apprécier la densité de la forêt en arrière-plan, puis regarde avec curiosité l’entrée de la maison, la disposition des fenêtres, la forme du toit, la porte de garage. Il peut même s’amuser à rapprocher ces vues de celles en planches deux et trois, avec un angle de vue différent sur la façade principale de la demeure : tout est parfaitement raccord entre ces deux plans. Une fois que les membres de l’expédition ont rebroussé chemin, ils doivent retraverser une forêt aux hauts arbres : le lecteur peut ressentir le plaisir de l’ombre sous le feuillage, grâce à une mise en couleur qui sait montrer les petites zones éclairées par les quelques rayons de soleil qui passent par les trouées dans le feuillage. Il a l’impression de pouvoir toucher l’écorce des arbres et d’en sentir leur rugosité.


Les déplacements des personnages se poursuivent et le lecteur continue son voyage : retour dans le bureau du gouverneur Korolev avec son mobilier en bois bien poli et brillant, bref passage entre les énormes canalisations de distribution d’oxygène dans tout le vaisseau-monde, une nuit passée à la belle étoile dans un endroit dégagé, ambiance clinique dans les bureaux des analystes programmeurs dépourvus de fenêtre et sous lumière artificielle, très belle plaine herbeuse sous un horizon ouvert avec quelques rochers affleurant, très étonnants bâtiments d’un blanc immaculé rendant compte d’une architecture hygiéniste, etc. Comme dans les tomes précédents, les dessins méticuleux de Zoran Janjetov apportent une consistance remarquable à chaque lieu, naturel et édifié de la main de l’homme, y compris les intérieurs avec leur aménagement spécifique à la destination de la pièce ou de la zone : le lecteur ressent la réalité de ce qui est montré, le fait que les personnages s’y trouvent et agissent en fonction des caractéristiques des lieux. L’exemple le plus parlant et en même temps le plus trivial peut se trouver en pleine forêt alors que Mary-Maë Randolf trouve un abri derrière un rocher pour pouvoir faire ses besoins.



L’épaisseur et la personnalité des protagonistes continuent d’être véhiculées avant tout par les dessins : leurs postures, leurs gestes, leurs expressions de visage en disent beaucoup plus sur eux que leurs propos ou leurs actions. Le lecteur continue de constater qu’il n’éprouve pas d’émotion particulière quand un nouveau membre de l’expédition trouve la mort dans un carnage horrible, ou quand un officiel est assassiné dans le vaisseau-monde. Les scénaristes semblent ne pas trop se préoccuper des motivations profondes de leurs personnages, préférant se tenir à distance d’eux, ce qui fait que le lecteur les perçoit plus par leur fonction, comme des individus de passage dans lesquels il ne s’investit pas émotionnellement. Comme pour les tomes précédents, cela induit qu’il se focalise plus sur l’intrigue, sur les mystères, sur les événements inattendus. En fonction de son investissement personnel et de sa motivation, il continue plus ou moins à essayer d’anticiper les révélations, à les supputer sur la base des indices qu’il a pu relever. Il peut aussi diriger son attention sur les nouveautés, comme cette raréfaction progressive de l’oxygène. Les coscénaristes font donc en sorte de susciter sa participation, de l’amener à une lecture active, avec ces mystères. Cette démarche incite également le lecteur à se montrer critique. Il découvre donc que les responsables du vaisseau-monde ont distribué des masques respiratoires à la population et les obligent à les garder sur le visage en les ayant muni d’un dispositif qui s’auto-verrouille comme le montre une séquence où un enfant manque de s’étouffer faute de pouvoir enlever le sien. L’esprit critique en éveil, le lecteur en vient à se demander comment ces individus peuvent manger alors que le masque n’a pas été conçu pour, un détail qui le fait sortir de l’histoire du fait de la représentation très précise.


Dans cet avant-dernier tome, les coscénaristes ont entamé la dernière phase de leur récit en donnant surtout des réponses, et en évitant d’ajouter de nouveaux mystères. L’artiste réalise des planches toujours soignées en termes de précision de description, de clarté de lecture, de minutie, permettant au lecteur de bénéficier d’une immersion d’une qualité rare. Le lecteur voit se concrétiser ce qu’il avait anticipé : l’obligation pour les voyageurs du vaisseau-monde de débarquer sur cette planète qui n’était pas leur destination, et la présence d’une entité qui n'a pas leur salut en tête. Il ressort de ce tome avec l’envie d’avoir le fin mot de l’histoire, les explications manquantes, et de retourner sur ce vaisseau-monde et sur cette planète pour continuer d’y fureter en accompagnant les uns et les autres. En revanche, il n’a pas d’attente vis-à-vis des personnages, ni envie de retrouver l’un ou l’autre éprouvant plutôt une forme d’indifférence à leur endroit. Il a bien en tête que même les plans les mieux préparés peuvent échouer.



2 commentaires:

  1. Très belle couverture, avec un effet de couleurs très réussi.

    Le nombre de cases oscille entre six ou sept par pages, sagement disposées en bande, avec des bordures bien droites, bien régulières, et des gouttières très nettes. - Je trouve que ça accentue l'absence de mouvement ressentie à l'observation de ces planches. Néanmoins, j'adore le style du dessinateur. C'est propre, c'est précis, c'est net. C'est très agréable à l'œil. Ça me rappelle certains artistes anglo-saxons sans que je sois en mesure de citer un nom.

    Le lecteur continue de constater qu’il n’éprouve pas d’émotion particulière quand un nouveau membre de l’expédition trouve la mort - Et pourtant, le lecteur aura eu quatre tomes pour se familiariser avec les protagonistes. Dans un one-shot, je ne dirais rien, mais dans une série, c'est qu'il y a un truc qui coince, peut-être du côté des caractérisations ?

    Les scénaristes semblent ne pas trop se préoccuper des motivations profondes de leurs personnages, préférant se tenir à distance d’eux, ce qui fait que le lecteur les perçoit plus par leur fonction, comme des individus de passage dans lesquels il ne s’investit pas émotionnellement. - Ben voilà, tout est dit.

    il se focalise plus sur l’intrigue, sur les mystères, sur les événements inattendus. - Ce n'est pas mal non plus, du moment que cela répond aux attentes et que c'est bien cela que l'on est venu chercher.

    Il ressort de ce tome avec l’envie d’avoir le fin mot de l’histoire, les explications manquantes - L'intérêt est donc intact, tant mieux, d'autant plus qu'il ne reste qu'un seul tome.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Chaque couverture est saisissante, intrigante, parfaitement exécutée, ayant joué un rôle significatif dans ma décision de m'investir dans cette lecture.

      J'aime également beaucoup Zoran Janjetov que j'avais dû découvrir avec la séries Les technopères (dérivées de L'Incal) avec un scénario de Alejandro Jodorowsky & Fred Beltran.

      Ces personnages participent à une expédition en fonction de leurs compétences, mais il n'est pas établi d'enjeu personnel pour chacun d'entre eux, à l'exception des deux sœurs, et encore. Et même sur un plan purement intellectuel, chaque membre de l'expédition n'a pas l'air d'être marqué par ces moments extraordinaires.

      Les mystères : ça va bien un moment, sous réserve d'y apporter des réponses, ou de jouer avec la notion que le mystère est impénétrable pour différentes raisons. Les réponses s'avèrent trop légères à mon goût, et je n'ai pas perçu de dimension philosophique sur le fait que les mystères font partie de la vie et ne peuvent pas être percés, par exemple parce que le champ de la connaissance ne cesse de s'étendre et de révéler qu'il reste toujours autant à explorer.

      L'intérêt est intact, mais la confiance dans les auteurs à combler l'horizon d'attente est entamée.

      Supprimer