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jeudi 11 mai 2023

Lady Elza T02 La vente Coco Brown

Les hommes sont parfois à bien à plaindre.


Ce tome est le second d’un diptyque. Il fait suite à ‎Lady Elza T01 Excentric Club (2014). Il a été réalisé par Jean Dufaux pour le scénario et par Philippe Wurm pour les dessins et les couleurs. Sa première publication date de 2011. Ce personnage est issu de la série précédente réalisée par les mêmes auteurs : Les Rochester, six tomes de 2001 à 2009.


Il faut évoquer ici une histoire bien curieuse qui se passa à Londres. La vente Coco Brown. Dont les journaux publièrent certains aspects tout en négligeant l’essentiel. À savoir la présence de Lady Elza sur les lieux du drame. Certes, il y eut mort d’homme mais là n’est pas l’essentiel… L’essentiel, c’était la recherche d’appartement. Tout commença au Savoy, un endroit bien sympathique et convivial pour ceux et celles qui disposent de quelques monnaies. Ici, tout est passage, argent, beauté éphémère, tempes blanchies, mécènes, passions, liftings, redressement, anéantissement. Ici, le désir s’accroche aux jambes des femmes, tandis que les honneurs et les illusions s’exposent au revers des vestons. Gordon Ramsey officie toujours au Savoy Bar. C’est bien la preuve que la crise boursière n’est qu’un furoncle sur le cuir du vulgaire. À défaut d’honneurs, certains bégaient, ce qui leur donne un air charmant. Pourvu qu’ils soient jeunes. Ce qu’est manifestement Amadeus Dexter, agent immobilier de profession et amoureux transi par accident. L’accident, c’est notre Lady. Belle sensuelle avec discrétion ce qui reste le pire des pièges.



Les Londoniens vaquent à leurs occupations, marchant sous la pluie. La nuit est tombée, le ciel est lourd de nuages noirs. Elza Rochester considère son vis-à-vis en se disant qu’il est mignon, en se demandant si elle l’emmènerait dans sa chambre. Elle opte pour la négative : elle ne veut pas finir comme ces New-Yorkaises mal fagotées qui jouent dans cet affreux soap-opéra. Finalement, elle brise le silence et interroge Amadeus Dexter : les nouvelles ne sont pas bonnes ? Il passe en revue les spécifications de sa cliente : un appartement non loin de Buckingham Palace, dernier étage avec ascenseur, vue dégagée, terrasse, parc privatif, trois chambres avec dressing room, prévoir 400 paires de chaussures, superficie 150m² minimum, petit studio d’appoint si jamais un domestique est requis. Il finit par s’exclamer qu’il connaît un appartement susceptible de peut-être l’intéresser : la vente Coco Brown ! Un scandale qui a fait la une des journaux ! Brown était ce journaliste qui travaillait pour Jason Theaser, le roi des chasseurs de scoops. Brown était parvenu à s’introduire dans la messagerie du portable de Lady Diana. Il pratiquait la technique du harcèlement pour obtenir un maximum de renseignements sur la famille royale. Le Sun et le News of the World ont publié certains de ses articles. Brown devait apporter à Clive Woodman, vétéran des chroniqueurs royaux, des révélations propres à déstabiliser la Couronne. Il a été retrouvé mort dans son appartement.


Deuxième tome des aventures de cette jeune divorcée, appartenant à une bonne famille de la haute société, sans aucun souci d’argent, avec une aisance financière de grande fortune, sans avoir besoin de travailler, et une propension à badiner pour faire tourner les hommes en bourrique. Le lecteur retrouve l’héroïne à l’identique du tome précédent : paradoxale. Une ingénue ne semblant pas bien saisir ce qui se passe autour d’elle, en même temps qu’une femme s’en tirant sans une seule égratignure. Une femme très consciente des tensions de nature sexuelle que sa simple présence génère, une gêne qu’elle entretient chez le pauvre Amadeus Dexter, en même temps qu’une vie d’une chasteté exemplaire. Le lecteur n’en vient pas à considérer cette dame comme une peste, car la direction d’actrice montre une jeune femme, peut-être trentenaire, se conduisant sans malice, nature, et parfois facétieuse mais sans méchanceté. Elle est toujours vêtue avec goût, sans signe de richesse ostentatoire, sans faute de goût, par opposition à Carrie Bradshaw, Charlotte York, Miranda Hobbes ou Samantha Jones, les quatre héroïnes de la série Sex and the city (6 saisons de 1988 à 2004) à laquelle Elza fait allusion en les qualifiant de New-Yorkaises mal fagotées. Le lecteur éprouve le minimum de sympathie requis pour cette femme, mais guère plus, du fait de son caractère foncièrement égocentré. Dans un premier temps, il éprouve de la compassion pour le pauvre Amadeus Dexter dont les élans du cœur connaissent des hauts et des bas au gré des taquineries et des sous-entendus de Lady Elza, mais il se lasse rapidement de ce personnage trop falot.



Le récit commence avec une magnifique vue aérienne d’un quartier de Londres sous la pluie : cette vue atteste du degré élevé de l’implication de l’artiste. De fait, son implication reste entière du début à la fin et le lecteur peut s’immerger dans un environnement londonien : Big Ben, l’ambiance luxueuse du Savoy, différents endroits des quais de la Tamise, un pub typique, l’aiguille de Cléopâtre, Saint James Park, Tower Bridge, Regent Street, la silhouette allumée du cornichon (30 St Mary Axe). Il peaufine avec le soin les intérieurs des restaurants et des appartements, avec une décoration intérieure impressionnante, mais sans être ostentatoire, pour l’appartement de la succession Coco Brown. Le lecteur prend plaisir à regarder chaque lieu, laissant son regard fureter à gauche, à droite. Les personnages disposent chacun d’une morphologie spécifique, de la silhouette fine d’Elza Rochester, à l’embonpoint assumé de Feet, avec des tenues vestimentaires adaptées à leur condition sociale et à leur occupation ou leur profession. Le lecteur remarque que le dessinateur sait se montrer discrètement facétieux : un garçon d’étage avec le costume de Spirou, une case consacrée aux canards sur un plan d’eau, des personnages en ombre chinoise, une statuette de Sigmund Freud se bouchant les oreilles dans le cabinet d’un psychothérapeute, et dans la page suivante une statuette de Dingo (Goofy) exactement dans la même position induisant un commentaire visuel bien sentie sur la psychanalyse, quatre cases successives envahies par des onomatopées.


De son côté, le scénariste ouvre son récit avec une écriture qui évoque à la fois le roman policier tout public, une forme légère de cynisme comme un vernis mondain, et un badinage, déjà présent dans le tome un. Lady Elza a bien décelé le trouble qu’elle provoque chez l’agent immobilier et elle se fait un malin plaisir de le mettre sur le grill avec des phrases à double sens, qu’il saisit mais qu’il met sur le compte de son propre esprit mal tourné. Ce mode de conversation se reproduit à deux ou trois reprises, sans rien de plus concluant qu’un chaste baiser. Cette titillation par le langage se reproduit lors des deux pages consacrées à une séance d’Amadeus Dexter chez son psychothérapeute qui s’avère encore plus démangé que son client. Par la suite, Elza Rochester se trouve prise en filature dans les rues de Londres et, sur les conseils de Feet, elle va trouver refuge dans un cinéma où elle se rend compte une fois installée qu’il diffuse des films à caractère pornographique : les échanges verbaux se rapprochent de l’explicite, mais l’acte le plus cru est constitué par une caresse sur la cuisse. Le lecteur reste un peu dubitatif de cette composante en sous-entendus dans des dialogues pas assez lestes pour être considérés grivois.



Le lecteur se demande s’il ne doit pas considérer le récit comme appartenant au registre parodique dans une veine discrète ; toutefois l’intrigue policière s’avère consistante. Un journaliste détenant des preuves de comportements licencieux d’un membre de la famille royale a été assassiné et son article a disparu. Plusieurs factions tournent autour de la nouvelle occupante de son appartement, la plupart lui voulant du mal et jouant de l’intimidation. Le mystère se révèle assez épais, au point que l’un des personnages effectue un résumé de la situation en page quarante-quatre, au cas où le lecteur aurait perdu le fil. Ce dernier s’attend à des commentaires bien pensés sur les passe-droits de la famille royale ou sur la presse en sensation, mais il n’en est rien. Il se dit que la résolution va donner lieu à une scène d’action spectaculaire, ou à un exposé astucieux et pénétrant, mais il n’en est rien. Voire, il reste confondu par le fait que deux des mécréants s’éliminent en se tirant dessus l’un l’autre au même moment, une dénouement aussi pratique qu’artificiel. La page de conclusion présente un cadeau inattendu à Elza Rochester, sans apporter d’ironie ou de moquerie, plutôt la confirmation d’une forme comédie légère et édulcorée, manquant de saveur.


Le lecteur referme ce second tome sans regretter que les auteurs n’aient pas continué la série. D’un côté, la narration visuelle s’avère roborative et alerte, un voyage à Londres, aux côtés de personnages de roman. De l’autre côté, l’intrigue policière repose sur un point de départ solide, sans réussir à tenir ses promesses que ce soit de critique sociale, de mystère, ou d’humour décalé.



2 commentaires:

  1. Déjà le second tome. J'envie ta productivité.

    Gordon Ramsey - (Ramsay ?) J'ai quand même vérifié, vilain réflexe. Il a effectivement travaillé au Savoy. J'adore ce type de détail.

    la direction d’actrice - Ce n'est pas la première fois que tu emploies cette expression. Je voulais te demander pourquoi tu préférais utiliser une expression issue de l'univers du cinéma plutôt qu'un terme comme "caractérisation", par exemple.

    Le lecteur éprouve le minimum de sympathie requis pour cette femme, mais guère plus [ET] il se lasse rapidement de ce personnage trop falot. - J'en conclus que l'attachement aux personnages n'est pas l'attrait numéro un de cette série.

    le lecteur peut s’immerger dans un environnement londonien - Autant cela me plaît pour Paris ou New York, mais cela fait des années que Londres (et le Royaume-Uni, d'ailleurs) a fini par me lasser et a perdre tout intérêt à mes yeux.

    Le lecteur reste un peu dubitatif de cette composante en sous-entendus dans des dialogues pas assez être lestes pour être considérés grivois - "être" serait-il en trop ?

    Le lecteur referme ce second tome sans regretter que les auteurs n’aient pas continué la série. - Et boum. Le couperet est tombé. Je suppose que les ventes ou la réception du public n'y étaient pas. On ne sent guère de conviction dans tes propos.

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    1. Déjà le second tome : bon, c'est pas vraiment un exploit, quand on prend en compte que la série ne compte que deux tomes, ça relativise tout de suite le fait de l'avoir lue, relativement, rapidement.

      La direction d'acteur / d'actrice : il y a quelques années de cela, j'avais été frappé par un critique de comics qui utilisait le vocabulaire du cinéma pour analyser la narration visuelle d'un dessinateur.

      Je m'en inspire régulièrement pour évoquer des aspects de la mise en scène (également un terme cinéma & théâtre), et plus largement de la réalisation (même si pour l'instant je n'ai pas trouvé comment transposé un métier comme directeur de la photographie ou chef opérateur). Dans mon esprit, la direction d'acteur est plus spécifique que la caractérisation : il y a toutes les composantes du jeu de l'acteur, expressions du visage, gestes, déplacements, langage corporel, façon de se positionner dans un lieu, par rapport aux autres, de se comporter en public et en privé, le rapport aux objets et aux outils, etc. Toujours de mon point de vue (à mon humble avis, comme il est coutume de dire), c'est une dimension différente de la mise en scène ou des costumes, et que je remarque surtout quand cela donne plus de caractère au personnage.

      Je me suis fait une idée a priori du personnage de Lady Elza plein de promesses, avec un fort potentiel, et je ne l'ai pas trouvé assez piquante ou sarcastique, ou séductrice à tendance manipulatrice, un peu trop lisse, alors que le scénariste aurait pu allier une approche tout public avec des sous-entendus adultes. Peut-être que j'en attendais trop.

      Le couperet est tombé : en même temps, en revoyant les planches, je me dis que j'aimerais bien lire une BD de Philippe Wurm avec un scénario plus attrayant.

      Je supprime le Être de suite. Merci.

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