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jeudi 20 avril 2023

Centaurus T03 Terre de folie

On serait devenus amis.


Ce tome fait suite à Centaurus T02: Terre étrangère (2016) qu’il faut avoir lu avant car il s’agit d’une histoire complète en cinq tomes. Sa première publication est survenue en 2017. Il a été réalisé par LEO (Luiz Eduardo de Oliveira) & Rodolphe (Rodolphe Daniel Jacquette) coscénaristes, et Zoran Janjetov, dessinateur et coloriste. Ce trio a ensuite réalisé la série Europa.


Sur la planète Véra, l’expédition a arrêté son engin devant une grande ville bâtie sur un mont, avec une abbaye en son sommet. Bram trouve que c’est beau. Mary-Maë Randolf explique qu’il s’agissait d’une cité célèbre sur Terre, qu’elle a été détruite deux siècles avant leur départ, à l’époque des hautes mers. Cela ne fait aucun sens qu’une réplique en ait été construite ici. Ils remontent à bord de leur véhicule et se dirige vers la ville pour y pénétrer. Les explications continuent : sur Terre, c’était un village entouré par la mer. Il datait d’une époque ancienne, le moyen âge. Les remparts et les tours étaient là pour le défendre contre les envahisseurs. Randolf constate que visiblement tout a été refait à l’identique. Elle demande à Richard Klein d’arrêter l’engin devant une devanture. Elle en descend et pénètre dans la boutique de la Mère Poulard. Abraham Roscoff et Pierre de Bourges admirent la rue principale et ses façades. Klein joue avec une boule à neige trouvée dans l’échoppe. Jenny Goldman constate qu’il y a des billets de banque dans le tiroir de la caisse enregistreuse. Bram et de Bourges les appellent dehors : dans une des maisons se trouvent les restes d’un campement humain. Le foyer est récent, il a dû être fait par un individu à l’intelligence assez évoluée pour cuisiner sa nourriture et utiliser des ustensiles. Encore un mystère.



L’expédition repart à bord de son véhicule, sans se rendre compte qu’ils sont observés par un individu à partir d’une fenêtre. Sur le vaisseau-monde en orbite au-dessus de la planète, le gouverneur Korolev, avec le vice-gouverneur Mendoza à ses côtés, reçoit Ethel qui rend compte de sa mission. La mère des jumelles lui a assuré qu’elle ne se souvient de rien, que rien d’anormal ne s’est passé avant la naissance des jumelles et que jamais, au grand jamais, elle n’a eu d’aventure extraconjugale. En réponse à une question du gouverneur, elle reconnaît qu’elle ne sait pas si elle doit croire Lucy Osmond. Quand elle lui a expliqué l’importance de la chose, elle a senti que Lucy se tendait, comme si quelque chose la troublait. Le gouverneur se demande si elle a pu être conditionnée par l’envahisseur pour tout oublier. Mendoza s’interroge sur ce que serait le but de ce supposé envahisseur en provoquant la naissance de jumeaux dont un surdoué. Korolev ne sait pas mais il y a deux faits indéniables et inquiétants. D’une part, l’envahisseur a pénétré dans le vaisseau par un passage creusé à proximité du village de ces filles. De l’autre, elles sont nées quasiment un an après son arrivée. Il faut en avertir Mary-Maë Randolf. Problème : la liaison a été coupée entre le vaisseau-monde et l’expédition.


Revoilà donc les membres de l’expédition du vaisseau-monde devant ce grand monument historique français, comme ça au beau milieu d’une immense zone enclavée d’une planète extraterrestre. Après deux tomes, le lecteur se doute que l’expédition va poursuivre sa progression et découvrir de nouvelles bizarreries autant improbables qu’impossibles, et que l’enquête relative aux intrus se poursuit sur ledit vaisseau. Dont acte. Sur la planète Véra : petite visite dans une échoppe de la Mère Poulard (Pourquoi pas ? Tant qu’on y est…) probabilité de plus en plus élevée de la présence d’autres humanoïdes très proches des êtres humains, quelques créatures animales monstrueuses qui donnent lieu à des affrontements pour la survie des membres de l’expédition, bien d’autres surprises, et le premier mort (cela devait finir par arriver). Il est possible que l’intérêt du lecteur se soit quelque peu émoussé pour ces surprises, qu’il y prête moins attention. Elles surviennent comme par enchantement, et il est impossible de savoir si elles constituent un élément majeur dans le déroulement ou la compréhension, voire l’anticipation, de l’intrigue. Finalement, quelle importance donner au dinosaure du tome un, à la boule de marbre flottante ou au champ de soucoupes volantes du tome deux ? Le lecteur en est venu à supposer qu’il doit plutôt s’interroger sur la possibilité d’un schéma à identifier dans la survenance en apparence arbitraire ou dans la nature de survenances bizarres et hétéroclites. Peut-être la manifestation de mythes imprimés dans l’inconscient collectif de l’humanité et projetés par l’inconscient de tel ou tel membre de l’expédition ?



Par comparaison, le fil narratif à bord du vaisseau-monde apparaît plus conventionnel et d’un fonctionnement plus accessible : une enquête sur une intrusion, vraisemblablement des expériences génétiques et d’autres manipulations de grande ampleur affectant toute la population du vaisseau-monde. Le lecteur identifie les mécanismes d’un roman policier : mystère, enquête, découvertes et même un meurtre pour éliminer un témoin gênant. Sur Terre, comme au Ciel : un mort sur la planète, un mort dans le vaisseau-monde. Dans les deux fils narratifs, la narration visuelle emmène le lecteur qui se retrouve en immersion dans des environnements consistants, palpables, fonctionnels, réalistes, plausibles. La reconstitution du site historique est minutieuse et précise, concrète. Après l’image saisissante et très inattendue de la statue au-dessus des nuages dans l’avant-dernière page du tome précédent, le lecteur peut admirer ce site dans sa globalité, avec un niveau de détails remarquable, une fidélité sans faute, et une mise en couleurs qui apportent des textures que le lecteur peut quasiment toucher, ressentir au bout de ses doigts. La sensation d’immersion se maintient à ce niveau de qualité dans la grande rue de la ville et dans l’échoppe.


La qualité descriptive de la représentation pour un site connu projette sa crédibilité aux autres visuels qui relèvent de la science-fiction. Au vu de l’exactitude de ce site, le lecteur en déduit qu’il en va de même pour le bureau du procureur, les couloirs des installations techniques, la salle des serveurs informatiques, les passages de maintenance dans la tour, la maison de Lucy Osmond, la salle des écrans de surveillance du vaisseau-monde. Il en va de même sur la planète : la zone désertique, la forêt avec ses arbres immenses, les gratte-ciels, et par voie de conséquence la faune. Le lecteur prend son temps pour examiner les deux scaphandres découverts dans un couloir de maintenance de la tour. Il en prend tout autant pour regarder cet aigle géant entravé au sol au beau milieu de la forêt dense. L’artiste continue de donner une forte personnalité visuelle à chacun des personnages que le lecteur identifie sans peine, qu’il soit de toutes les séquences sur la planète ou dans le vaisseau, ou qu’il n’apparaisse qu’épisodiquement comme le vice-gouverneur Mendoza ou Ethel, ou encore de nouveaux personnages secondaires comme Yoko Ayashi et Justin Agbo. Le lecteur s’en félicite car il constate avec les premières morts qu’il n’a développé aucun attachement avec certains personnages, y compris parmi les membres de l’expédition. Ce qui rend le décès de l’un d’eux presque anecdotique car il ne bénéficie pas d’un quelconque investissement émotionnel de la part du lecteur.



Au fil des tomes, la planète Véra passe du statut de terre promise, à terre étrangère, et maintenant à terre de folie. Les deux fils d’intrigue s’apparentent pour l’un à une exploration, pour l’autre à une enquête. D’une certaine manière, le premier constitue une investigation dans un milieu externe, et le second dans un milieu interne. Le premier comprend de nombreux dangers physiques à affronter et des bizarreries dont certaines appartiennent au passé de la Terre et de la civilisation humaine. Le second met à jour que le quotidien a été infiltré par un ou deux agents étrangers qui ont altéré la réalité familière et quotidienne, qui l’ont trafiquée par effraction, à l’insu de ceux qui l’habitent, ceux à qui elle appartient. Dans le premier cas, les êtres humains constituant l’expédition agissent au grand jour et avancent coûte que coûte, peut-être en provoquant des dégâts dont ils n’ont pas conscience de l’ampleur, et qu’ils sont même incapables de déceler, de qualifier. Dans le deuxième cas, les intrus, probablement des extraterrestres, ont agi en toute connaissance de cause, avec une intention prédéterminée, pour un objectif clair.


Le lecteur ressort de ce troisième tome avec une sensation étrange. L’expédition reste toujours aussi plaisante à suivre les paysages, les lieux, les installations techniques, la faune monstrueuse, grâce à une narration visuelle descriptive et réaliste. Dans le même temps, le lecteur s’aperçoit qu’il n’a pas développé d’attache affective avec les personnages, ce qui diminue d’autant son investissement. Il reste toujours aussi curieux de se retrouver confronté aux bizarreries sur la planète, et de découvrir les révélations suivantes amenées par l’enquête. Il reste également dans l’expectative de la nature réelle du récit, avec cette certitude que tout n’est pas comme il paraît, mais sans parvenir à déterminer ce qui se cache derrière, ce qui constitue l’enjeu réel du récit.



2 commentaires:

  1. une grande ville bâtie sur un mont, avec une abbaye en son sommet. - Ça me pousse à me demander si Janjetov s'est inspiré de photo ou de cartes postales, ou s'il a dessiné selon son inspiration.

    Par comparaison, le fil narratif à bord du vaisseau-monde apparaît plus conventionnel et d’un fonctionnement plus accessible - Ça permet au moins au lecteur d'avoir un ancrage plus fiable dans la série.

    Le lecteur identifie les mécanismes d’un roman policier : mystère, enquête, découvertes et même un meurtre pour éliminer un témoin gênant. - Voilà qui n'est pas pour me déplaire. J'ai l'impression qu'il y a aussi une dose d'espionnage avec l'infiltration que tu évoques plus loin.

    Au fil des tomes, la planète Véra passe du statut de terre promise, à terre étrangère, et maintenant à terre de folie. - Une sensation que bon nombre de colons ont dû ressentir en se lançant dans leur aventure.

    Dans le même temps, le lecteur s’aperçoit qu’il n’a pas développé d’attache affective avec les personnages, ce qui diminue d’autant son investissement. - J'en conclus que la semi-déception reste un peu larvée et que la série n'évolue pas dans la direction que tu voudrais.

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    1. Une grande ville bâtie sur un mont : le Mont Saint-Michel, reproduit avec une grande fidélité, jusqu'à la boutique de la Mère Poulard que tu peux apercevoir dans la case du milieu de la bande inférieure de la planche après la couverture.

      https://www.bdfugue.com/centaurus-tome-3

      La composante espionnage est assez faible par comparaison à celle de SF, ou celle policière.

      Terre promise, étrangère, de folie, puis d'angoisse, enfin de mort : cette série de titres est peut-être ce qu'il y a de mieux dans le scénario.

      La déception est allée croissante de tome en tome, malgré la narration visuelle de très grande qualité.

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