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mardi 11 avril 2023

Le Mercenaire T06 Le rayon mortel

Le poids de l’or est le plus grand ennemi de la liberté.


Ce tome fait suite à Le Mercenaire, tome 5 : La forteresse (1991). La première édition de ce tome date de 1994, réalisée intégralement par Vicente Segrelles, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend quarante-six pages de bande dessinée. L’intégralité de la série a été rééditée dans une intégrale en trois volumes, en 2021/2022. Pour un autre point de vue sur cet album, Les BD de Barbüz : Le rayon mortel.


Sur une terre recouverte par la neige, Claust avance dans un long manteau rouge, guidé par l’ex-ministre Valdor et accompagné par un homme de main. Ils arrivent au pied d’une cité fortifiée. Au sommet d’une tour, un rayon de lumière s’élève droit dans le ciel. Arrivés devant la herse, le guide crie pour savoir s’il y a quelqu’un : aucune réponse. Il s’approche de la grille et donne un coup de pied : le barreau cède sous le coup. Ils pénètrent dans l’enceinte des fortifications et le guide repère un garde. Il l’assaille par derrière et l’égorge : le corps cède sous la traction, c’est un cadavre dont il en reste plus que les vêtements sur les os. Claust exprime tout haut son avis : ce n’est clairement plus qu’un cimetière depuis des lustres. Les trois hommes ont progressé dans la forteresse et ils se tiennent maintenant devant la tour d’où émane le rayon à la verticale : elle ne présente aucune entrée. Claust en touche le mur et constate qu’il n’y a pas de glace autour de ce donjon, alors que le reste est aussi froid qu’un mort. Le guide a trouvé une dalle recouverte par du sable : il s’agit d’une trappe. Le trio descend et se retrouve dans un couloir qu’ils éclairent avec une torche. Ils aboutissent devant un escalier qui monte : l’accès au donjon sans aucun doute.



Claust, Valdor et le guide se retrouvent sur la terrasse et voient ce rayon de soleil enfermé dans une urne. Le guide estime que cela n’a pas l’air dangereux et il passe ses doigts au-dessus du rayon : ceux-ci tombent sectionnés net. Claust se fait remettre le poignard de l’ex-ministre et en passe la lame dans le rayon : elle est sectionnée net. Il ne reste plus à Claust qu’à déterminer comment déplacer cette urne qui pèse deux milles arrobes. Valdor poursuit ses explications : la présence de cette sphère noire dans ces lieux n’est pas liée à son poids, mais plutôt à cette substance invisible et mystérieuse qu’elle émet. Il est écrit qu’elle déforme et tue, et qu’il existe un métal capable de l’éviter. Hélas, il n’a pas réussi à savoir lequel. Après plusieurs mois de laborieux efforts, de pots-de-vin et de dépenses folles, Claust trouve le moyen de déplacer la dangereuse sphère noire, et de lancer ainsi son ambitieux plan d’extorsion et de vengeance. Quelle n’est pas sa surprise quand la sphère se révèle en fin de compte plus légère et plus noire que prévu. Peu lui importe ! Il ne sait pas qu’elle est entrée en phase lumineuse. Son autodestruction a débuté. Quelques temps plus tard, un navire cuirassé arrive vers le port du la cité du lac. Un fin pinceau lumineux s’élève de son sommet. Le vaisseau s’arrête à quelques distances du port, et son sommet triangulaire commence à s’ouvrir.


La dynamique de la série est maintenant bien établie : Claust reste assoiffée de conquête et rêve de domination, plus que de vengeance. Il trouve un nouveau moyen d’asservir le monde connu : une mystérieuse sphère noire qui émet un rayon lumineux, que le lecteur associe sans peine à un rayon laser, même si les remarques sur l’évolution de ladite sphère font plutôt penser à un processus de radioactivité. Il attaque le port du grand lac, et une fois encore il appartient au monastère de l’Ordre du Cratère d’intervenir pour éviter le pire, en missionnant ses deux principaux agents : la guerrière Nan-Tay et Mercenaire toujours fidèle à cette communauté. Leur aventure prend la forme d’une quête pour commencer : récupérer une particule qui permettra de neutraliser le rayon. Puis vient le temps de s’infiltrer dans le cuirassé pour effectuer l’opération de neutralisation, à l’instar du tome précédent dans lequel Mercenaire devait s’infiltrer dans la forteresse, puis neutraliser le stock de poudre noir. Le lecteur retrouve également les personnages principaux : Mercenaire, Nan-Tay et Claust, ainsi que les personnages secondaires comme Arnoldo de Vinci & Hector, sans oublier les dragons volants. Il sourit en constatant que les chevelures de Nan-Tay et de Mercenaire sont toujours aussi impeccables quelles que soient les acrobaties qu’ils doivent réaliser, avec une belle raie au milieu pour elle et une sur le côté pour lui. Il retrouve également ce grand lac avec sa cité portuaire, ainsi que la formation rocheuse si caractéristique d’une cascade circulaire. Mercenaire porte son armure métallique. Un cavalier chevauchant son dragon volant se trouve brutalement abattu comme dans le tome précédent, mais cette fois-ci coupé en deux plutôt que transpercé par une grêle de balles. Contrairement à d’habitude, la poitrine de Nan-Tay ne se retrouve pas dénudée.



Le déroulement de l’aventure suit donc une route bien balisée, et pour autant le lecteur se retrouve impliqué. Tout commence avec le méchant de la série qui met la main sur un outil de destruction dans une forteresse oubliée, pas très original. D’un autre côté, l’arrivée en petit voilier sur une côte enneigée emporte tout de suite le lecteur dans un ailleurs, avec une lumière verdâtre, où celle du ciel répond à celle de la mer. Les pierres du quai sont apparentes, ainsi que le ciment utilisé. Claust impressionne dans son manteau rouge bordé de fourrure blanche. Le lecteur peut voir les pieds des trois hommes s’enfoncer dans la neige et les traces de pas restent apparentes après leur passage. Comme à son habitude, l’artiste n’hésite pas à prendre le temps de montrer les différentes phases d’une action, par exemple le séide approchant le garde par derrière avec un cadrage qui permet de constater qu’il s’attaque à un cadavre desséché. Dans le même ordre d’idée, il a conçu une prise de vue pour le sectionnement des phalanges par le rayon : l’homme qui constate le résultat après avoir passé sa main dans le rayon, comme il l’aurait passée dans une flamme. Et pour clore cette séquence, un dessin en pleine page, ou plutôt une illustration en pleine page montrant Claust à son bureau avec la sphère dans son conteneur pyramidal posé sur son bureau, et une femme derrière lui.


Le lecteur tourne la page et découvre la deuxième séquence, celle consacrée à l’arrivé du navire cuirassé vers le port du grand lac, de nuit. L’artiste réalise un superbe travail sur les couleurs, pour rendre compte de l’ambiance lumineuse nocturne. Comme dans le tome précédent, il réalise ses dessins essentiellement en couleur directe, avec très peu de cases dans lesquelles il recourt à l’utilisation de trait de pinceau en noir pour faire apparaître le contour d’un élément de décor. Le lecteur prend le temps de contempler la vision du port dans une case qui occupe les deux tiers supérieurs de la page : les bâtiments, leur toiture, les rues dallées, les deux phares placés de part et d’autre de l’entrée de la rade, les flancs de montagne en arrière-plan. Puis vient un plan fixe en trois cases sur la bande inférieure, comme si le lecteur regardait, sans bouger, le navire apparaître progressivement en dépassant un promontoire. Chaque page apporte une scène mémorable que ce soit un lieu (l’immense bibliothèque du monastère de l’Ordre du Cratère, la cascade à 360°, la découverte de la pyramide qui abrite d’autres orbes, la forêt abritant le géant, et bien sûr le nuage dans le ciel dans la page de fin), ou des actions comme Mercenaire sur son dragon évitant le rayon destructeur, Mercenaire venant à a rescousse de Nan-Tay plaquée contre une statue, l’effondrement de la pyramide dans les eaux, les gestes du géant, ou encore le court voyage en submersible. Vicente Segrelles donne à voir des aventures merveilleuses qui enchantent les rétines.



Le lecteur fait vite le constat que la mythologie de la série s’enrichit avec ce tome : un rayon destructeur qui évoque un rayon laser, des hiéroglyphes dans un temple égyptien, une remarque en passant de Nan-Tay sur la provenance extraterrestre d’une sphère, une apparition bien étrange d’un jeune géant qui semble littéralement sortir de nulle part, sans oublier ce petit sous-marin en cuivre qui semble sortir des carnets de léonard de Vinci. La série semble entamer un deuxième cycle en se démarquant un peu plus d’un monde de type médiéval fantastique, en introduisant des éléments qui semblent issus d’autres genres, avec une touche marquée d’Égypte antique. L’auteur a conservé le titre de Le mercenaire pour la série, avec ce héros très courageux ayant le sens du sacrifice, dont les réussites sont tributaires des hauts faits de la guerrière Nan-Tay car les actions de cette dernière sont essentielles sur le chemin de la victoire. La personnalité des protagonistes reste à l’état d’embryon : ils ne sont pas interchangeables, mais ils ne présentent pas beaucoup de traits de caractère. La répartition entre bons et méchants continue d’être claire et nette.


D’un côté, cette série semble manquer un peu d’originalité avec ses intrigues linéaires, son héros courageux et assez taiseux, et ses éléments fantastiques qui recyclent surtout des contes et légendes très classiques. D’un autre côté, la narration visuelle continue de progresser en qualité, que ce soient les plans de prise de vue, ou les cases toujours magnifiques, comportant presque toutes un arrière-plan descriptif. Les bons gagnent à la fin : le lecteur a son content d’actions spectaculaires, de mystères, de suspense, d’héroïsme pragmatique, de spectaculaire. Avec ce tome, la mythologie de la série progresse et s’ouvre, et les vols de dragon invitent le lecteur à un superbe voyage dans l’imaginaire.



10 commentaires:

  1. Ah c'est marrant dans l'édition intégrale ce tome est renommé La sphère noire. En tout cas c'est tout comme tu le dis : on est venu pour l'aventure et on est pas déçus, après avoir lu un Blake et Mortimer, ça fait du bien de voir de la narration aérée aussi bien illustrée. Désormais, Le Mercenaire et Nan-Tay me font beaucoup penser à Valérian et Laureline.

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    1. J'avais également remarqué que dans l'intégrale, le traducteur a opté pour des titres plus porches de l'original. On peut supposer que la traduction a été refaite.

      J'ai été très tenté de me lancer dans La flèche ardente de Jean Van Hamme, Christian Cailleaux, et Etienne Schréder. J'ai commencé par prendre un exemplaire du Rayon U, et à le feuilleter, et je n'ai pas eu le courage d'affronter la quantité de cartouches de texte. J'ai tout reposé.

      La série Valérian & Laureline manque à ma culture BD.

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    2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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    3. Ah marrant Tornado a réagi exactement comme toi pour la suite du Rayon U... Je suis loin d'avoir fini ma lecture mais j'ai toutes les intégrales de Valérian, j'en avais lu quelques-unes mais pas toutes. Là il me reste à lire 5 tomes sur les 7. C'est très bien, assez en avance sur son temps malgré une narration parfois vieillotte.

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    4. J'avais lu la remarque de Tornado sur Bruce Lit. Je ne suis jamais tombé sous le charme des Blake & Mortimer. Je les avais lus pour ma culture BD. J'ai lus quelques tomes des repreneurs, sans grand enthousiasme non plus.

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    5. Pour avoir lu Le piège diabolique ce week-end, je te rejoins. Même enfant je n'avais pas été très friand de ces bds, trop bavardes, pourtant j'adore les thèmes des histoires. Pas essayé les repreneurs et cela n'arrivera sans doute jamais. Mais tu as raison pour la culture BD, d'ailleurs je pense m'acheter la Marque jaune un jour ou l'autre, je n'en ai aucun souvenir.

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  2. Le Mercenaire T06 Le rayon mortel - Celui-là, je l'avais adoré. C'est pour moi l'un des meilleurs tomes de la série avec le second.

    Merci pour le lien.

    Le guide estime que cela n’a pas l’air dangereux et il passe ses doigts au-dessus du rayon : ceux-ci tombent sectionnés net. - J'avais été marqué par la réaction du guide. L'incompréhension et l'étonnement d'abord, la douleur et la peur ensuite. Cette planche est formidable.

    Claust reste assoiffée de conquête et rêve de domination - Un authentique méchant, très réussi.

    "une illustration en pleine page montrant Claust à son bureau avec la sphère dans son conteneur pyramidal posé sur son bureau, et une femme derrière lui" - Elle est superbe, avec un travail étonnant sur la lumière, à la manière de ces portraits d'un Hans Holbein ou des maîtres flamands.

    La série semble entamer un deuxième cycle en se démarquant un peu plus d’un monde de type médiéval fantastique, en introduisant des éléments qui semblent issus d’autres genres, avec une touche marquée d’Égypte antique. - C'est exact, bien vu. Avec plus de science-fiction aussi.

    D’un côté, cette série semble manquer un peu d’originalité avec ses intrigues linéaires, son héros courageux et assez taiseux, et ses éléments fantastiques qui recyclent surtout des contes et légendes très classiques. - C'est vrai aussi. Je me demande s'il n'y pas une influence des vieux contes et légendes, pas en matière d'intrigue, mais sous un angle assez manichéen, sans jugement de ma part. Comme tu l'écris plus loin, "Les bons gagnent à la fin".

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    1. Les doigts dans le rayon : tout autant impressionné que toi, Segrelles parvenant parfaitement à faire passer que ce qui est une évidence (SF) pour le lecteur (les rayons laser, ça tranche) est une totale découverte pour le pauvre guide qui ne pouvait pas concevoir qu'un simple rayon de lumière puisse présenter un danger.

      Une illustration en pleine page : tu réponds à la question que je me posais. Lisant ces tomes en intégrale, je n'étais pas bien sûr que cette illustration figure dans l'album original, ou si elle avait été rajoutée au montage.

      Des éléments qui semblent issus d'autres genres : c'est une caractéristique qui m'est apparue comme une évidence... après avoir relu tes critiques. Merci.

      Je ne m'explique pas pour quelle raison le recyclage de mythologies diverses ne procure pas de plaisir dans Thorgal, alors qu'ici elles trouvent tout naturellement leur place.

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    2. Concernant le recyclage des mythologies, je ne vois qu'une explication. Dans "Thorgal", le personnage - l'homme - est au centre et le reste n'est qu'accessoire dans la saga. Dans "Le Mercenaire", au contraire, l'émerveillement (du lecteur) est au centre de la série. Pour moi, "Le Mercenaire" est un cri d'amour pour un genre ; Thorgal est un cri d'amour pour les sagas plus grandes que nature. Interprétation à casser.

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    3. Je me retrouve bien dans ton analyse comparative sur l'utilisation de la mythologie dans ces deux séries. Merci.

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