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lundi 21 juillet 2025

Maison Blanche: En coulisses avec Obama, Trump et Biden

La marque présidentielle se décline sur une multitude de produits.


Ce tome contient un récit entre reportage et vulgarisation. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Jérôme Cartillier (correspondant à l’AFP à la Maison Blanche pendant sept ans) & Karim Lebhour (journaliste à Washington) pour le scénario, et par Aude Massot pour les dessins et la mise en couleurs. Il comprend cent-seize pages de bande dessinée. Il se termine par un dossier de huit pages présentant trente-deux photographies des trois présidents Obama, Trump et Biden.


1600 Pennsylvania Avenue, Washington, District of Columbia. Les touristes déambulent devant les grilles et admirent le bâtiment. Parmi eux, se trouvent Jérôme Cartillier, correspondant de l’AFP à la Maison Blanche, et Karim Lebhour, ancien journaliste installé à Washington, qui discutent ensemble, le premier commentant pour le second. Il explique que l’idée de génie de Theodor Roosevelt a été de la baptiser officiellement White House, ça sonne mieux que Executive Mansion. Il ajoute que son ami a bien choisi son jour : POTUS part en week-end dans le Delaware. Il explicite l’acronyme : President Of The United States. Et pour la First Lady : F.L.O.T.U.S., quand on travaille ici il faut s’y faire. Puis il lui propose d’aller voir le décollage de Marine One depuis le South Lawn. Il continue : Pendant les derniers mois de la présidence de Trump, il y avait des manifs tout le temps et des barrières partout, on ne pouvait plus approcher. Avec Biden c’est plus calme. Tout le monde prend des photos de la Résidence, mais la partie la plus intéressante c’est la West Wing, là-bas à droite, dit Jérôme en la désignant du doigt. C’est là que se trouvent le Bureau ovale et les proches collaborateurs du président. Et aussi la salle de presse et les bureaux des journalistes.



La Maison Blanche - Bureau Ovale, Situation Room au sous-sol, points presse des visiteurs, Rose Garden, Dalle de Presse, bowling au sous-sol, salons diplomatiques, résidence privée du président, Sniper, lapin devenu célèbre parmi les journalistes, bunker au sous-sol, bureau de la Première Dame, agents du Secret Service, fontaine dont l’eau devient verte tous les ans le jour de la Saint-Patrick, vers Lafayette Square… Les deux amis sont accrédités et ils franchissent facilement le contrôle d’accès. Jérôme reprend : À l’Élysée personne ne rentre. On ne peut même pas s’arrêter sur le trottoir d’en face. La Maison Blanche est un lieu très protégé mais aussi très visité. Les Américains attachent une grande importance à la transparence du pouvoir. D’ailleurs, si on va au Capitole, l’accès est libre et ouvert à tous. Les rangées de caméras, là, on appelle ça Pebble Beach. Toutes les télés se mettent ici pour la vue imprenable sur le bâtiment de la Résidence. Là, c’est l’entrée de la West Wing. Le Marine en faction ? Ça veut dire que le président est dans le Bureau ovale. La présence permanente des journalistes à la Maison Blanche, au cœur du pouvoir est une exception américaine.


Le sous-titre annonce explicitement la nature de l’ouvrage : un reportage embarqué dans la vie des journalistes à la Maison Blanche, avec des exemples pris dans l’exercice de trois présidents successifs : le quarante-quatrième, le quarante-cinquième et le quarante-sixième présidents des États-Unis, soit Barack Obama, Donald Trump et Joe Biden. Le récit passe en revue plusieurs facettes de la Maison Blanche : le bâtiment lui-même, l’histoire de sa construction, certains lieux spécifiques comme la salle James Bready (Briefing room, ou salle de presse), la pelouse sur laquelle se pose Marine One (l’hélicoptère présidentiel), la piscine que Franklin Delano Roosevelt a fait construire dans les années 1930 sous la salle de presse, le Bureau ovale et sa décoration, l’Aile Ouest (West Wing), l’avion présidentiel Air Force One (avec un schéma de son aménagement intérieur), l’organisation du convoi présidentiel (Presidential Motorcade), la balance des pouvoirs avec le Congrès et la Cour Suprême, et même un moment touristique à Stonehenge. Le lecteur apprécie vite les dessins. Comme souvent dans ce genre de documentaire ou de reportage, l’artiste adopte un registre descriptif un peu simplifié dans sa représentation, avec une gestion des détails allant vers l’essentiel, des personnages à la silhouette également simplifiée, et des expressions un peu exagérées. Cela aboutit à des pages immédiatement lisibles, apportant une forme d’équilibre avec la quantité d’informations.


Sous des dehors simplifiés, les formes détourées rendent bien compte du sujet, dans ses différentes composantes. Sous certains aspects, la dessinatrice joue avec le fait que le lecteur sait ce qu’il va voir. Par exemple, elle peut compter sur le fait qu’il identifiera au premier coup d’œil Donald Trump avec une longue mèche blonde (même pas orange) et une cravate rouge. En effet, s’il s’y arrête, il peut constater que le dessin du visage de ce président est assez éloigné d’une photographie. Dans le même temps, sa gestuelle évoque le comportement massif et régulièrement agressif de ce monsieur. Elle sait également restituer l’élégance et la retenue de Barack Obama, sa gravité dans les moments difficiles, et sa gentillesse dans les moments de détente. Par comparaison, Joe Biden peut sembler un peu plus fade, portant le poids de l’âge de manière plus apparente. Sur le plan des détails et de la précision, par comparaison, la dessinatrice s’applique plus pour montrer l’architecture de la Maison Banche, les lieux rendus célèbres par les journaux télévisés, l’avion Air Force One, etc. Elle s’investit également pour les scènes historiques comme les cases consacrées à la construction de la Maison Blanche dans la double page cinquante et cinquante-et-un, ou le moment historique lorsque Trump franchit la frontière séparant la Corée du Sud de la Corée du Nord.


Dans ce genre d’ouvrage didactique, il est fréquent que le scénariste (ou ici, les scénaristes) livre un texte clé en main, charge au dessinateur de l’illustrer comme il peut pour en faire une bande dessinée dans laquelle les cases présentent un intérêt visuel, sans redondance avec les informations contenues dans les cellules de texte. Ici, le lecteur peut constater que l’ouvrage constitue une véritable bande dessinée, avec des séquences pensées visuellement, et une diversité dans la mise en page. C’est une évidence dès le dessin en double page (six & sept) : une vue aérienne de la Maison Blanche en perspective isométrique pour faire comprendre l’agencement des bâtiments et leur positionnement relatif les uns par rapport aux autres. Les auteurs font à nouveau usage de ce mode de représentation pour l’aménagement du Bureau ovale, ainsi que pour Air Force One, avec une vue en coupe. Le lecteur commence par accompagner les deux journalistes qui sont mis en scène par le biais de leur avatar. Bien vite, il regarde autour de lui par leur regard, assistant ainsi au décollage de l’hélicoptère Marine One : il assiste ainsi au départ de Joe Biden, puis à celui de Barack & Michelle Obama traversant la pelouse, puis à Trump apostrophant la presse à sa manière inimitable. En page dix-neuf, il découvre des fac-similés de personnes s’étant photographiées au pupitre de la salle de presse. Un dessin en pleine page le prend par surprise page vingt-trois : Sean Spicer (après ses excès de faits alternatifs) lors de sa prestation dans Dancing with the stars ! En passant, il remarque que la représentation de Kellyanne Conway manque un peu de ressemblance. Les cases de la double page consacrée à la construction de la Maison Blanche sont disposées en cercle autour de l’image centrale. Une même image est répétée dix-huit fois en page quatre-vingt pour souligner que Trump fait durer le plaisir de savourer un moment historique quand il a franchi la frontière entre les deux Corée. Etc. Il s’agit d’une vraie bande dessinée conçue comme telle, en tirant partie des possibilités de mise en scène qui lui sont spécifiques.



De séquence en séquence, le lecteur apprécie le jeu des différences entre le comportement des trois présidents pour des situations similaires. Le regard des auteurs s’avère analytique, faisant ressortir ce qu’il y a de spécifique chez chacun d’eux, la manière dont la communication présidentielle est adaptée à leur personnalité propre, une évidence chez Donald Trump, ce qui fait apparaître les spécificités pour les deux autres. La trame de l’exposé comporte dès le début des éléments culturels allant plus loin que le reportage touristique. Pour commencer, le fait que la Maison Banche soit ouverte aux visiteurs, principe très différent de l’Élysée. Ensuite la proximité des journalistes qui disposent donc de bureaux dans le siège du pouvoir. Le rôle de la White House Correspondents Association (WHCA) : Aux États-Unis comme ailleurs, le combat pour l’accès à l’information n’est jamais gagné d’avance, et c’est une bataille que mène quotidiennement la White House Correspondents Association (WHCA). Cette association centenaire travaille sans relâche pour maintenir une véritable proximité avec le président américain, que ce soit à Washington ou lors de ses déplacements. À la moindre entorse, la WHCA réagit avec vigueur, et grâce à son influence obtient souvent gaine de cause. La mise en scène du pouvoir : dans la salle de presse ou dans le Bureau ovale, en fonction des annonces.


Progressivement, d’autres mécanismes sont mis en lumière. La comparaison entre le comportement des trois présidents fait apparaître le professionnalisme des communicants, et la maîtrise des présidents en la matière. Le lecteur ressent vite le respect que les auteurs portent à Obama, et le regard plus critique vis-à-vis de Trump, ne serait-ce que parce que celui-ci a clamé haut et fort et à plusieurs reprises dès son premier mandat, sa défiance à l’encontre des journalistes. Le lecteur comprend également que les différentes formes de communication sont encadrées par des professionnels aguerris, aussi bien du côté présidentiel, que du côté des journalistes : ainsi les informations et les reportages dépendent aussi bien de l’orientation choisie par un côté, que de l’autre. En passant, il note bien que les journalistes des grandes agences internationales présents à la Maison Blanche relaient les informations à leurs clients, c’est-à-dire les médias du monde entier qui n’ont pas de correspondant sur place, et qui compte sur eux pour une couverture exhaustive de la présidence américaine, quelle que soit l’heure. Les auteurs reprennent également une phrase d’Obama : Le danger de la Maison Blanche est de se laisser enfermer dans une bulle, c’est difficile de ne pas se sentir déconnecté. Les auteurs mettent en pleine lumière l’exception américaine dans le mode relationnel de la présidence avec la presse, le haut degré de conventions professionnelles dans cette relation, et dans le même temps la nature profondément démocratique de ce fonctionnement.


La quatrième de couverture décrit bien la nature de l’ouvrage : la Maison Blanche et les relations du président des États-Unis avec les journalistes au travers de la salle de presse installée dans West Wing. Les auteurs ont travaillé ensemble ce qui donne une vraie bande dessinée, avec une complémentarité et une interaction organique entre les dessins, le texte, les dialogues. Le lecteur retrouve les éléments qui lui sont familiers au travers des informations télévisées et des séries. La succession de scène forme une description de ces relations, ainsi qu’une analyse comparative du mode de communication des trois présidents, et il finit aussi par apparaître comment ce dispositif de communication forge une représentation de la réalité diffusée à travers le monde. Édifiant.



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