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lundi 19 juin 2023

Eden 2 Une saison aux enfers

La partie de chasse ne fait que commencer !


Ce tome est le second d’un diptyque formant une histoire complète, indépendante de toute autre. Il faut avoir lu le premier tome avant : Eden 1 Retour au monde perdu (2019). Sa première publication date de 2022. Il a été réalisé par André Taymans pour le scénario et les dessins. Les couleurs ont été réalisées par le studio Caroline. Le tome commence avec une page épaisse en papier pelliculé et la proposition de découper proprement cette feuille pour couper autour de la forme et réaliser un pliage pour construire son propre combi logotisé Eden.


Dans le monde perdu, à l’intérieur de l’avion soviétique Bartini Beriev VVA-14, Andy réveille Kathy Malone et Carole, pour leur indiquer qu’il faut partir. Tom leur demande si elles ont bien dormi et leur confirme que c’est le moment ou jamais de partir. Il ajoute qu’il a fait quelques trouvailles dont une mitraillette automatique M3, ça peut servir. Les quatre compagnons sortent de l’habitacle et avancent dans la jungle. Andy fait observer qu’il ne se souvient pas être passé par là. Tom explique que s’ils veulent lui échapper, ils doivent contourner son territoire. Kathy estime également que la probabilité qu’il les attende là où ils sont déjà passés est grande. Tom leur fait signe d’arrêter et de se taire : ils entendent des cris de ptéranodons. Tom confie son sac aux autres et avance, pistolet au poing. Kathy décide de le suivre, la M3 prête à faire feu. Ils débouchent sur un promontoire rocheux avec une vue dégagée : en contrebas dans la rivière, un troupeau d’iguanodons s’est fait attaquer par des ptéranodons qui sont en train de les dépecer. Soudain, un ptéranodon attaque par derrière et déstabilise Kathy qui chute dans le ravin jusqu’au bord de la rivière. Un volatile est prêt à l’attaquer.



Tom incite Kathy à faire feu, ce qu’elle fait : les ptéranodons s’envolent mais reviennent pour l’attaquer. Carole et Andy, ce dernier armé d’une carabine, arrivent derrière Tom et demandent ce qui se passe. Andy soupçonne Tom d’avoir poussé Kathy et le menace avec sa carabine. Carole leur crie d’arrêter leur bêtise. Tom commence à descendre la pente pour aller chercher Kathy en contrebas, bien qu’elle ne soit plus visible. Soudain, deux soldats soviétiques surgissent et capturent Carole et Andy, sans se rendre compte que Tom est quelques mètres plus bas, caché par un rocher en surplomb. Le grondement d’un tyrannosaure retentit : les soldats intiment à leurs captifs d’avancer. À l’extérieur de la muraille rocheuse formant le cirque gigantesque qui abrite le monde perdu, les deux bikers cherchent à trouver une entrée par laquelle les fuyards auraient pu entrer. Ils finissent par surprendre Harry en train de redescendre malhabilement. Ce dernier chute à terre et il est immédiatement mis en joue. En réponse à une question, il indique que Tom, l’afro-américain s’est joint au groupe. Les deux bikers exigent qu’il les conduise à l’intérieur du monde perdu.


Le lecteur curieux commence par lire les quelques lignes de l’auteur en vis-à-vis de la première page. André Taymans explicite ses intentions Les aventures de Kathy Malone et ses compagnons sont un modeste hommage aux films et récits d’aventure de série B de son enfance. Hommage aux aventurières et aventuriers en quête de cités perdues, de trésors enfouis, combattant les savants fous et autres méchants nazis en fuite. Hommage à cette culture populaire qui n’a jamais eu d’autre ambition que de divertir. Le lecteur se rend compte que cette intention est à prendre au pied de la lettre : des aventures premier degré, sans trop s’embarrasser de psychologie, ou de vraisemblance à l’occasion d’un ou deux expédients narratifs. Alors, oui, l’auteur n’hésite pas à charger la barque en conventions de genre de série B, voire Z : les dinosaures bien sûr, les femmes à l’aise avec les armes à feu, la criminelle à la libido en mode turbo, les Russes en pleine guerre froide, un vétéran du Vietnam, et même un savant nazi travaillant sur un projet de conquête de l’espace. L’artiste augmente le niveau de spectaculaire avec une attaque de ptéranodons, une attaque de tyrannosaure, une scène de sexe, et à partir de la page trente-deux, c’est parti pour l’enchaînement de scènes d’action, faut que ça pète ! Le lecteur met bien volontiers son esprit critique de côté pour profiter de l’aventure, quel que soit son degré de plausibilité.



Cette seconde partie s’ouvre avec une case centrée sur cet avion à la forme si caractéristique, situé dans une clairière à proximité d’un cours d’eau, et découvert dans le tome précédent. Le jour s’est levé et il est temps pour les quatre aventuriers d’essayer de se sortir de cette situation intenable : la narration visuelle reprend de manière pragmatique. L’artiste montre la végétation, puis la portion de forêt traversée, avec certains arbres dont les racines plongent dans l’eau, et les personnages débouchent sur une zone dégagée. En contrebas se trouve le lit de la rivière et ses deux rives dans une gorge. Le lecteur se rend compte de l’investissement du dessinateur dans la création des lieux et la façon de les représenter. Il retrouve ce soin apporté à la géographie et aux environnements à l’occasion de la progression dans les tunnels souterrains reliant l’extérieur au monde perdu, dans la mine où travaille les Indiens, dans le village construit par les Russes. Il peut ainsi se déplacer avec les personnages en éprouvant la sensation d’évoluer dans des endroits cohérents. En outre, l’artiste apporte toujours un ou deux détails rendant chaque lieu unique et concret.


Le rendu des dessins assure une lecture facile de chaque case, avec un trait un peu épais pour les contours, permettant une identification des principales formes plus rapide, et une mise en couleur dans un registre naturaliste, qui fait ressortir les formes les unes par rapport aux autres. Pour autant, la densité d’informations fait que la narration visuelle ne s’adresse pas à des enfants. Le dessinateur a su trouver le juste équilibre pour que les ptéranodons apparaissent vraiment effrayants, pas une caricature grotesque que pourrait donner une forme de simplification ou des monstres de caoutchouc dans un film fauché. Bien sûr que le monde ne recèle pas de dinosaures dans un coin perdu, pour autant le lecteur se retrouve happé par le sort de Kathy Malone qui doit faire feu sur plusieurs de ces volatiles, avec sa mitraillette automatique, pour défendre sa vie. Par la suite, il ressent la tension et l’effroi irrépressible d’un petit groupe assistant à une attaque de tyrannosaures déchiquetant des dinosaures de plus petit gabarit. Il mesure toute la destruction causée par un incendie en train de se propager. Ainsi, l’artiste met en œuvre des clichés visuels, en leur redonnant du sens et du goût. Certes, le lecteur a déjà vu le coup d’un tyrannosaure qui arrive silencieusement derrière un personnage et qui le croque en deux d’un coup vif. Dans le fil de la lecture, cette scène s’avère intéressante, et pas juste un cliché artificiel prêt à l’emploi, car la présence de ces prédateurs a été établie à deux reprises précédemment, et l’individu qui sert d’en cas a toutes les raisons pour ne prêter aucune attention à ce qui se passe derrière lui. Si sa disposition d’esprit l’y incite, le lecteur peut également y voir une forme de comique macabre.



Pas d’autre ambition que de divertir : en effet, le scénariste continue de rendre hommage au roman Le monde perdu (1912) d’Arthur Conan Doyle (1859-1930), et il y ajoute son goût pour les films de série B. Ayant conscience du positionnement de ce récit de genre, le lecteur accorde le supplément de suspension d’incrédulité consentie nécessaire. Il ne s’interroge pas sur la manière dont les deux bikers ont pu se sustenter. Il évite de se poser la question de la concordance de la durée de la nuit passée par Kathy et ses compagnons, et celle qu’il a fallu aux deux bikers pour traverser la montagne. Il ne cherche pas à savoir comment l’avion a pu atterrir dans une zone de jungle. Ce qui importe, c’est la manière dont l’auteur concocte une aventure avec ces ingrédients qui aboutit à une intrigue entraînante. N’étant pas dupe, le lecteur suit bien volontiers les personnages dans cette suite de moments parfois improbables (la grande cheffe très à l’aise avec sa nudité), souvent spectaculaires et toujours divertissant.


André Taymans mène à bien son histoire. Les aventures continuent de se dérouler dans le monde perdu inventé par Conan Doyle, avec ses dinosaures et sa jungle bien fournie. La narration visuelle emmène le lecteur avec ses dessins faciles à lire, ses séquences bien rythmées, et un savoir-faire impressionnant pour concevoir un environnement en trois dimensions, plausible et propice à l’action, aux mouvements. L’intrigue s’enrichit d’autres éléments de genre totalement assumés par l’auteur, jusqu’au savant nazi, pour ne pas se contenter de répéter l’intrigue du roman originel. Le lecteur assume complètement ce récit de série B, avec ses invraisemblances (d’ailleurs tout commençait déjà avec un monde perdu dans lequel les dinosaures ont continué de vivre), appréciant ce divertissement sans prétention, bien tourné, avec une réalisation solide et professionnelle.



2 commentaires:

  1. Le Bartini Beriev VVA-14 - J'en reviens à cet avion. YouTube propose des vidéos très instructives sur le sujet.

    Les aventures de Kathy Malone et ses compagnons sont un modeste hommage aux films et récits d’aventure de série B de son enfance. - Ah, je me disais en lisant le résumé que c'était un peu débridé, comme histoire. On est bien loin de Caroline Baldwin. L'éclaircissement me permet de comprendre où veut en venir l'auteur. Par curiosité, donne-t-il certains des titres de ces séries B ou pas du tout ?

    Si sa disposition d’esprit l’y incite, le lecteur peut également y voir une forme de comique macabre. - N'est-ce pas un peu inhérent au genre auquel l'auteur veut rendre hommage ?

    ce divertissement sans prétention, bien tourné, avec une réalisation solide et professionnelle. - C'est très clair. Je trouve aussi qu'il a une remise en question de Taymans. Étant donné que l'album est publié chez un petit éditeur, je dirais que le risque est minimal. En revanche, je ne sais pas si le lectoraT de "Caroline Baldwin" s'intéressera automatiquement à cette œuvre.

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    1. Merci pour l'idée d'aller consulter youtube pour le Bartini Beriev : c'est un réflexe que je n'ai pas encore.

      Les références citées par André Taymans, d'abord dans le tome 1, puis dans le tome 2 : il n'en dit pas plus.

      À la mémoire de Sir Arthur Conan Doyle qui, avec son fantastique Monde perdu, a marqué des générations de créateurs, romanciers, cinéastes, leur inspirant des œuvres telles King Kong ou Jurassic Park. À Edgar Pierre Jacobs qui, outre le fait de m’avoir appris les rudiments de la bande dessinée étant enfant avec son formidable Rayon U, hommage subtil au Monde perdu. Ses terrifiants ptérodactyles viennent encore de temps en temps hanter mes nuits ! À Henry, mon fils, grand amateur de dinosaures devant l’Éternel. – André Taymans

      Les aventures de Kathy Malone et ses compagnons sont un modeste hommage aux films et récits d’aventure de série B de mon enfance. Hommage aux aventurières et aventuriers en quête de cités perdues, de trésors enfouis, combattant les savants fous et autres méchants nazis en fuite. Hommage à cette culture populaire qui n’a jamais eu d’autre ambition que de divertir. – André Taymans

      Comique macabre inhérent au genre auquel il rend hommage ? Bonne question, je n'y avais pas pensé. Je supposais qu'on pouvait rendre hommage sans recourir à une forme de dérision.

      La déclaration d'intention des éditions du Tiroir :

      https://www.editions-du-tiroir.org/qui-sommes-nous

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