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lundi 17 juillet 2023

Imbattable T03 Le cauchemar des malfrats

C’est à cause de cette autre troisième dimension.


Ce tome fait suite à Imbattable - Tome 2 - Super-héros de proximité (2018) qu’il vaut mieux avoir lu avant, car il y a quelques éléments de continuité à connaître, en particulier la logique de fonctionnement des superpouvoirs de 2D-Boy.Il regroupe dix histoires dont trois gags en une page, initialement parus dans le journal de Spirou. La parution originale de cet album date de 2021. Les histoires ont été réalisées par Pascal Jousselin pour le scénario et les dessins, les couleurs ont été réalisées par Laurence Croix. Il contient quarante-six pages de bande dessinée.


Imbattable, toujours dans son costume de super-héros, s’installe devant sa cuisinière, une poêle se trouvant déjà sur un des brûleurs. La poêle a l’air à la bonne température : il va pouvoir commencer. Avant même qu’il ne se saisisse du manche, une crêpe arrive de la bande de cases se situant juste au-dessous de celle comprenant la case où il se trouve. Il récupère ladite crêpe avec sa poêle. Puis dans la deuxième bande de cases, il dépose cette crêpe dans l’assiette à côté de la cuisinière. Il met de la pâte dans la poêle, et fait sauter la crêpe. - Il n’y connaît rien en foot : Imbattable, toujours en costume de super-héros est assis sur un gradin dans un stade, avec son neveu à ses côtés. Ils assistent à un match du mondial. Sans raison, le supporter à côté de lui l’apostrophe en l’appelant Helmut et en se moquant, parce qu’on n’est pas en Champion’s League et que Dortmund ne va pas venir.



Le passe-temps de la factrice : Imbattable et 2D-Boy traversent la rue au passage piéton, tous les deux en costumes de super-héros. Ils vont rejoindre le gendarme Jean-Pierre dans un café pour répondre à son appel. Toudi a l’air particulièrement amorphe, voire abattu. Une fois arrivés au café, Jean-Pierre leur explique la situation : les esprits commencent à s’échauffer. Ils pénètrent à l’intérieur et les habitants du quartier indiquent qu’il y a un problème avec la factrice. L’un d’eux n’a jamais reçu son courrier aussi tôt. Il faut qu’elle quitte la ville. Ils éprouvent de grosses difficultés à formuler ce qui ne va pas : elle n’est pas normale, des fois elle a des clones, et d’autre fois elle est toute seule mais elle clignote. - Un petit pas pour Toudi : en costume, Toudi regarde le ciel étoilé par la fenêtre en pensant à Cholé, tout en écoutant une chanson d’amour dans laquelle les paroles utilisent l’image de décrocher la Lune. Toudi utilise son pouvoir et décroche littéralement la Lune. Par cette belle soirée nocturne, Imbattable et Jean-Pierre prenne une infusion sur la terrasse, et le gendarme a l’impression que la Lune n’est plus dans le ciel, peut-être un nuage qui la recouvre. - Le rayon diabolique : le professeur Atomax, un inventeur, arrive en ville avec un gros robot sur le plateau de son pick-up. Il demande à un agent où se trouve le scientifique indépendant de la ville : l’autre répond que le savant fou habite la maison avec les grands murs blancs et les barbelés, deuxième rue à gauche. Atomax se présente au savant fou : il est venu pour détruire Imbattable avec son robot qui est muni d’un rayon à gravité inversée.


La première histoire correspond à un gag en une page qui donne à voir en action le pouvoir d’Imbattable, le seul véritable super-héros de la bande dessinée. Ainsi, l’auteur accueille les nouveaux lecteurs qui peuvent comprendre à quoi correspond cette capacité extraordinaire et comment elle fonctionne, s’ils n’ont pas lu les deux tomes précédents. La narration visuelle se situe toujours dans un registre tout public. Des dessins qui s’inscrivent dans le registre de la ligne claire, avec un bon degré de de simplification des formes, et un bon niveau de détail sur les éléments de décors et sur les personnages. Ceux-ci présentent généralement une apparence sympathique, même les méchants. Imbattable reste un petit monsieur rondouillard, toujours vêtu de son costume de super-héros, avec sa tunique jaune vif, agrémentée de quatre bandes découpées en cases, sur laquelle apparaît le I de Imbattable, en blanc. Il porte également une petite cape noire, très courte qui lui arrive à peine à la moitié du dos, un short noir, des collants orange et des bottes de catcheur. Son tronc est légèrement trop long par rapport à ses jambes et au reste de sa silhouette. Il réfléchit régulièrement, et il fait preuve de souplesse dans les scènes d’action.



Le lecteur retrouve (ou fait connaissance) avec 2D-Boy (surnommé Toudi), l’autre superhéros de la ville, un adolescent, plus grand et plus élancé qu’Imbattable, avec un costume pas beaucoup plus fringuant, mais une cape plus longue qui lui descend jusqu’aux chevilles et de grosses bottes, sans oublier sa chevelure abondante et indisciplinée, sa silhouette légèrement voutée en fonction de son entrain, et des sautes d’humeur de l’adolescence. Les autres personnages récurrents ont conservé leur apparence : le gentil gendarme Jean-Pierre, jeune homme souriant et prévenant d’environ trente ans, le commandant Dacier avec son visage plus dur et mal rasé, le savant fou avec son gros nez, sa petite taille et sa sempiternelle blouse blanche, le maire de la ville un peu dégarni avec des gros sourcil et prompt à l’emportement. L’auteur introduit de nouveaux personnages tout aussi agréables au premier contact : la factrice très investie dans son travail, le citoyen tellement banal que personne ne se souvient de lui, Chloé une adolescente qui fait soupirer Toudi, le professeur Atomax avec sa barbe rousse et son nœud papillon, Geoffroy le fils du maire, Invincible une jeune femme rousse très banale, le neveu d’Imbattable, sans oublier le robot à gravité inversée. Chaque personnage dispose d’une apparence spécifique aisément mémorisable permettant d’identifier le protagoniste du premier coup d’œil, seule celle d’Imbattable et celle du savant fou étant exagérées.


Le bédéiste emporte tout de suite le lecteur dans ses histoires faciles à suivre, teintées d’une forme de poésie du fait de ces super-pouvoirs peu communs. Celui d’Imbattable fonctionne sur la base de la forme de ce mode d’expression qu’est la bande dessinée, lui permettant de passer d’une case à l’autre, de traverser les gouttières, ou de faire traverser les gouttières à des individus ou à des objets. Celui de 2D-Boy reste toujours aussi impressionnant et l’adolescent découvre qu’un grand pouvoir peut occasionner de grandes catastrophes, par exemple quand il l’utilise pour décrocher la Lune. Ni Chromaline, ni Pépé Cochonnet ne font d’apparition dans ce tome. En revanche, le lecteur découvre cinq nouveaux super-pouvoirs ou capacités jouant avec les conventions implicites de lecture d’une bande dessinée ou de technologies permettant de la réaliser. Pascal Jousselin se montre particulièrement élégant dans sa manière de faire usage de ces spécificités de ce moyen. Il faut peut-être un peu de temps au lecteur pour décortiquer comment fonctionne les capacités de l’appareil inventé par la factrice. Il se prête volontiers au jeu de recomposer les conséquences du rayon à gravité inversée du robot du professeur Atomax. Il se dit qu’il était inéluctable qu’Imbattable fasse l’expérience de se retrouver dans une réalité photographique, avec les tours que lui joue l’autre troisième dimension. Invincible, la voleuse de timbres de collection, dispose d’un pouvoir très puissant, provenant directement d’une catégorie très précise de cartouche de texte. À chaque fois, l’artiste donne à voir la mise en œuvre de ces pouvoirs, en développant une logique qui joue avec la disposition des cases en bande, et avec celle des pages en vis-à-vis. La dimension ludique de l’usage des conventions formelles de la BD est transcrite visuellement, plutôt que de se limiter à un jeu virtuel.



L’artiste utilise des bandes de cases, généralement quatre par page, parfois trois, avec des bordures bien droites et bien nettes, sauf si un super-pouvoir vient mettre le bazar, et des dessins bien propres permettant à l’œil de les assimiler immédiatement. Le lecteur ne distingue pas forcément immédiatement le cinquième super-pouvoir dans l’histoire dont Jean-Pierre est le héros, en fonction de la lumière ambiante qui l’entoure. Le créateur utilise les possibilités du vernis sélectif de manière très poétique, pour une histoire d’une rare sensibilité. En effet, le scénariste ne crée pas des intrigues artificielles prétextes pour pouvoir jouer avec les conventions formelles. Il écrit de vraies histoires mettant en scène des êtres humains avec leurs émotions, leurs contradictions, leurs forces et leurs faiblesses. Ainsi le lecteur se sent touché par les atermoiements amoureux de Toudi, par le sentiment d’insignifiance du citoyen anonyme, par l’amour propre bafoué du savant fou, par l’invisibilisation de l’attention touchante de Toudi pour Chloé, par le comportement indigne du maire, et bien évidemment par le deuil de Jean-Pierre et la forme que prend son souvenir, une histoire des plus touchantes.


Troisième album des aventures d’Imbattable avec des détournements de conventions formelles de la bande dessinée, toujours aussi inventives, réjouissantes et ludiques. Le lecteur venu pour découvrir de nouveaux super-pouvoirs est ravi, à la fois par leur ingéniosité, par l’humour bon enfant, et par la narration visuelle tout public, bien fournie et agréable à l’œil. Il se rend compte que l’émotion l’étreint à chaque histoire, l’empathie envers les personnages émanant tout naturellement au cours des intrigues variées.



7 commentaires:

  1. Ah, un article sur "Imbattable", super !

    "La première histoire correspond à un gag en une page qui donne à voir en action le pouvoir d’Imbattable, le seul véritable super-héros de la bande dessinée." - Je dois avouer que je retourne la première planche dans tous les sens, mais je reste persuadé qu'il y a une crêpe qui s'est égarée dans la nature.

    Le lecteur retrouve (ou fait connaissance) avec 2D-Boy - Le coup du verre pour éteindre l'incendie et sa chute avec le glaçon est juste énorme...

    L’artiste utilise des bandes de cases, généralement quatre par page, parfois trois, avec des bordures bien droites et bien nettes, sauf si un super-pouvoir vient mettre le bazar, et des dessins bien propres - Je me demande d'ailleurs s'il ne s'agit pas d'un impératif dicté par le contenu, sous peine de ne plus rien avoir de lisible et de s'aliéner une bonne partie du lectorat potentiel.

    "toujours aussi inventives, réjouissantes et ludiques" - Eh bien, ma question pointait déjà, mais tu y réponds dans la conclusion. J'en déduis que l'inventivité et l'inspiration sont toujours au rendez-vous.

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    1. Une crêpe serait restée collée au plafond ? Ou à une bordure supérieure de case ?

      2D-Boy : jouer sur la représentation conventionnelle de la perspective, pour revenir à un dessin aplati en 2D, à la fois évident, à la fois difficile à faire fonctionner de manière visuelle. Respect.

      Un impératif dicté par le contenu : je n'y avais pas pensé sous cet angle. J'ai souvenir d'avoir déjà lu des BD utilisant le principe d'un personnage qui passe d'une case à l'autre en étant devant la gouttière, ou qui déchire une page, dans Mutliversity et dans Flex Mentallo de Grant Morrison par exemple. De mémoire, L.L. de Mars se montre encore plus ambitieux dans certains de ses ouvrages pour jouer avec les conventions des règles de la bande dessinées.

      L'inventivité et l'inspiration : j'étais allé voir une interview de l'auteur où il expliquait qu'il n'écrivait une histoire de Imbattable que quand il tenait une idée, plutôt que de se mettre à la réalisation continue d'un album.

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  2. J'adore ton avant-dernier paragraphe car il est très juste et tu pointes ce qui finit de nous faire aimer cette bd. Tu as raison, ce tome est plus poétique encore, et moi aussi je dois relire les histoires avec la crêpe et la factrice car elles ne sont pas si évidentes.

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    1. Voilà qui me rassure car j'ai dû lire deux fois l'histoire de la factrice pour être bien sûr. Ce que j'avais également dû faire avec la jeune femme se promenant dans un jardin public dans La mystérieuse dame (l'histoire que j'ai trouvée la plus ardue à suivre).

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    2. Oui, la Mystérieuse dame, c'est du grand art, un sacré tour de force. Moore l'avait un peu fait à la fin de Watchmen. J'ai relu les autres histoires, ce n'est pas du luxe !

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    3. D'où viennent les idées de l'auteur ?

      https://www.facebook.com/photo/?fbid=469492671842878&set=a.138623048263177

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