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jeudi 29 septembre 2022

Léonard T49 Génie militaire

Après tout, comme le dit bien l’adage : propreté vaut politesse.


Ce tome fait suite à Léonard - Tome 48 - Mon papa est un génie (2017) qu’il n’est pas indispensable d’avoir lu avant, mais ce serait dommage de s’en priver car il est excellent. Les gags ont été écrits par Zidrou (Benoit Drousie), dessinés et encrés par Turk (Philippe Liégeois) et mis en couleurs par Kaël. Il contient vingt-et-un gags d'une à six pages. La première édition date de 2018.


Manu militarira bien qui manu Militarira le dernier ! Basile le disciple dort bien tranquillement dans son lit sous la couverture sur laquelle Raoul Chatigré dort également. Léonard le génie entre tranquillement dans la chambre, en habit militaire de colonel, accompagné par une ordonnance robot, téléguidé par un boîtier qui lui est relié par fil. Il lève sa badine et appuie sur un bouton : le robot lève son clairon et sonne le lever. Disciple est réveillé en sursaut et demande si l’invention du jour est le tapage diurne. Léonard répond qu’il s’agit de l’armée : elle est constituée d’une part d’officiers qui donnent des ordres stupides, et d’autre part de soldats qui obéissent aveuglément à ces ordres. Basile comprend qu’il va jouer le rôle du soldat. Il est temps pour le disciple de passer à la phase d’entraînement. - L’enclume des jours : dans l’atelier du génie, Mozza demande à son père adoptif ce qu’est le gros outil métallique massif aux formes bizarre. Un tabouret ? Une sculpture toute moche ? Une fausse dent de mammouth ? Léonard lui répond : une enclume, et il lui montre comment s’en servir. – Vous êtres tromblon pour moi ! Dans la cour de sa maison, Léonard est à la recherche de son disciple. Il l’appelle en regardant sa propre barbe tout en mentionnant que pour ses coupables roupillons, Basile a déjà élu des endroits que même le cerveau malade d’un scénariste sous amphétamines n’oserait imaginer !



Don Génieovanni : Léonard est sur une scène d’opéra et chante tel un ténor. Après avoir vanté ses propres mérites devant le miroir, il appelle son disciple. Basile apparaît sur scène, lui aussi s’exprimant en chantant, assurant qu’il sert la science et c’est sa joie tout autant que sa peine. – Le jouet de ses illusions : Léonard est en train de mettre au point la bombe à neutrons, avec l’aide apeurée du disciple, mais il est interrompu par Mozza qui vient lui réclamer la poupée qui rit, qui pleure, qui fait pipi au lit, qu’il lui avait promise. – L’école des femmes libérées : Mozza est en train de hurler qu’elle ne veut pas y aller, pendant que Léonard la traîne de force vers l’école, pour sa première journée. Bien évidemment, c’est le disciple qui porte le cartable. - Si ce n’est toi, c’est donc ta fraise : comme à son habitude, Léonard libère une décharge de tromblon sur la tête de son disciple, pour lui signifier son mécontentement, ou tout du moins sa légère irritation. Il a promis une surprise à Mozzarella si elle était sage à l’école, et il veut être à la hauteur des attentes de cette petite. – Sévices militaires : Basile est à nouveau tiré de son sommeil par la sonnerie du clairon. Léonard fait son entrée, plein de médailles accrochées sur sa barbe, il vient de se promouvoir lui-même général.


Ouvrir un nouvel album de cette série correspond à un horizon d’attente bien défini : Léonard inventant tout et n’importe quoi avec une bonne dose d’anachronismes, une narration visuelle enjouée avec une bonne dose d’exagération comique, et des personnages secondaires sollicités de manière chronique, ou faisant discrètement les pitres en arrière-plan, sans oublier les souffrances du disciple. Le lecteur retrouve tout ce qu’il est venu chercher à commencer par les inventions : armée, désertion, utilisation de l’enclume, opéra, châtiment corporel, bombe à neutrons, féminisme à l’école, sucette, service militaire, corvée de patates, poupée pour les filles, soldat-robot, tapette pour chat, fausse monnaie, grenades de tout type, table de jardin, concours d’invention, népotisme, bikini, canon à obus, lavage-auto, médailles militaires, désarmement, etc. Il note qu’il y a deux ou trois gags sans invention. Il remarque que le scénariste n’hésite pas à faire réinventer quelque chose qui existe déjà, comme l’armée. Il remarque également que Zidrou reprend son idée du tome précédent : un thème en fil rouge, ici celui de l’armée, tout en s’autorisant de ci de là un gag sans rapport. Il introduit quelques anachronismes comme prévu, le bikini ou la station de lavage-auto. Le thème du génie militaire s’avère irrégulier comme source de comique : d’une part parce qu’il s’agit d’une rétro-invention, d’autre part qu’il presque impossible de ne pas rester dans les lieux communs avec des gags très courts, ou même de quelques pages.



Aucune perte de temps : la première page rappelle au lecteur que Turk maîtrise le rythme du gag, le dosage de l’exagération comique, la mise en scène humoristique. Il suffit de regarder le lettrage : l’onomatopée Z correspondant au sommeil qui est sciée en deux par une scie dessinée dans le phylactère, l’arabesque heurtée dessinée par le son soudain et peu harmonieux du clairon. Par la suite, le dessinateur fait usage de ces graphies d’onomatopées avec la même pertinence et la même efficacité : deux cases remplies uniquement par des mots répétés, l’une par des TRANCHE, l’autre par des DÉBITE pour un travail à la hache, les BLAM explosifs du tromblon, le lettrage écrasé du BUNK lorsqu’une enclume heurte le sol, un VLAOUF avec une paire d’yeux au milieu du O, des CHHHHHH en caractères plus petits pour le chuintement d’une roquette, une suite de trois cases avec un énorme KROTCH dont les lettres s’interpénètrent, puis un PRESS avec également des lettres tassées, et enfin un PROTCH avec des lettres non alignées, etc. De temps à autre, le lettreur s’amuse également à l’intérieur d’un phylactère, soit avec un dessin remplaçant un mot ou une insulte, avec un mot en caractère gras pour signaler qu’il est hurlé plutôt que parlé, ou encore ce phylactère tellement plein à craquer que le début et la fin de chaque ligne se retrouvent tronqués par sa bordure pour évoquer le flot ininterrompu du papotage d’un conducteur de taxi.


Léonard se conduit conformément à sa personnalité ce qu’expriment bien les dessins dans ses postures pleines d’assurance et de détermination, souvent teintées d’autoritarisme, ce qui rend ses moments de surprise encore plus savoureux, par contraste. Impossible de ne pas éprouver d’empathie pour ce pauvre disciple, toujours dérangé dans ses moments de flemme, souvent serviable tout en ayant conscience que c’est à ses risques et périls, ses postures résignées, son regard parfois un peu benêt. Il n’y a qu’en présence de Mozzarella que son regard se fait courroucé ou exaspéré. Cette dernière est craquante, sans être niaise ou dépourvue de caractère, vraiment représentée comme une enfant et non comme une adulte miniature. Le scénariste ne colle pas de force dans tous les gags, ce nouveau personnage qu’il a introduit dans le tome précédent, mais la met en scène comme les autres personnages secondaires, comme Mathurine par exemple, qui est toujours aussi imposante par son physique, mais aussi par son calme. Bien évidemment, le lecteur de longue date guette l’apparition de Raoul Chatigré et de la souris Bernadette, sans oublier le crâne Yorick, pour être sûr de ne pas les rater. Il est fort aise de découvrir que le chat et la souris apparaissent également en bas de la dernière page de vingt gags, dans la marge du dessous pour une plaisanterie visuelle supplémentaire. 



Comme d’habitude, les personnages font preuve d’une énergie peu commune, que ce soit Léonard en plein tourbillon créatif, ou Basile confondant vitesse et précipitation pour accomplir les tâches d’arpète, déléguées par le génie. Le lecteur observe également la coordination entre scénariste et dessinateur, Zidrou concevant des gags dont certains fonctionnent sur une surprise ou une situation entièrement visuelle, bien sûr les blessures du disciple, mais aussi la réaction d’un personnage, ou la découverte de la nature de l’invention. De son côté, le scénariste respecte et met en œuvre les ingrédients originels de la série, que ce soient les inventions ou la maltraitance du disciple par Léonard. Dans le même temps, il apporte très discrètement des éléments nouveaux qui s’avèrent parfaitement intégrés. Il met en scène Mozzarella avec modération : elle n’apparaît que dans treize gags, et le plus souvent en tant que figurante. Il renouvelle un peu le gag de la cachette du disciple pour échapper à l’appel du génie, et il plaisante dessus, avec Léonard disant : Pour vos coupables roupillons, vous avez déjà élu des endroits que même le cerveau malade d’un scénariste sous amphétamines n’oserait imaginer. Il commente même le fait que Basile soit la victime de violences physiques démesurées, dans le troisième gag. Alors que Léonard vient de sortir son tromblon de sa barbe comme à son habitude, pour le décharger à bout portant sur la tête du disciple, une femme intervient en entrant dans la cour où ils se trouvent. Elle se présente : Romina Shémoniou, de la ligue des bien-penseurs prosélytes. Elle se met à faire la leçon à Léonard : il ne peut pas ainsi sortir son arme à tout bout de champ pour en user à l’encontre de son disciple. Parce qu’il donne un très mauvais exemple à la jeunesse. Le lecteur sourit de cette réflexion qui s’apparente à un métacommentaire. La dame continue : elle demande à Léonard d’imaginer si cette délicieuse enfant, en désignant une fillette qui passe dans la rue, après l’avoir vu, sortait à son tour un tromblon de sa barbe et tirait sur son petit frère. La remarque fait mouche : Zidrou ne renoncera pas à ce gag de maltraitance, car il ne présente aucun élément réaliste.


Après l’impressionnante réussite du tome 48, l’horizon d’attente du lecteur s’en trouve très élevé. Le scénariste ne se montre pas tout à fait aussi convaincant dans le thème qui court tout du long, mais il sait avec élégance concevoir et écrire des gags cousus main pour l’artiste, en se conformant aux spécificités qui font cette série. Turk épate comme d’habitude par son attention portée aux détails, son sens du comique visuel, sa mise en scène au rythme d’une grande rigueur qui assure le bon déroulement de chaque gag. Du grand art.



2 commentaires:

  1. "Basile le disciple dort bien tranquillement dans son lit sous la couverture" - En voilà un pour lequel j'avais énormément de sympathie lorsque j'étais gamin, presque de la pitié, tandis que le côté intransigeant et tyrannique de Léonard avait tendance à le rendre bien peu aimable à mes yeux. Comme la majorité des jeunes lecteurs, évidemment.

    "Il met en scène Mozzarella avec modération : elle n’apparaît que dans treize gags, et le plus souvent en tant que figurante." - J'en déduis donc que l'intégration de ce nouveau personnage ne se passe pas trop mal et qu'elle a réussi à se faire une petite place dans cette série-fleuve, bien que la dynamique repose surtout sur les scènes entre Léonard et Basile. Le pari n'était pas gagné pour autant, même si au bout d'un moment, le lecteur fidèle souhaite que le propos se renouvelle un peu.

    Du coup, tu les lis sous quel format, ces tomes ? En intégrale ? En albums ? Vu la parution relativement récente, je suppose que ce tome-là n'a peut-être pas encore été publié dans une intégrale. Tiens, il semblerait qu'il y ait eu deux intégrales, inachevées, sans doute.

    Je me demande bien quels sont les volumes de ventes qu'un album de "Léonard" représente, en moyenne, surtout depuis que Zidrou a repris le titre.

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    1. Basile : avant d'adopter le pseudo de Présence, j'avais choisi celui de Disciple en référence directe à ce personnage dans lequel je m'identifiais beaucoup.

      Mozza : je suis agréablement surpris par le fait qu'il ne s'agisse pas d'un matraquage et que la dynamique que tu évoques reste au cœur de la série.

      Que le propos se renouvelle un peu : toujours cette question de dosage entre Plus de la même chose, mais avec des nouveautés.

      Le format : j'ai commencé par acheter le tome 50 à l'occasion de sa parution, et j'ai continué à les acquérir par album.

      Chiffres de vente : aucune idée, je ne trouve pas d'information à ce sujet.

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