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mardi 5 juillet 2022

Léonard - Tome 48 - Mon papa est un génie

T’as rien inventé de beau, quoi !


Ce tome fait suite à Léonard - Tome 47 - Master génie (2016) qu’il n’est pas indispensable d’avoir lu avant, mais ce serait vraiment idiot de s’en priver. Les gags ont été écrits par Zidrou (Benoit Drousie), dessinés et encrés par Turk (Philippe Liégeois) et mis en couleurs par Kaël. Il contient vingt-deux gags d'une à cinq pages. La première édition date de 2017.


Léonard est en train de dormir profondément dans son lit, et Basile Landouye est assis par terre à ses côtés, adossé à un coussin, en train de somnoler avec le chat Raoul Chatigré à ses côtés. Léonard se réveille en sursaut, saisi par une idée d’invention. Il allume sa lampe de chevet et hurle : Disciple ! Ce dernier s’éveille tant bien que mal et prend son carnet et son crayon pour noter alors que le génie lui dicte une série de formules mathématiques complexes et interminables. Le disciple lui suggère l’invention d’une machine pour enregistrer les idées qu’il a tout le temps, comme ça en plein milieu de la nuit. Son maître n’y est pas favorable. La sonnette retentit dans la maisonnée du génie, tellement forte que Yorick s’en retrouve sens dessus dessous, sur le sommet du crâne, sans savoir comment se remettre à l’endroit. La voisine madame Lataigne entre avec son nourrisson dans les bras qui est en train de jouer avec un petit doudou anthropomorphe rouge. Elle n’en peut plus : cet enfant l’épuise, l’éreinte la burnoute. Elle a l’impression de passer sa vie à laver ses couches, et il veut toujours être à bout de bras. Si encore il la laissait dormir la nuit… Léonard n’hésite pas un instant : il ne sera pas dit que le plus grand créateur de tous les temps aura laissé une femme – la plus belle création de l’univers – dans la panade. Il commence par inventer la poussette pliable, puis la couche jetable, et enfin le tromblon pour aider la sieste. Raoul Chatigré et Bernadette viennent aider Yorick.



Basile a bien dormi : il n’avait pas dormi comme ça depuis la fois où il avait passé six mois dans le coma après avoir testé ce modèle de parachute biodégradable, fruit du génial cerveau de son employeur. Il descend dans la pièce principale et découvre Léonard assis sur un tabouret, prostré, la tête baissée, avec Mathurine faisant entrer le docteur. Après une auscultation expresse, il diagnostique que cet homme souffre du syndrome de Gepetto, c’est-à-dire qu’il souffre de ne jamais avoir eu d’enfant. Disciple proteste : il est quasiment un enfant pour Léonard, et Mathurine ajoute qu’elle est quasiment une femme pour lui. Le docteur manque de tact dans sa réponse et se fait mettre dehors. Basile et Mathurine expliquent les petites fleurs et les abeilles à Léonard, en se déguisant. Léonard va présenter ses hommages, avec un bouquet de fleurs et une génuflexion, à plusieurs femmes de la ville, mais se fait éconduire à chaque fois. Il décide de changer de look, et il invente le jeunisme. Léonard se rend à la maternité et épuise cigarette électronique après cigarette électronique en attendant la sage-femme.


Avec son beau fond orange fluo, la couverture montre l’irruption d’un nouveau personnage sortant de la barbe de Léonard, sous le regard contrarié de Basile, celui enamouré de Mathurine, et celui amusé de Raoul. Le lecteur attend donc impatiemment l’arrivée de la jeune fille, mais Zidrou a construit cet album différemment. Dans la forme, rien n’a changé : une succession de gags, des personnages avec des gros nez, des dessins tout public, des petits détails de ci de là, Turk toujours dans une forme éblouissante. L’album contient 22 gags : 13 en 1 page, 3 en 2 pages, 1 en 3 pages, 3 en 4 pages et 2 en 5 pages. Le disciple sert toujours de souffre-douleur, avec des blessures qui seraient gore si elles étaient dessinées de manière réaliste. Par inattention, il se coupe un doigt au petit-déjeuner en page 24, puis le bras gauche au niveau du coude, sans oublier les blessures diverses et variées lors des séances de bricolage, et bien sûr les décharges de tromblon en pleine poire, qui calcinent son buste et sa tête, et y laissent de multiples perforations. Comme à son habitude, le dessinateur s’amuse bien avec les facéties de la souris Bernadette, du chat Raoul Chatigré et même du crâne Yorick. Le fait est que le lecteur ne sait plus trop si c’est uniquement le fait de Turk, ou si le scénariste lui donne des indications, puisque le gag de la page 40 mêle l’énervement de Léonard à raconter que Archimède et Pythagore lui ont piqué ses théorèmes avant qu’il ne naisse, avec Yorick qui regrette de ne pas avoir d’enfant, le chat et la souris l’aidant à en avoir.



Comme pour chaque tome, le lecteur est aux anges d’étoffer sa lecture en y participant de manière ludique : prendre le temps de savourer chaque case pour découvrir si l’artiste n’a pas glissé un détail en plus. Il y a bien sûr le comportement du chat, de la souris, du crâne, les gags purement visuels, mais aussi la forme de la sonnette (un pavillon avec une énorme langue, et des mains pour que le son porte), les différents outils avec lesquels le disciple se blesse, les objets anachroniques, un autocollant d’avertissement pour les parents sur un contenu explicite (comme sur les disques), des mini-schtroumpfs en page 10 (le temps d’une case, et appelés par le nom anglais Smurfs afin de ne pas risquer de contentieux), les oreilles de Raoul qui sautent au-dessus de sa tête dans une expression d’étonnement intense (page 14), ou encore Léonard tenant un doudou similaire à celui du nourrisson de madame Lataigne, etc. Dans certains, gags le lecteur voit que le scénariste s’appuie entièrement sur le dessinateur pour raconter l’histoire, en n’utilisant aucun mot, tout juste des onomatopées. Turk maîtrise comme jamais l’exagération comique, que ce soient les expressions de visage, ou le langage corporel pouvant aller jusqu’aux gesticulations hystériques. Il insuffle une incroyable vitalité dans chaque personnage, chacun à sa manière : le comportement réfléchi et régulièrement condescendant de Léonard, l’assurance tranquille de Mathurine, les expressions et les postures parfois un peu enfantine de Basile, ou encore l’entrain de la jeunesse de Mozza.



Le lecteur n’a donc pas à prendre son mal en patience pour attendre l’arrivée de la petite nouvelle, puisque les auteurs sont au summum de leur forme narrative et comique et que chaque gag fait mouche. Il se rend progressivement compte qu’une thématique court en filigrane, gag après gag. La mère épuisée par son nouveau-né, le regret de n’avoir jamais eu d’enfant de Léonard, l’origine des enfants racontées avec la pantomime de la fleur (Mathurine) et de l’abeille (Basile), les propositions en mariage de Léonard, l’attente à la maternité, l’adoption, la livraison des bébés par une cigogne mécanique (une invention de Léonard), et même la fabrication d’un pantin robot pour combler ce besoin de paternité. Une fois Mozzarella arrivée en page 20, la thématique progresse vers l’accueil de l’enfant dans cette étrange famille (Léonard en père, Mathurine en mère, Basile en frère jaloux de la petite dernière). Zidrou complète cette thématique avec un fil narratif qui progresse de gag en gag dans la deuxième moitié de l’ouvrage : la création d’un parfum Eau de Génie, par Léonard, qui fournit la source de plusieurs gags (pauvre Disciple chargé d’aller chercher des flacons en verre de Murano dans cette ville), et qui se conclût dans la dernière histoire en rencontrant le gag de celle-ci. À l’évidence, le scénariste est à fond dans la série qu’il a reprise avec le tome précédent, puisqu’il mentionne que Léonard a déjà gardé le bébé de madame Lataigne, dans l’album 5, et qu’il référence le fait que Disciple ait déjà dû réveiller l’ours dans sa caverne dans le tome précédent.


Bien évidemment, l’arrivée de Mozzarella constitue un événement de grande ampleur dans la série. Les créateurs ajoutent un personnage qui sera vraisemblablement récurrent, même si elle n’est pas de tous les gags, modifiant ainsi la dynamique relationnelle entre Léonard et son entourage, et devenant source de nouveaux gags dont celui sur l’invention de l’hyperactivité. Le scénariste glisse un ou deux autres éléments dans l’air du temps, tels que le jeunisme, le succès de la cigarette électronique, ou encore le jeu de la piñata. Il va jusqu’à re-présenter Basile et Mathurine, chacun dans un gag différent d’une page, pour le bénéfice de Mozza. Page 26, Disciple présente lui-même son rôle, concluant que si une invention ne satisfait pas aux 101 critères du Label Basile, elle est purement et simplement recalée, tout en se faisant maltraiter par un tailleur automatique mal réglé. Page 31, c’est au tour de Mathurine de présenter les tâches qu’elle accomplit, et le gag provient de la façon dont Mozza qualifie sa condition. Toutefois les principales provocations sont ailleurs. Page 6, le disciple teste une couche jetable de manière particulièrement humiliante, étant obligé de se soulager devant témoin. Page 38, le lecteur se frotte les yeux en découvrant le visage glabre de Léonard à la suite d’une sieste dans le jardin : un moment aussi inattendu qu’iconoclaste dans lequel les auteurs modifient son apparence immuable le temps de cinq cases.


Zidrou avait réussi l’exploit de reprendre la série en douceur, le scénariste historique Bob de Groot ayant pris sa retraite, se coulant dans le format établi par son créateur original, aussi bien pour les personnages que pour le type de gags. Ce deuxième album de la reprise épate par le naturel des histoires ne présentant aucune solution de continuité avec les albums historiques, par l’introduction élégante d’un nouveau personnage récurrent, et par une thématique à la fois assez lâche pour ne sembler ni contraignante ni artificielle, et à la fois pertinente. Le lecteur est aux anges car l’artiste n’a rien perdu de sa maestria pour donner vie aux personnages, pour mettre en scène les gags avec le rythme adapté pour qu’ils fonctionnent, et sa générosité pour enrichir ses pages avec moult facéties irrésistibles.




2 commentaires:

  1. Ah ! Un "Léonard", super !

    "Basile Landouye", "Raoul Chatigré" - Rien qu'avec ça, c'est difficile de réprimer un sourire.

    "avec des blessures qui seraient gore si elles étaient dessinées de manière réaliste" - Je n'y avais jamais pensé. C'est vrai que vu comme ça, ça peut faire très peur.

    "prendre le temps de savourer chaque case pour découvrir si l’artiste n’a pas glissé un détail en plus." - Un exercice particulièrement jouissif, qui l'est encore plus lorsque l'on découvre quelque chose.

    "et appelés par le nom anglais Smurfs afin de ne pas risquer de contentieux" - Tiens, voilà qui me surprend. Je sais qu'il ne s'agit pas de la même maison, mais quand même. Dans ma naïveté, j'aurais cru que une forme d'entente aurait été au-delà de considérations d'ordre juridique.

    "Ce deuxième album de la reprise épate" - Voilà donc une reprise réussie, et ton plaisir est communicatif. En attendant le prochain tome. Hélas, pas avant un an, je suppose ?...

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    1. Avec des blessures qui seraient gore : ça ne m'est pas venu à l'esprit tout de suite. C'est en repensant à la parodie de dessin animé dans les Simpson, The Itchy & Scratchy Show, que je m'en suis fait la réflexion. Il y a une forme de sadisme sous-jacent qui peut s'avérer dérangeant quand on y pense sous cet angle-là. Par voie de conséquence, ça s'applique aussi à Tom & Jerry, à Bip-Bip et le Coyote, etc.

      https://fr.wikipedia.org/wiki/Itchy_et_Scratchy

      Smurfs : l'anglicisme m'a décontenancé et je ne vois pas d'autre raison qu'une question de droits de propriété intellectuelle, mais peut-être suis-je passé à côté de quelque chose.

      Le prochain tome pas avant un an : je suis bien incapable de m'avancer... mais j'aurais tendance à te faire confiance, car tu avais raison sur l'écart entre le tome 47 et le tome 48.

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