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mardi 29 mars 2022

Capricorne, tome 5 : Le Secret

De toute façon, toute fiction est le reflet d'une réalité.

Ce tome fait suite à Capricorne, tome 4 : Le Cube numérique (1999) qu'il faut avoir lu avant. Sa première parution date de 2000 et il compte 48 planches de bande dessinée. Il a été réalisé par Andreas Martens pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il a été réédité en noir & blanc dans Intégrale Capricorne - Tome 1 qui regroupe les tomes 1 à 5. Ce tome s'ouvre avec un texte de cinq pages comprenant une illustration par page et écrit par Miriam Ery, une journaliste fictive, résumant les événements survenus dans les tomes 5 & 7 de la série Rork, réédités dans Intégrale Rork - Tome 2 - Intégrale Rork T2.

Les aventures de Rork l'ont amené à croiser le chemin de Capricorne, avec Deliah et sa fille Sy-Ra, mais aussi Manga, pour lutter contre Mordor Gott et Dahmaloch, et à assister à la fin du cube numérique, et la destruction partielle de la bibliothèque d'Astor. Capricorne finit de prendre connaissance de ses propres aventures au travers du récit qu'en a fait Miriam Ery. Il lui fait observer qu'il y a un certain décalage par rapport à la réalité. Elle répond que toute fiction est le reflet d'une réalité. C'est la question qu'il se pose parfois en lisant ces nouvelles : est-ce qu'il vit une fiction ? Puis la conversation passe à Astor : la bibliothèque du 701 a été reconstruite à neuf et Astor, aidé par Ash, s'occupent des livres, car l'ancienne bibliothèque a été retrouvée de l'autre côté de la baie. Il faut donc les ramener pour remplir la nouvelle bibliothèque dont les travaux sont finis depuis deux jours. Astor est en train de surveiller et de coordonner la récupération des livres par une équipe de professionnels et accueille l'arrivée d'Ash avec manque de tact, n'arrivant pas à se faire à sa nouvelle coupe.

Un des manutentionnaires qualifiés apporte un ouvrage qui a l'air spécial, directement à Astor pour qu'il s'en occupe personnellement. Mais avant qu'il ne puisse le saisir pour le prendre en charge, un individu en combinaison noire moulante, avec une cagoule lui masquant le visage s'en empare et s'enfuit en courant. Astor et Ash se lancent à sa poursuite mais deux autres individus vêtus de la même manière s'interposent. Pendant ce temps-là, dans le gratte-ciel au 701 de la septième avenue, Capricorne et Miriam Ery voit arriver l'inspecteur Ron Dominic. Ce dernier vient demander l'aide de Capricorne : il a besoin de quelqu'un qui le croit. Tout a commencé il y a quelques jours : il a reçu un coup de fil et une voix lui annonçait qu'il allait mourir dans d'atroces souffrances. Des menaces, il en reçoit régulièrement, mais là il a mis du temps avant de placer la voix dans ses souvenirs. C'était Haltmann. Capricorne lui objecte que ce dernier est mort dans sa chute de l'immeuble d'en face. Dominic le sait car il était présent. Haltmann est pour ainsi dire mort dans ses bras. Il avait appelé ses supérieurs et une équipe était venue pour chercher le corps. Affaire classée. Mais ledit corps a disparu. Impossible de savoir où on l'a emmené, impossible même de retrouver l'équipe.


Il vaut mieux que le lecteur commence par lire le texte qui résume les aventures de Rork auxquelles Capricorne s'est trouvé mêlé. En effet l'auteur a conçu la présente série sur la base de cycles et le premier, composé des tomes 1 à 5, est celui qui se déroule avant lesdites aventures communes, et juste après pour le présent tome. S'il n'a pas lu Rork, le lecteur se rend compte que plusieurs intrigues trouvent leur résolution dans les deux tomes de cette autre série, et que le scénariste a bâti les quatre premiers tomes pour aboutir à ces rencontres, déjà narrées, entre les deux héros. S'il ne l'avait pas déjà remarqué, en lisant le texte, le lecteur prend conscience de la densité narrative des histoires d'Andreas, car celui-ci a bien du mal à tout condenser en un texte de 5 pages en petits caractères. En particulier certains personnages secondaires sont mentionnés : ils apparaissent dans une phrase, pour ne plus jamais être évoqués dans le reste du texte. Les illustrations sont extraites des albums correspondants, et les trames de texture sont réalisées avec des traits qui évoquent la manière de faire de Bernie Wrightson, très méticuleuse.

Pour commencer cette cinquième aventure, le scénariste reprend le principe des deux tomes précédents : un personnage vient demander l'aide de Capricorne. Après Deliah (tome 3) et l'inspecteur Azakov (tome 4), il s'agit de Ron Dominic. Au départ, le lecteur est un peu suspicieux. En effet, chef Cole avait enjoint Capricorne de se méfier de cet individu. Mais la mission semble de bonne foi : savoir ce qu'il est advenu du cadavre de Haltmann, responsable de l'organisation Le Dispositif. Dès cette planche 4, le lecteur se souvient qu'il est dans une série feuilletonnante, et qu'une partie du plaisir de lecture provient de cette forme. Il retrouve des personnages au caractère peu développé, même s'ils ne sont pas tout à fait interchangeables, ne serait-ce que par leur allure : la différence de taille entre Capricorne et Astor, et la différence de sexe avec Ash Grey (et sa nouvelle de coupe). Outre l'avertissement relatif à Ron Dominc (autre personnage sans beaucoup d'épaisseur, si ce n'est les actions qu'il a accomplies dans le tome 2), le lecteur s'amuse avec la dimension ludique consistant à replacer les pièces : le sort d'Haltmann dans le tome 2, une mystérieuse femme qui suit Capricorne, la présence régulière du peuple des égouts, le vrai nom de Manga (il s'appelle Dorian), une nouvelle carte qui fait son apparition (2 traits horizontaux, 1 vertical et 1 point noir), l'utilisation des relations avec le Club '27, le message Adieu Cathryn, les traces de pas du chat, etc. Évidemment, ce genre de construction ne fonctionne pour le lecteur que si l'auteur maîtrise cette forme de fuite en avant : il doit savoir doser les révélations, et l'installation de nouveau mystères, tout en prenant en compte le temps écoulé entre la parution de 2 tomes, de manière que le jeu ne se transforme pas en un exercice de mémoire fastidieux.


À la lecture, il apparaît qu'Andreas sait doser ses ingrédients avec art et équilibre. Même si elle est réduite à une simple fonction de romancière, le lecteur apprécie de revoir Miriam Ery en tant que personnage secondaire le temps de deux pages, montrant que Capricorne ne vit pas en vase clos avec ses deux compagnons. Il est prêt à attendre un tome ou deux avant de savoir qui est la vieille femme avec son chauffeur qui guettait la sortie du héros de son gratte-ciel. Dans le lot, une ou deux révélations tombent à plat : il n'y a pas vraiment d'enjeu à apprendre que Manga s'appelle en fait Dorian, si ce n'est qu'il n'y a pas de regret à avoir pour Manga car ce nom ne semblait avoir aucun lien avec la bande dessinée japonaise. Il découvre enfin le sens de l'une des 6 cartes du destin commentées par les vielles femmes (peut-être les moires) dans le tome 1. Il sourit avec Ash Grey alors qu'elle a été enlevée par Jochim & Achim, et qu'elle se trouve enchaînée et suspendue par les poignets, séquence sans exploitation de son physique féminin, car il sait ce qui va se produire : elle a en effet démontré une aptitude extraordinaire à se sortir toute seule de ce genre de situation… Il ne peut pas se douter de la surprise que lui a réservé l'auteur et qui justifie à elle seule le titre du présent tome.

L'habileté de la construction du récit ferait presque oublier le plaisir des yeux. Là aussi, l'artiste sait mettre à profit les conventions du genre et les faire siennes : la haute structure de la bibliothèque dans une vue en plongée à donner le vertige, la variété de la taille des cases pour accompagner les mouvements, ou au contraire se fixer sur une discussion, les séquences muettes d'une lisibilité parfaite, l'énorme entrepôt désaffecté servant de base secrète à Zarkan, le couloir aveugle dans le gratte-ciel Somerset, le gigantisme gothique de la cathédrale des Aigles, les bras mécaniques effilés du savant fou rappelant ceux du navire gigantesque du tome précédent. De temps à autre, le lecteur se rend compte du plaisir qu'Andreas prend à composer ses pages (planches 34 & 36 avec des cases trapézoïdales pour rendre compte des acrobaties du héros accroché à une corde), et de la manière dont il s'amuse avec lui. Planche 3, il remarque une case qu'il ne comprend pas, pareil pour un insert en planches 5, 7, 9, 11, 13, 15, 17, mais pas 19 ni 21. Ça recommence en page 23, et page 25, le lecteur a la confirmation de ce qu'il commençait à subodorer quant à ces cases déconnectées du reste de la planche. Arrivé à la dernière page, le lecteur sourit car sa composition renvoie à la première apparition de Capricorne dans la planche 2 du tome 1. Il se rend compte qu'il se souvient immédiatement de quand il a vu ce plan, ce qui rend patent la force composition de l'artiste qui imprime des images mémorables dans l'esprit de son lecteur.

Cinquième tome, fin de cycle, une partie des intrigues ayant trouvé leur résolution dans la série Rork : le lecteur fait le constat qu'il est toujours autant diverti par les aventures feuilletonnesques de Capricorne, aussi accroché par les mystères et récompensé par les révélations, avec une narration visuelle jouant régulièrement sur la forme. Une excellente série d'aventures nourrie par le savoir-faire et la personnalité de son auteur.



6 commentaires:

  1. "L'habileté de la construction du récit ferait presque oublier le plaisir des yeux." - Ça m'a l'air très dense, très fouillé, en effet, du côté du scénario comme du côté du dessin. C'est d'ailleurs l'une des questions que j'avais en tête en commençant la lecture de ton article : y a-t-il dans cette œuvre un aspect qui l'emporte sur l'autre, et si oui, lequel ? Là j'en conclus que non et que le plaisir de lecture a dû être décuplé.

    "Cinquième tome, fin de cycle" - J'ai consulté la fiche de "Capricorne" sur Bédéthèque une nouvelle fois, et c'est vrai qu'il y a vingt tomes. J'ai également regardé l'article de Wikipédia : il y a quatre cycles au total. D'après l'article, Andreas a annoncé qu'il allait continuer la saga, mais avec des récits indépendants. As-tu plus d'infos à ce sujet ?

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    1. Un aspect qui l'emporte sur l'autre ? Je dirais que c'est un tout. Au-delà de cette pirouette facile, c'est vraiment un tout parce qu'Andreas est un auteur complet, mais ça dépend des tomes et des séquences. Souvent je me laisse prendre par l'intrigue, une bonne série d'aventures qui sortent de l'ordinaire. Régulièrement, je suis en admiration devant une page, ou une case qui me fait dire que l'artiste a bien réussi son coup, soit par l'investissement dans le dessin, soit par une structure de page ou un plan de prise de vue sophistiqué et pensé pour contribuer à exprimer l'action ou une émotion.

      Aucune information au sujet de tomes supplémentaires. Je n'en ai pas cherché. Peut-être est-ce évoqué dans l'introduction du 4ème tome de l'intégrale… Je n'y suis pas encore.

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  2. J'ouvre ce tome 5 : il commence par une aventure en pulp de Capricorne, et qui relate les tomes 5 et 6 de Rork. Je peux donc reprendre ma lecture de la seconde intégrale de Rork et revenir à Capricorne par la suite.

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    1. Je me souviens que ce texte introductif était un peu dense pour moi qui n'avais pas lu Rork.

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    2. J'avais complètement oublié les tomes 6 et 7 de Rork, le 5, Capricorne, je le connais par coeur, c'était le seul que j'avais avant de me racheter les intégrales. Il y a beaucoup de points communs dans la narration et l'histoire entre le tome 6 de Rork (Descente) et celui muet de Capricorne, et le dernier tome, qui devait contractuellement finir la série, est une avalanche d'actions et de révélations qui font que même en le lisant je n'ai sans doute pas tout saisi. Je comprends donc ton désarroi face au résumé de texte, qui prend la forme des pulps que Miriam Ery (ou Erie) écrit, basés sur les aventures de Capricorne.

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    3. Une avalanche d'actions et de révélations qui font que même en le lisant je n'ai sans doute pas tout saisi : hé bin, ça doit être quelque chose !!! EN ce qui concerne Capricorne, j'ai trouvé la fin très satisfaisante.

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