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mercredi 12 octobre 2022

Capricorne T15 New York

Un être surgi de nulle part pour régler nos problèmes ? Il y a de quoi se poser des questions.


Ce tome fait suite à Capricorne - Tome 14 - L'Opération (2009) qu'il faut avoir lu avant. Il est recommandé d'avoir commencé par le premier tome pour comprendre toutes les péripéties. Sa première parution date de 2011 et il compte 46 planches de bande dessinée. Il a été réalisé par Andreas Martens pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il a été réédité en noir & blanc dans Intégrale Capricorne - Tome 4 qui regroupe les tomes 15 à 20, c’est-à-dire le quatrième et dernier cycle.


Le navire à bord duquel il se trouvait a accosté, et Capricorne marche sur le quai. Soudain quelqu’un l’interpelle dans son dos : Maître ! C’est Astor qui est venu l’accueillir. Il a maintenant les cheveux courts et il ne porte plus de lunettes. Pour répondre à Capricorne, il s’en explique. Il avait envie de changer d’apparence. Sa vue s’est améliorée après qu’il ait été touché par l’homme aux mains tatouées. Un incident curieux s’est produit il y a quelques semaines. Il lisait entouré de quelques-uns de ses livres, quand l’un d’entre eux s’est mis à émettre une luminosité rouge. Il l’a ouvert, feuilleté, jusqu’à ce qu’il tombe sur un passage souligné qui parlait de cet endroit et de ces date et heure. Il s’enquiert des aventures du maître. Capricorne répond que c’est une longue histoire, impossible à résumer en quelques phrases. Mais il lui racontera. Astor ajoute qu’il pourra le faire en compagnie de Ash Grey et Fay O’Hara. Dans le même temps, ailleurs trois voix conversent. Ils viennent de se réveiller Un quatrième prononce deux phrases et s’en va. Gordon Drake, Growth et Sippenhaft essayent de comprendre où ils se trouvent.



Au cours de ces échanges, Capricorne a relevé que Astor a parlé de ce qu’il reste du building, et de l’autre côté. Il se souvient également qu’il prononcé son vrai nom à New York, ce qui devait provoquer une catastrophe. Le soleil se lève, et Astor lui suggère qu’ils marchent un peu pour voir ce qu’il advenu de la mégapole. Capricorne découvre qu’il manque des étages aux gratte-ciels. Il y a les premiers étages, puis rien, si ce n’est des câbles qui les relient aux étages supérieurs qui se trouvent à leur place, plus haut, après plusieurs mètres de vide là où se trouvaient précédemment les étages qui ont disparu. Astor complète : il n’y a aucune explication rationnelle, les gens à l’intérieur des étages manquants ont également disparu. C’est arrivé il y a quelques mois en même que les machines de toute sorte se sont arrêtées et que téléphone, télégraphe, radio, tout a cessé de fonctionner. Gordon Drake, Growth et Sippenhaft continuent de partager leurs constats. Les cordes ont l’air solide. Le type qui était là est parti, et il s’exprimait en charabia. Mais il les a sauvés. Mais il les a séquestrés. L’un d’eux fait remarquer aux autres la présence d’oiseaux de grande taille. Ces derniers les ont cueillis au beau milieu de l’océan et les ont ramenés ici.


Capricorne a terminé son voyage de retour transatlantique et il reprend ses affaires là où il les avait laissées avant de partir enquêter sur le Concept. Le lecteur est fort aise de voir la série reprendre le fil des intrigues laissées de côté pendant les tomes dix à quatorze. L’auteur va vraisemblablement continuer à développer les nombreux mystères de la série, à les approfondir, à en révéler certains pour faire apparaître d’autres. Avec un tel a priori, le lecteur a un peu oublié qu’il s’agit avant tout d’une série d’aventure et que Andreas est un conteur d’histoires. Les retrouvailles entre le personnage principal et Astor sont touchantes, que ce soit pour la remarque très personnelle sur la coupe de cheveux du dernier et l’absence de lunettes, ou pour Capricorne indiquant qu’il lui faudra du temps pour raconter tout ce qui lui est arrivé évoquant ainsi l’ampleur des aventures survenues depuis leur séparation. Dans les pages deux et trois, l’artiste rappelle son attachement à la composition de ses pages, avec un plan fixe sur les deux amis, leurs petits changements de postures, et le lever de soleil apparent dans l’évolution des couleurs. Puis le lecteur découvre un dessin en double page (quatre et cinq), et il lui revient à l’esprit qu’il est dans une série spectaculaire et mystérieuse, avec la vision à couper le souffle, en contreplongée, de ces gratte-ciels auxquels il manque des étages intermédiaires.



Le lecteur se rappelle également rapidement que l’auteur travaille tout autant la composition de son intrigue, puisqu’il suit ici trois fils narratifs différents. Le premier à intervenir met en scène Capricorne et Astor. Le second survient en planche huit avec un changement saisissant de composition de couleurs : sur fond blanc, Ash Grey et le Passager essaye de comprendre où ils se trouvent avec ces étages isolés de gratte-ciel flottant dans le vide. Entretemps, le lecteur s’est rendu compte qu’il y a un troisième fil d’intrigue, à la forme très inattendue : en bas de chaque page, il peut suivre la discussion entre trois personnages, uniquement par des phylactères en forme de rectangle allongé, chacun avec une bordure différente pour identifier qui parle, déconnectés et dépourvus de toute image. Fidèle à son habitude, l’auteur réalise également onze planches muettes, sans texte, à l’exception de la discussion qui file en bas de page, sans lien directe avec ce que racontent les images. Formellement, le lecteur relève également des planches composées uniquement de cases de la largeur de la page, des pages avec des cases en plan fixe, des plongées et des contreplongées à couper le souffle, les planches dans les limbes avec des dessins sans aplat de noir, des pages composées à partir d’un grand dessin et des inserts apposés par-dessus, ou une mise en page en drapeau avec une grande case verticale et les autres comme attachées à ce mât, un nombre de cases dépendant de la séquence à raconter, des pages avec majoritairement des cases verticales, etc.


Capricorne a retrouvé son ami Astor, puis il retrouve son chez-soi, mais amputé de plusieurs étages. La représentation de ces gratte-ciels privés de plusieurs étages peut sembler un peu trop géométrique, un peu naïve peut-être puisque les différents réseaux d’énergie ou de fluide ne sont pas représentés. Pour autant, ce choix est cohérent avec le fait que la technologie est défaillante et a donc perdu son caractère primordial. Le lecteur interprète donc cette vision comme un choix car, par ailleurs, l’artiste se montre toujours aussi détaillé dans ses représentations. Il ne manque pas une seule brique dans le mur le long du quai, pas une seule fenêtre à chacun des gratte-ciels représentés qui ont tous une architecture différente. Le salon dans lequel Capricorne explique sa théorie sur les pierres d’apocalypse contient de nombreux meubles et accessoires. Le lecteur reconnaît bien un aménagement de grand hôtel avec le comptoir de réception, les fauteuils disposés en petit groupe, les plantes vertes. Le bureau où se regroupent les hommes d’affaire présente un aménagement spécifique, avec des meubles plus cossus attestant de leur aisance financière.



Le lecteur replonge avec délectation dans ce monde riche, imprévu et spectaculaire, dans ces nombreux mystères. Ainsi donc, Capricorne pourrait être à l’origine du phénomène qui a fait se volatiliser plusieurs étages des gratte-ciels de Manhattan parce qu’il a prononcé son nom à haute voix. Ainsi donc, Astor a repris confiance en lui, sans plus sembler souffrir des traumatismes générés par la destruction de sa bibliothèque. Le lecteur sent la chaleur humaine qui se dégage lors de leurs retrouvailles, même s’ils ne se livrent pas à des effusions démonstratives. Il voit apparaître de nouveaux personnages comme Wattman Worm avec ses cheveux hirsutes et son écharpe qui lui masque le bas de son visage, ou encore les quatre membres de l’agence Vingt-Trois, à savoir Xánthos, Yan, Jahden, Miss Green. Mais ils ne bénéficient pas d’un développement de caractère ou psychologique comme Capricorne dans les tomes de son retour. En revanche, Ash Grey se retrouve à suivre le Passager, et là le lecteur éprouve une très forte empathie pour elle. Au fur et à mesure, il apparaît que les manigances du vendeur de technologie ont toutes pour objectif de la manipuler en profitant de son état émotionnel. De fait, Ash se retrouve à accomplir des actes qu’elle réprouve, qui vont à l’encontre de ses valeurs morales, les événements la contraignant à agir, à tuer. Le dessinateur sait faire apparaître son dégout d’elle-même et sa perte de maîtrise de ses émotions, son tourment intérieur causé par le remord. Elle devient une héroïne tragique à son tour, comme Capricorne avant elle, comme Astor avant elle.


Après cinq tomes passés à suivre Capricorne dans son voyage de retour, le lecteur en avait pris l’habitude et l’intrigue globale avait pu lui devenir un peu distante, d’autant que celle relative au Concept avait connu une clôture définitive et satisfaisante. Au bout de cinq pages, l’auteur l’a remis en place : une intrigue touffue, une narration aussi inventive que spectaculaire. Le lecteur s’en retrouve accroché comme au début : un récit d’aventures débridées, de grande ampleur, sans prétention autre que de divertir, avec des planches d’une variété toujours renouvelée, des visuels extraordinaires, un jeu formel sur les trois intrigues entremêlées, des mystères toujours aussi séduisants. Il se rend également compte que sa familiarité avec les personnages s’est peu à peu développée : il est ému en voyant l’amitié sincère s’exprimant discrètement entre Astor et Capricorne, il est en pleine empathie avec Ash Grey qui affronte des remises en cause destructrices.



6 commentaires:

  1. Je suis très curieux de savoir comment le N&B peut rendre sur ce tome. Car à l'instar du titre coupé en deux sur la couverture (New et York), le monde où se trouve Ash Grey est rouge. Je me demande si cela a perturbé ta lecture, en tout cas je suis content de savoir que les intrigues t'ont repris dans leur cours :)

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    1. Contrairement au tome précédent dans lequel l'absence du rouge du chaperon rendait la lecture plus difficile en noir & blanc, dans celui-ci la distinction entre les deux mondes est visuellement évidente même sans les couleurs.

      L'intrigue : oui, les mystères au premier degré fonctionne encore très sur moi, malgré mon âge. Il me tarde d'en découvrir plus, d'autant que le récit progresse vers sa résolution. Je me rapproche du tome que tu avais commenté sur Bruce Lit et qui m'avait donné envie de me replonger dans cette série pour la lire en entier.

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    2. A la relecture, je suis épaté par l'histoire parallèle uniquement contée par les dialogues, mais encore une fois, par l'évolution de Ash Grey, qui m'avait un peu déboussolé à l'époque et qui me semble aujourd'hui plus naturelle tout en restant étonnante et plutôt originale je trouve (mais je trompe peut-être). Andreas avait déjà démonté une maison de cette manière dans un des premiers albums de Rork.

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    3. Je suis toujours aussi épaté par la volonté sans cesse renouvelée d'expérimenter à chaque album. Je trouve que les dialogues en bas de page fonctionnaient très bien pour cette double narration.

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  2. Déjà le tome 14 ; quelle belle progression !

    Encore une série de planches vraiment remarquables. Quel talent étonnant dans les compositions et la mise en page !

    "dans ces nombreux mystères" - J'espère qu'ils s'éclaircissent au fil des pages, sous peine de frustrer le lecteur.

    Y a-t-il là encore des cases ou des planches où tu aurais préféré la couleur au noir et blanc ?

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    1. Déjà le tome 14 : c'est un rythme que je me suis imposé, à la fois pour ne pas perdre le fil de l'intrigue, à la fois pour ne pas risquer de ressentir une lassitude à traîner dans cette série.

      Est-ce que les mystères s'éclaircissent ? La suite au prochaine épisode... A ce stade de ma lecture, j'ai une confiance totale dans le scénariste au vu de la rigueur de la construction de ses planches qui me semble témoigner d'une propension à penser des structures visuelles, et donc sûrement narratives aussi.

      Dans cet album, l'apport de la couleur est moins déterminant pour la compréhension que dans le tome 13 où les formes ne suffisaient pas à identifier au premier coup d’œil la porteuse du chaperon rouge par exemple. Pour autant, j'effectue pour chaque tome cette curieuse expérience de découvrir quelques planches en couleurs en cherchant l'iconographie de l'article, alors que j'ai lu la BD en noir & blanc. La tonalité de la narration s'en trouve changée, différente en termes de sensation. J'aurais préféré la couleur au noir & blanc parce que Andreas a conçu ses planches en couleurs.

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