Il vaut mieux convaincre que contraindre.
Ce tome fait suite à Carnets d'Orient T05 Le cimetière des princesses (1995) qu’il vaut mieux avoir lu avant pour comprendre l’histoire des carnets récupérés par Saïd, et ce qu’ils représentent. Ce tome a été publié pour la première fois en 2002, sans prépublication en magazine. Il a été réalisé par Jacques Ferrandez, pour le scénario, les dessins et les couleurs, comme tous les précédents. Il s’ouvre avec une citation d’Albert Camus (1913-1960) : Bientôt, l’Algérie ne sera peuplée que de meurtriers et de victimes. Bientôt, les morts seuls y seront innocents. Vient ensuite une introduction de trois pages, rédigée par Gilles Kennel, spécialiste du monde musulman professeur à l’université Paris Sciences et Lettres, et directeur de la chaire Moyen-Orient Méditerranée à l’École Normale Supérieure. Il évoque le choix du bédéaste de tout dire, en particulier les violences et les tortures, et le fait qu’il n’y a ici nul jugement sur le tort des uns ou des autres, mais simplement cette remarquable mise à plat que permet la bande dessinée. Puis se trouve un résumé en une colonne succincte présentant Marianne et les carnets d’Orient de Joseph Constant, rappelant que les cinq premiers tomes, regroupés sous le titre des carnets d’Orient recouvraient la période allant de 1830 à 1954. Ces tomes 6 à 10 forment un deuxième cycle titré Carnets d’Algérie et couvrant la période de 1954 à 1962. Ce tome a reçu le prix Maurice-Petitdidier en 2003, et le Prix France Info de la Bande dessinée d’actualité et de reportage 2003.
En pleine campagne algérienne, la voiture d’Adrien Marnier fait des tonneaux en quittant la route. Sauveur s’arrête à hauteur de l’accident et se précipite pour sortir Marianne de la voiture, puis Marnier. Saïd, un jeune garçon paysan, accourt sans être vu et il ramasse un des carnets de Joseph Constant qui est tombé hors de la voiture pendant les tonneaux. Il le conserve précieusement, alors que les trois blancs regagnent le véhicule de Sauveur. Il rejoint ses chèvres et repart dans la montagne. Il regarde le contenu des carnets, à la lueur de la bougie : il s’agit du journal du peintre, accompagné d’études à la peinture, et de croquis de nu. Il est appelé par son père pour revenir garder les chèvres. Sur le chemin, il croise Si Mahmoud, le garde-champêtre. Dans le massif de l’Ouarsenis en octobre 1954, Mahmoud aide Saïd à lire les carnets, pour apprendre le français.
À la fin de la journée, Mahmoud raccompagne Saïd au village : un homme est en train de commenter les écritures saintes. Le garde-champêtre essaye de convaincre le père de Saïd de le laisser aller à l’école française, gratuite. La discussion s’anime, entre le garde-champêtre prônant les bienfaits de la France, le père et le religieux rappelant les préceptes de la Foi, évoquant le fait que les Français ne seront pas toujours là. Le premier novembre 1954 à Tipasa, une demi-douzaine de jeunes adultes se détendent à la plage, loin de la ville. Parmi eux, Sauveur étudiant en médecine, Samia étudiante en médecine également, son cousin Ali, Marianne, et deux copains Roro et Mimi. Ils vont se baigner.
Le tome précédent date de 1995, et l’auteur a choisi de prendre du temps avant d’entamer son second cycle, se déroulant dans des années plus récentes, débutant avec l’année de création du Front de Libération Nationale (FLN). Le lecteur a bien conscience que l’enjeu de ce cycle est dans la continuité du premier cycle : mettre en scène l’Histoire du pays. Dès la scène d’ouverture, il note une première différence : le personnage est un jeune garçon algérien, enfant de paysans, pas un blanc ou un descendant de colons français. Par la suite, d’autres personnages d’origine maghrébine jouent un premier rôle, par différence avec le premier cycle où les personnages principaux étaient d’origine française de métropole, ou en descendaient directement. Il y a donc Saïd, entrant tout juste dans l’adolescence et gardien de chèvres, son père également éleveur, le garde-champêtre de la génération avant celle du père, le prêcheur, Samia algéroise étudiante en médecine et son cousin, Ali, Mourad qui va prendre le nom de Bouzid alors qu’il entre en tant que nouvelle recrue dans l’organisation du FLN, ainsi que des rôles secondaires également magrébins.
La seconde évolution réside dans le fait que le lecteur a plus conscience qu’une partie significative des interventions des personnages a pour objet et pour fonction d’exposer la situation politique et sociale, ainsi que les convictions des uns et des autres. C’est la raison d’être de cette série, le lecteur sait ce qu’il en est. Le présent tome commence en octobre 1954, et il se termine fin octobre 1956, soit une période assez courte. Pour autant les informations nécessaires à la compréhension de la situation représentent une quantité importante. La situation est complexe et la lecture reste très agréable, sans impression de faire face à des pavés d’exposition magistraux, ou des dialogues n’étant qu’un discours dogmatique. Cette sensation agréable de lecture provient de la narration visuelle qui est d’une qualité remarquable. Les premières pages se présentent sous la forme de cases rectangulaires sagement alignées en bande. La planche 2b est composée d’un facsimilé des pages du carnet que Said est en train de lire : des croquis, une peinture, les notes du journal de Joseph Constant, des factures.
La narration en bandes classiques reprend en planche trois. Les planches quatre et cinq sont en vis-à-vis avec le premier tiers supérieur occupé par une case sans bordure s’étalant sur les deux planches, un superbe paysage du massif de l’Ouarsenis. Avec les planches huit & neuf, le lecteur voit apparaître une structure de double page, réutilisée à sept reprises par la suite. L’artiste établit un paysage naturel ou urbain en toile de fond sur les deux pages en vis-à-vis, et apparent dans la partie centrale de la double page. Il appose des cases à gauche de la page de gauche, et à droite de la page de droite, pour une narration en case et en bande, ces dernières par forcément toutes de la même largeur. Ce dispositif fonctionne très bien pour présenter le lieu, en augmentant également l’intérêt visuel d’une séquence qui peut être essentiellement composée de dialogues.
Fort heureusement, les personnages ont conservé leur épaisseur de caractère, ne se résumant pas à une coquille vide pour porter un point de vue. Le lecteur voit le jeune garçon Saïd courir vers la voiture qui commence à être la proie des flammes : il peut observer son entrain sans retenue, sa curiosité, son plaisir d’avoir trouvé les carnets, un vrai trésor à ses yeux. Par la suite, il réapparait au cours d’une demi-douzaine de pages dans ce tome. Sa vie dépend entièrement d’événements arbitraires sur lesquels il n’a aucune prise, en particulier l’arrivée des militaires français dans son village et l’emprisonnement de son père considéré comme complice des attentats. Le lecteur regarde cet enfant, et les images lui font comprendre que les événements que vit le garçon s’impriment dans son esprit comme autant d’exemples de comportement des adultes, des exemples à suivre par mimétisme car c’est la normalité de son quotidien. Le garde-champêtre apparaît tout aussi vivant aux yeux du lecteur, très digne dans sa fonction, convaincu des bienfaits de l’apport de la colonisation pour un Algérien comme lui, anticipant le déchaînement de violence que génèrerait une rébellion. Le lecteur fait également connaissance avec Bouzid, ouvrier dans une usine propriété d’un pied-noir. Il le regarde et voit un homme qui a conscience des inégalités sociales qu’il subit, du décalage entre sa culture et celle qui lui est imposée. Ses postures et ses expressions montrent quelqu’un qui souhaite en découdre, qui souhaite pouvoir se battre contre cet ordre établi en s’en prenant aux individus qui l’incarnent. Les personnages principaux issus de la France présentent tout autant de personnalité par leur représentation dans les cases, par leurs gestes, par les expressions de leur visage.
Le lecteur est tout aussi aise que le personnage principal soit bien présent dans ces pages : l’Algérie. Tout commence dans le massif de l’Ouarsenis, avec un trait de crayon sec et fin pour détourer discrètement le relief, et des couleurs à l’aquarelle pour rendre compte de la couleur du sol, du vert des quelques arbres, de l’ambiance lumineuse. Puis, le lecteur s’intègre à un groupe mixte en train de jouer au foot, de pique-niquer, de se baigner dans une crique à Tipasa. L’artiste ne résiste pas à dessiner la poitrine nue de Samia, une jeune femme. Toutefois, il ne s’agit pas d’une titillation gratuite, mais plutôt du paradoxe entre la douceur de vivre de ce moment, et le poids de la tradition musulmane qui va revenir. Quelques pages plus loin, le lecteur découvre un aperçu en légère surélévation des toits de la casbah d’Alger, alors que le soleil finit de se coucher. Il marche un peu dans les rues de ce quartier d’Alger à la nuit tombée, puis dans les couloirs d’un hôpital très éclairé en pleine journée. Il voit Alger depuis la mer, telle que la découvrent les militaires revenant de mission. Il marche à côté des moudjahidines dans une zone désertique pour gagner un petit village de paysans. Il progresse à côté des soldats français dans une zone de basse montagne pour aller déloger des terroristes dans une grotte. L’amour ou au moins l’affection de l‘artiste pour ce pays transparaît dans ces représentations faisant ressortir la beauté de ces lieux.
D’un côté, la volonté d’un auteur de dire l’histoire d’un pays dans lequel il est né et a grandi, pour lequel il conserve une profonde affection. De l’autre côté, la difficulté de rendre compte de l’Histoire récente, et du combat d’un peuple luttant pour regagner sa liberté. En fin d’ouvrage se trouve une bibliographie recensant trente-cinq ouvrages lus par l’auteur. Albert Camus (1913-1960) fait une apparition le temps d’une page, pour une conférence donnée à Alger, ainsi que son éditeur Edmond Charlot (1915-2004). Dès les premières séquences, le lecteur constate que Jacques Ferrandez évoque les événements par le biais de plusieurs points de vue dans un récit choral dans lequel chaque personnage est unique et bien incarné. Il ne prétend pas réaliser une reconstitution exhaustive : il rend compte de la complexité de la situation, de l’unicité de chaque situation personnelle en mettant en scène des individus complexes. Il n’est pas possible d’attribuer un rôle de méchant au capitaine Octave Alban, parachutiste de retour de la guerre d’Indochine, ni à Bouzid, Algérien ayant fait la démarche de s’intégrer au Front de Libération Nationale, avec l’intention de tuer des Français pieds-noirs le plus vite possible. Ces deux hommes ont une histoire individuelle qui les a conduits à cette position. Le parachutiste a conscience qu’il va continuer à exercer le seul métier qu’il sait faire, les armes, et que le départ sans honneur d’Indochine pèse lourdement sur lui, comme une incitation à prouver la valeur de l’armée avec une vraie victoire en Algérie. Bouzid a pleinement conscience qu’il lutte pour se libérer du joug français, tout en acceptant d’autres contraintes, en particulier les actions meurtrières. Les atrocités commises par les deux forces en présence apparaissent tout autant barbares dans ce tome, que la torture soit pratiquée par l’armée française, ou les mutilations pratiquées par le FLN. Un devoir de mémoire de grande qualité, une anamnèse empathique et émouvante.
Quinze articles en novembre, dix-huit en décembre, et déjà huit en janvier ! Quel rythme impressionnant, je n'arrive plus à suivre !
RépondreSupprimer"Ce tome a reçu le prix Maurice-Petitdidier en 2003" - C'est un prix québécois, semble-t-il. C'est curieux, pour quelqu'un qui a donné son nom à un prix, Maurice Petitdidier n'a même pas sa page Wikipédia.
"Le présent tome commence en octobre 1954, et il se termine fin octobre 1956" - Il commence donc avec le déclenchement de l'insurrection armée par le FLN, si j'en crois Wikipédia :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Chronologie_de_la_guerre_d%27Alg%C3%A9rie
Concrètement, que se passe-t-il, dans le livre ? Quelle forme prend cette insurrection armée ? Attentats ? Assassinats ?
Pour tes articles, procèdes-tu à des recoupements avec des articles sur le sujet ?
"anamnèse" - Jamais vu ou lu avant aujourd'hui ; j'essaierai de le recaser à l'occasion, celui-là.
J'ai changé de travail et de lieu de travail au cours de l'année passée, ce qui a fortement diminué mon temps de lecture, mais sans réduire celui d'écriture. Du coup, j'ai décidé de basculer pendant une année au moins en 99,9% franco-belge. Du coup, j'écris moins d'articles, mais plus de franco-belge. Cela correspondait également à une envie, parce que je ressentais une forte frustration à accumuler des albums de BD sans les lire.
SupprimerQue se passe-t-il dans cette BD ? Jacques Ferrandez commence doucement, et s'attache à montrer ce qui se passe par les yeux de ses personnages. Du coup, ce n'est pas un exposé ou une analyse historique. Les événements de la guerre surviennent, sont évoqués dans les journaux ou par les personnages, mais ne sont pas exposés comme dans un cours d'Histoire.
Les recoupements : vu mes connaissances inexistantes, il serait trompeur de parler de recoupements. Je vais chercher des compléments d'informations, essentiellement au travers de différents articles wikipedia, à commencer par celui sur la guerre d'Algérie, mais aussi ceux consacrés à la biographie d'un personnage historique, comme les généraux cités.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_d%27Alg%C3%A9rie
Parmi les autres articles que j'ai consulté sur wikipedia pour ce tome, il y a ceux sur Albert Camus, Edmond Charlot, le Front de Libération Nationale, le massacre de Sétif, Ben Bella, Gamal Abdel Nasser, et quelques autres encore.
Que se passe-t-il ? Je peux te recopier les notes que j'ai prises en 2ème lecture : elles donnent une idée de ce que raconte Jacques Ferrandez, et il apparaît qu'il ne raconte pas les prises de décisions des organisations de libération ou du gouvernement français, ni le déroulement des conflits.
SupprimerLes notes en question :
L’accident de voiture de Adrien Marnier et Marianne
Saïd récupère les carnets d’Orient de Adrien Marnier
Si Mahmoud, garde champêtre
Octobre 1954
Massif de l’Ouarsenis
Si Mahmoud apprend à Saïd à lire le français. Tu veux faire des études, pour avoir un bon métier comme moi, c’est très important de bien savoir le français.
La situation de Samia, future médecin, soigner les arabes femmes et enfants, ou ne soigner personne
Sauveur, Marianne, Samia et Ali prennent un arabe traditionnel en stop.
La mère de Marianne annonce les premiers attentats à Marianne et Sauveur.
Casbah d’Alger fin novembre 1954
Abd el-Kader
Mekrani, Bou Mezrad
1945 : massacre de Sétif
À la casbah d’Alger : recrutement de Mourad
Le lendemain à l’usine : arrêter de fumer. Le patron offre les clopes, et désigne les égorgeurs.
Le patron brûle le visage de Mourad. Nouveau nom : Bouzellouf tête de mouton grillé)
À la fermeture de l’usine, Mourad tue Mokhtar.
Nez ou les oreilles coupés : ceux sont des musulmans qui font ça à des musulmans.
Mourad est exfiltré vers les insurgés : Mourad & Bouzid
Alger janvier 1955 : retour d’Indochine du capitaine Octave Alban & Baraka
Octave retrouve son papa, les deux savent très bien qui est le vrai père.
Retour de la défaite d’Indochine
Le père : moi, les arabes, je les connais bien, ils pourraient jamais se débrouiller sans nous.
Beignets de sardine
Marianne travaille dans une librairie : chez Charlot Edmond & Albert Camus
Octave Alban se prend une biographie d’Abd el-Kader // Abdelkader ibn Muhieddine (1808-1883)
Un convoi militaire passe à quelques mètres de résistants / terroristes.
Les moudjahidines doivent conquérir le cœur de la population
Deux combattants de la libération vont trouver le chef du village, une fois la nuit tombée.
10% à verser, et il faut tuer les chiens.
La guerre a commencé : sabotages et intimidation des populations // Réponse militaire et guerre armée
Le père de Saïd est capturé. -- > Saïd s’enfuit.
La torture : c’est la guerre.
Le garde-champêtre algérien égorgé.
Brûler des villages où il ne reste plus que des femmes et des enfants = en faisant la guerre comme ça, nous fabriquons plus de rebelles que nous n’en détruisons.
Marianne, son frère, Sauveur, Samia, Ali vont écouter Albert Camus.
L’embuscade, suivi par un siège et le tir au pigeon en sortant de la grotte
Octave obtient la responsabilité de Saïd
Bouzid est ramené à Alger par Ali, à la casbah sur le dos d’un soldat.
Bouzid est opéré à l’hôpital par un chirurgien.
Sauveur conseille à Samia de faire sortir Bouzid le plus rapidement possible.
Octave ramène un carnet à Marianne. Il lui annonce qu’il va partir en Égypte, pour combattre contre Nasser.
Ben Bella (1916-2012)
Gamal Abdel Nasser (1918-1970)
Octave ramène son écharpe à Samia dans la casbah. Elle accepte d’aller prendre un verre avec lui dans le bar des officiers. Mauvaise idée
Samia accepte de coucher avec Octave Alban.
En complément de ma prise de notes, il y a également les citations de la BD que je poste sur Babelio :
SupprimerLa douceur de vivre un jour de Toussaint à Tipasa et l’âpreté du maquis vont soudain basculer dans un univers où les uns pratiquent la torture, et les autres la mutilation dans un crescendo de l’horreur. Ferrandez a choisi de tout dire à travers les regards portés sur le drame par ceux qui y sont pris. Ainsi, la scène de l’embuscade – l’une des plus intenses et des plus terribles. Les jeunes appelés du contingent, d’un côté, discutent de la guerre, échangeant leurs points de vue comme on ferait au café. De l’autre côté, les maquisards se préparent à l’action. Quelques images plus loin, les uns auront été massacrés et dépouillés, les autres brûlés vifs et leurs cadavres exposés après qu’un commando de paras leur aura donné la chasse. Ill n’y a ici nul jugement sur les torts des uns et des autres, mais simplement cette remarquable mise à plat que permet la bande dessinée. – Gilles Kepel
Ce récit fait suite aux cinq Carnets d’Orient qui évoquaient la période coloniale en Algérie entre 1830 et 1954. Le cimetière des princesses, dernier album de la série, paru en 1995, se déroulait en 1954. Marianne, jeune algéroise, étudiante aux >Beaux-Arts, y suivait les traces du peintre Joseph Constant, héros du premier album, dont elle avait retrouvé les carnets. Elle découvrait en cette veille d’insurrection, l’Algérie parcourue 120 ans plus tôt par le peintre, à l’époque de Bugeaud et d’Abd el-Kader. On a vu ces carnets disparaître à la fin du périple dans l‘accident et l’incendie de la voiture. Mais rien n’est jamais tout à fait perdu. C’est une question de point de vue. Car, selon le romancier américain Jim Harrison : il n’y a pas de vérité, il n’y a que des histoires. – Jacques Ferrandez
Pour le moment, il y a juste un mot d’ordre à faire passer. On ne fume plus. On ne boit plus l’anisette. On ne joue plus aux jeux de hasard. Les Français ont corrompu notre peuple. Ils ont voulu nous greffer leur âme. Chez beaucoup, la greffe a pris. Il est temps de se libérer, et pour ça il faut se purifier. Tu vas faire passer le message auprès des frères sur ton lieu de travail. Et tu commences par l’appliquer à toi-même. Donne-moi ton paquet de cigarettes. À partir d’aujourd’hui, ceux qui seront pris à fumer, seront considérés comme des traîtres, des hommes sans honneur, en nif.
Nous rentrons tous les deux au pays, Baraka. Nous foulons à nouveau notre sol sur lequel nous allons continuer le seul métier que nous savons faire toi et moi : les armes.
Et moi, ce que je suis en train de comprendre, c’est qu’en faisant la guerre comme ça, nous fabriquons plus de rebelles que nous n’en détruisons.
Quels résultats avez-vous obtenus en torturant et en bombardant les civils ?! Nous en avons fait des martyrs et nous les dressons contre nous, au lieu de les rallier.
Si nous voulons nous maintenir ici, et si nous voulons ramener la paix, il vaut mieux convaincre que contraindre.
Samia, cette guerre était en train de m’abîmer le cœur et l‘esprit avant que je ne te rencontre. C’est parce que je suis né ici, comme toi, que je crois à l’entente avec les musulmans, parce que nous sommes condamnés à vivre ensemble. Ou à mourir. Ce pays mérite la paix et la justice. La pacification n’est pas la répression. Je le sais, moi, qui ai chanté le Chant des Partisans : Ami, quand tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place. Cette guerre fantôme est celle d’une armée contre un peuple. J’ai commencé à perdre l’estime de moi-même en Indochine, car j’ai vu des choses qui nient la dignité humaine et que ce type de guerre pousse les combattants des deux camps à commettre. Je vois la même chose arriver ici. Je pars pour l’Égypte avec des militaires à qui on a volé la victoire en Indochine et qui ont besoin d’une revanche. À Suez d’abord, en Algérie ensuite. J’ai gardé ton foulard. Il me protégera. Ton parfum m’accompagne. Un peu de ton courage aussi. J’en aurai besoin. Je t’aime. Octave.
Merci de ces explications concernant les notes.
SupprimerDe mon côté aussi, l'accumulation sans possibilité de lire engendre une frustration, aussi m'efforcé-je, depuis quelques mois déjà, de ne pas céder à la première couverture qui me fait les yeux doux.
Je n'ai pas ta force de caractère : je suis incapable de résister à une couverture qui me fait les yeux doux, circonstance encore aggravée s'il s'agit d'une intégrale.
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