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mardi 11 janvier 2022

Capricorne, tome 3 : Deliah

La politesse est la peau lisse de la pomme pourrie du patelinage.


Ce tome fait suite à Capricorne, tome 2 : Électricité (1997) qu'il faut avoir lu avant. Sa première parution date de 1998 et il compte 46 planches de bande dessinée. Il a été réalisé par Andreas Martens pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il a été réédité en noir & blanc dans Intégrale Capricorne - Tome 1 qui regroupe les tomes 1 à 5.


Deliah Darkthorn, une jeune femme, va consulter Ira Zeus, un médium. Celui-ci lui intime de ne pas toucher la boule de cristal car il s'agit d'un outil fragile, et il n'y voit rien quand il y a des traces de doigts. Il ajoute : la politesse est la peau lisse de la pomme pourrie du patelinage. Il consulte sa boule de cristal et il n'y voit rien. Deliah se moque de lui et sort. Une fois la jeune femme sortie, Zeux rétablit son contact avec sa boule de cristal et s'exclame : Ciel et enfer ! Deliah Darkthorn se rend ensuite chez Capricorne pour se faire tirer son horoscope. Ash Grey lui souhaite la bienvenue, et Astor la reprend : Capricorne ne tire pas d'horoscope, il établit un thème astral. Il demande également si elle a de quoi payer. Capricorne arrive sur ces entrefaites, en se plaignant des deux heures d'interrogatoires qu'il a subies pour accéder au Club '29. Deliah Darkthorn se présente, et il s'excuse car il a rencontré son père au Club '29. Elle lui fait observer que lui-même a l'air bien nanti en étant propriétaire d'un gratte-ciel en plein cœur de New York. Il déroule une explication vaseuse sur la manière dont il l'a acquis. Deliah Darkthorn explique ce qu'elle cherche à savoir : elle ne tient pas à suivre les projets de son père, genre mariage à un riche héritier ou la reprise des affaires familiales. Elle aimerait se trouver un pouvoir : faire bouger des objets à distance, lire la pensée des gens, voir à travers les murs, cette sorte de chose… Dans sa carte du ciel, Capricorne voit comme une zone d'ombre depuis sa naissance, comme s'il y avait un intrus dans l'ordre des planètes.



Déçue, Deliah Darkthorn prend congé et s'en va. En regardant par la fenêtre, Capricorne voit qu'elle est enlevée par deux individus qui la font monter dans une voiture. Il se dépêche de prendre la sienne et les poursuit, les rattrapant sans peine. Il estourbit le gros malabar qui conduit, et l'autre parvient à s'enfuir. Deliah est indemne. Lorsqu'il se met à interroger le conducteur, des pointes métalliques sortent de son corps, le tuant net, une sorte d'engin infernal implanté en lui. Capricorne ramène Deliah à son père, dans le bureau de ce dernier. Celui-ci est convaincu qu'on a voulu l'atteindre en maltraitant sa fille, et il demande à son interlocuteur de lui servir de garde du corps. De retour au 701 de la septième avenue, Deliah sort quelques ouvrages de la bibliothèque et se met à les compulser à même le sol, devant Astor outré de la manière négligée dont elle les traite. Il lui demande de les remettre à leur place, mais elle ne se souvient plus d'où elle les a pris. Il la flanque dehors.


Le lecteur revient pour ce troisième tome afin de retrouver la dynamique des deux premiers, le souffle de l'aventure teintée d'ésotérisme et baignant dans de nombreux mystères. Il fait connaissance avec un nouveau personnage : Deliah Blackthorn, fille d'un personnage qui apparaissait dans les tomes précédents, sans que cela ne soit dit explicitement. Il avait peut-être également croisé une version plus âgée de Deliah dans la série précédente de l'auteur Intégrale Rork T2.Comme les autres personnages, elle n'est pas très développée : une jeune femme bien faite de sa personne, plutôt de bonne humeur, et animée par une motivation unique, acquérir un pouvoir quel qu'il soit. Elle apporte une fraîcheur certaine à cet épisode, se rendant de spécialiste de l'occulte en expert en ésotérisme, avec des résultats peu concluants. Les trois personnages principaux sont bien présents : Capricorne, Ash Grey et Astor. Cette fois-ci, ce dernier apparaît dans plus de scène et joue essentiellement un rôle comique : psychorigide il ne supporte pas que ses livres soient maltraités (ce qui est illustré dans de jolies cases où il manipule précautionneusement ses ouvrages précieux), et il continue d'appeler son patron par le titre de Maître. Il fournit également un indice qui permet de retrouver Deliah. L'auteur s'amuse un peu à ses dépens : Astor déclare qu'il en a par-dessus la tête, ce à quoi Capricorne rétorque que cette occurrence doit être passablement fréquente au vu de sa taille. Ash Grey fait montre une nouvelle fois de ses talents de combattante aguerrie : ses agresseurs finissant en tas contre une voiture, et elle sait rappeler à Capricorne qu'il a promis un nouvel avion à sa troupe voltigeurs dans le tome précédent. Le lecteur remarque également qu'elle prend un vrai plaisir à accompagner Deliah chez les différents voyants et autres magiciens.



Enfin dans ce tome, le lecteur en découvre plus sur le personnage principal. L'auteur avait joué un sale tour à Capricorne dans le tome précédent et les conséquences commencent à se faire sentir. La première d'entre elles est qu'il ne se souvient plus de son vrai nom, la seconde donne lieu à une page muette (planche 16) au cours de laquelle Deliah est confronté à son pouvoir dans des dessins jouant sur un contraste brutal entre le noir et le blanc. À nouveau, le scénarise introduit de nouveaux personnages : Deliah Blackthorn, Ted Sharp, Manga (un choix de nom étrange) et Mordor Gott déjà apparu dans le tome 5 de la série Rorok, sans oublier les médiums. Andreas commence très fort avec Ira Zeus : homme âgé à la longue chevelure et à la longue barbe, avec des lunettes de soleil aux verres en forme de petit rectangle, très inquiet par la propreté de sa boule de cristal. Par la suite, Deliah Blackthorn va consulter Big Rhodes, Semie Ramis, Alexander Pharos, Diana Simetra, et enfin Invidia et Gizeh. Le premier est un gros poussah qui arbore un air d'autosatisfaction immuable : un grand moment quand la consultation ne se déroule pas comme prévu. La seconde est parée d'un kimono et d'une coiffure japonaise et entraîne Deliah dans une échoppe remplie de fleurs : une autre consultation catastrophique, mais très jolie. Le troisième est un sacré lascar dont les intentions libidineuses sont évidentes dès le départ, et dont la déconfiture est hilarante. La suivante est une jolie femme très préoccupée par les apparences et le coût des choses, proposant une méthode à base de sacrifice animal, très inattendue. Les derniers officient dans les égouts, chacun des deux essayant de tirer la couverture à lui en s'octroyant les fonctions les plus valorisantes dans leur rituel. Le lecteur sourit à chacune de ces consultations, à la fois pour la méthode déployée par chaque médium, à la fois pour leur déconfiture. Andreas sait manier un humour mêlant comique de situation et moquerie gentille.


Comme dans les deux premiers tomes, les mystères sont légion : les différentes factions qui en ont après Deliah Blackthorn, l'engin infernal avec des pointes métalliques qui provoque la mort des nervis, les activités réelles du père de Deliah, l'allégeance de Tom Sharp, le client pour lequel le mercenaire Manga effectue une mission, la réalité de l'apparition d'un dragon, la mention d'une nouvelle organisation secrète Le Concept qui semble devoir prendre la place de Le Dispositif. Mais les deux plus gros mystères concernent directement Capricorne. Pour commencer, il y a l'apparition de ce pouvoir qu'il ne semble pas être à même de contrôler, ni même de manifester. Ensuite, un jeune homme remet un prospectus à Deliah au domicile de Capricorne et dessus figure un motif qui reprend celui d'une des cartes du destin tirées par les moires dans le tome 1, et qu'elles avaient commenté par : Méfie-toi des trois ! Ainsi le lecteur sait déjà que quelle que soit l'issu du présent tome, il reviendra pour le suivant, totalement accroché par ces mystères.



Au milieu de tous ces éléments, l'intrigue reste très facile à suivre et intéressante pour elle-même. Cette fois-ci, ce tome ne compte que 4 pages muettes, par comparaison avec les 10 du tome précédent : une course-poursuite en voiture dans les artères de New York, Deliah découvrant la manifestation du pouvoir de Capricorne, deux pages de combat contre le dragon, chacune lisible sans aucune difficulté. Dans ce tome, l'artiste joue moins avec le découpage des planches que dans les 2 premiers, tout en restant un maitre de l'utilisation des cases verticales de la hauteur de la planche. En revanche, il réalise une narration visuelle dense, à la fois pour le niveau de détails, à la fois pour le nombre de cases par page, généralement entre 10 et 15. Le lecteur apprécie cette aventure haute en couleurs, dont ce tome s'appréhende mieux comme étant un chapitre d'une histoire de plus grande ampleur, ce qui explique et justifie certaines séquences qui ne trouvent pas de résolution dans le présent album.


Troisième tome des aventures de Capricorne avec les mêmes caractéristiques, en particulier une intrigue qui prime sur tout, et des pages soignés et denses, avec des visuels régulièrement spectaculaires. Pour ce tome-ci, le lecteur constate que l'artiste n'a pas souhaité déployer des compositions de page innovante comme il l'a fait précédemment, et qu'il a choisi un ton plus léger avec un humour apporté par l'entrain communicatif de Deliah.



4 commentaires:

  1. "Il a été réédité en noir & blanc" : As-tu lu la version en noir et blanc ? L'as-tu comparée à la version en couleurs ? Laquelle as-tu préférée ?

    "Deliah Darkthorn" : On retrouve le même goût pour les allitérations que chez Marvel. Peter Parker, Matt Murdock, Bruce Banner, etc.

    "le lecteur constate que l'artiste n'a pas souhaité déployer des compositions de page innovante" : En effet, je me suis fait la remarque en examinant les planches avant même de lire ton article. Je me demande ce qui a pu pousser l'artiste à produire des quadrillages innovants dans un album et pas dans le suivant. Le manque de temps ?

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    1. Je l'ai lu en noir & blanc, dans le 1er tome de l'intégrale, et je regrette qu'elle ne soit pas en couleurs. J'ai vu quelques planches en couleurs, et ces dernières améliorent la lisibilité des planches.

      Deliah Darkthorn : je n'ai même pas relevé l'allitération, alors que je viens de le faire dans Boy Maximortal de Rick Veitch avec Eva Evans, la copine du héros. Je devais avoir la tête ailleurs.

      Pas de composition de page innovante : j'ai peut-être été un peu sévère dans ma formulation car la planche en 4*4 et celle avec la course-poursuite bénéficient d'une composition très travaillée. D'un autre côté, je me dis qu'Andreas n'avait peut-être pas envie que cette recherche de structure de pages devienne un artifice pour lui-même.

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  2. Je viens de relire ce tome 3, en fait, Rork apparaît en fin de tome : il s'agit de la même scène, refaite du point de vue de Capricorne et de Astor, que celle apparaissant dans le premier tome de Rork, Fragments.

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    1. Merci pour cette indication de même scène, réalisée avec deux points de vue différents, ça répond à une question que je m'étais posée. Andreas reprend ce principe une autre fois au cours de la série Capricorne si je me souviens bien.

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