Ma liste de blogs

dimanche 16 août 2020

Caroline Baldwin T17: Narco tango

 Et qu'appelez-vous des dossiers sensibles ? Compromettants pour votre société ?


 Ce tome fait suite à Caroline Baldwin, Tome 16 : La conjuration de bohème (2012) qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant. La première édition date de 2017. Il a été réalisé par André Taymans pour le scénario, les dessins et l'encrage. La mise en couleurs a été réalisée par Bruno Wesel. Cette aventure comprend 46 planches.

Au temps présent, Caroline Baldwin se promène dans les allées du parc Lafontaine à Montréal Elle s'assoit sur un banc, pose son sac à ses côtés. Elle en sort une paire de chaussures avec talon, et elle enlève les tennis plats qu'elle avait au pied, pour chausser les autres. Un homme s'approche d'elle et lui tend la main : ils dansent le tango dans l'allée, alors que les papillons volettent autour d'eux. Un mois plutôt, Caroline Baldwin se trouve dans une grande salle de réunion de Wilson Investigations, avec son patron et un dénommé Hubert qui représente l'entreprise Pharmaplano. Il explique la situation de de son entreprise, une des 10 plus importantes au niveau mondial dans le secteur du médicament. Un de leurs chercheurs, Juan Zalamea, n'a plus donné signe de vie depuis plus de quinze jours. L'entreprise le soupçonne d'être passé à la concurrence, en emportant avec lui les résultats de recherches expérimentales sur un nouveau principe actif. Hubert souhaite confier l'affaire à une société de détectives privés, plutôt qu'à la police pour ne pas alerter les actionnaires. Le parton de Wilson Investigations remet le dossier personnel de Juan Zalamea à Caroline Baldwin, ainsi qu'un double des clés de son appartement de fonction sur le plateau Mont-Royal.

Caroline Baldwin se rend à l'appartement de fonction. En poussant la porte, elle entend un bruit. Elle monte à l'étage avec précaution, son pistolet à la main. Elle découvre que c'est un chat qui a fait le bruit. Une fenêtre a été cassée : des personnes sont entrées par effraction et ont fouillé l'appartement avant elle. Elle décide de placer deux capteurs espions dans l'appartement au cas où quelqu'un déciderait de revenir. Le lendemain, elle se rend dans les locaux de Pharmaplano pour discuter avec les employés. Elle engage la conversation avec Susan, une laborantine qui a travaillé avec Juan Zalamea. Celle-ci ne sait rien de particulier, et leur conversation est interrompue par l'arrivée d'Hubert. Caroline Baldwin a juste le temps de poser une dernière question concernant les cours de tango de Juan Zalamea : Susan confirme qu'il en prenait toutes les semaines et qu'il s'entraînait tous les midis dans les allées du parc Lafontaine.


Au début des années 2010, André Taymans travaille sur d'autres projets que la série Caroline Baldwin : la participation à un clip pour le groupe Feel The Noizz (avec l'actrice Cendrine Ketels), un projet d'adaptation en film d'une histoire originale de Caroline Baldwin (avec l'actrice Caroline Weyers). Il décide également de quitter l'éditeur Casterman pour lequel la série n'est plus une priorité, et lui faut du temps pour récupérer les droits sur les 16 premiers albums, ce qui explique le délai de 5 ans entre le tome 16 et le tome 17, ainsi que le changement d'éditeur. Ce n'est pas un recommencement pour Caroline Baldwin, mais c'est un peu un nouveau départ. Le lecteur retrouve plusieurs éléments récurrents de la série. L'histoire se passe au Canada, à Montréal. Caroline Baldwin a toujours son caractère : elle ne se laisse pas intimider par Hubert. Elle ne s'en laisse pas conter par le joli inspecteur Victor Aznar. Elle porte à nouveau sa petite robe noire le temps d'une soirée. Elle retravaille pour Wilson Investigations. En revanche, ni l'inspecteur Phillips, ni l'agent Gary Scott ne sont de la partie, et il n'est pas question de sa séropositivité. Le lecteur retrouve également la fibre touristique de la série, toujours à Montréal. Il peut s'asseoir avec Caroline Baldwin sur un banc du parc Lafontaine, l'accompagner sur un trottoir avec des façades typiques de maison à deux étages avec l'escalier extérieur menant à l'appartement du premier étage, s'asseoir dans un restaurant spacieux, prendre un chocolat chaud dans le café Martin, monter à l'escalier de secours extérieur d'un immeuble en briques. Il ne s'agit donc pas d'un album dans lequel Caroline Baldwin part en randonnée dans la nature, mais d'un album urbain.

André Taymans a choisi de commencer son histoire en fait un mois après le début de l'intrigue proprement dit, la planche 1 se déroulant dans le parc Lafontaine, pour retourner un mois dans le passé dès la planche 2 et aboutir au temps présente de la planche 1 en atteignant la planche 22. C'est un moyen pour faire ressortir l'ambiance ensoleillée agréable du parc et l'entraînement inattendu au tango. Néanmoins cette scène aurait été tout aussi remarquable sans ce préambule. Le scénariste a construit son récit sur la dynamique d'une enquête policière : un homme a disparu et il faut le retrouver. Comme dans les autres tomes de la série, la progression de l'intrigue se fait un mode naturaliste, sans cascade incroyable, ou affrontement physique faisant appel à des combattants experts en arts martiaux. Caroline Baldwin se rend sur les lieux : l'appartement de Juan Zalamea, les locaux de Pharmaplano, ceux de son concurrent, et bien sûr au cours de tango fréquenté par le disparu. Elle parle avec les personnes intéressées : employeur, collègue de travail, et l'inspecteur Victor Aznar. Il n'y a que pour ce dernier que leur rencontre semble un peu téléphonée, une grosse ficelle, mais en fait cette coïncidence n'en est pas une et est expliquée par la suite. L'artiste a conservé une direction d'acteur de type naturaliste. Les personnages ont des morphologies normales, adoptent des postures d'adultes, et des expressions de visage mesurées comme il sied à des adultes. Du coup ça donne plus de conviction aux deux coups portés par Caroline (un coup de pied et un coup de poing) par comparaison. Bien sûr, Caroline Baldwin est toujours aussi élégante et séduisante dans sa petite robe noire.

Le lecteur se laisse donc emmener dans un parc, dans une très grande salle de réunion, content de retrouver une héroïne à laquelle il s'est attaché au fil des albums. Il regrette un peu l'absence des éléments plus personnels de la série, comme sa relation avec Gary Scott, ou la propension de Caroline à broyer du noir et à picoler un peu trop. Sa personnalité ne passe plus que dans la manière dont elle mène ses conversations, ce qui la rend un peu moins particulière. Finalement le lecteur la reconnaît plus dans son gabarit menu, et sa façon de s'habiller que dans ses actes ou ses paroles. Néanmoins, ce n'en est pas au point où elle pourrait être interchangeable avec n'importe qu'elle autre héroïne de polar. Le lecteur se rend vite compte que l'intrigue prime sur les autres dimensions du récit. Il en est un peu surpris car il se souvient qu'une des raisons de la mésentente d'André Taymans avec son précédent responsable éditorial était qu'il avait dû diminuer le degré contemplatif de sa série. Or cette histoire n'a pas grand-chose de contemplatif, les spécificités du tango n'étant pas du tout abordées, seule son origine argentine étant évoquée pour justifier que Juan Zalamea s'y adonne.

Le récit se focalise donc sur la recherche du disparu et le motif de sa disparition. Juan Zalamea est bien retrouvé par Caroline Baldwin, mais de manière presque fortuite, ce qui diminue d'autant l'impact de ce passage et son intérêt. Les motifs de sa disparition sont révélés au cours d'une discussion menée par Caroline Baldwin, générant une forme de satisfaction chez le lecteur de voir le travail de son héroïne ainsi récompensé. L'explication prend le lecteur au dépourvu, André Taymans recourant à un motif appartenant à un autre genre que celui habituel dans la série. D'un côté, l'origine de la drogue n'est pas si impossible que ça, mais de l'autre cela tire un peu le récit vers l'anticipation. Alors que l'ensemble du récit s'inscrit dans un réel très concret et plausible, la culture en sous-sol donne l'impression d'une représentation un peu naïve, à la fois dans l'installation, à la fois dans le faible nombre de personnes impliquées pour une opération d'une telle ampleur. Le lecteur en vient à se demander s'il n'est pas passé dans une autre série, si cette histoire correspond bien aux caractéristiques habituelles de la série Caroline Baldwin. Il sait peut-être que cette histoire était à la base un des deux scénarios écrits par André Taymans et proposés pour en faire un film. Il se demande si cette sensation de décalage par rapport aux albums précédents provient des 5 ans de pause de la série, de l'origine du scénario conçu pour un autre média, ou encore d'une évolution naturelle des goûts et des envies de l'auteur.

Impossible de résister à l'attrait du retour de Caroline Badlwin après 5 ans d'absence. Le lecteur mesure l'attachement qu'il a développé pour ce personnage, et pour les caractéristiques de la narration de son auteur. Il retrouve la fluidité de la narration visuelle, le naturel des personnages, l'attention portée aux décors détaillés et réalistes. Il est possible qu'il ne retrouve pas les autres sensations qu'il a associées avec la série au fil du temps : le caractère pas facile de Caroline Baldwin, sa forme de mélancolie, les moments plus contemplatifs.


2 commentaires:

  1. "Il se demande si cette sensation de décalage par rapport aux albums précédents provient des 5 ans de pause de la série, de l'origine du scénario conçu pour un autre média, ou encore d'une évolution naturelle des goûts et des envies de l'auteur." "Il est possible qu'il ne retrouve pas les autres sensations qu'il a associées avec la série au fil du temps : le caractère pas facile de Caroline Baldwin, sa forme de mélancolie, les moments plus contemplatifs." J'ai l'impression que cette lecture t'a légèrement déçu, mais que tu ne souhaites pas émettre d'avis tranché. On dirait que Taymans a fait évoluer sa série, soit de façon naturelle comme tu l'expliques, mais peut-être aussi un peu malgré lui, à la suite de ses déboires chez Casterman ? 

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, la lecture de ce tome m'a même franchement déçu. Ce n'est pas tant que je ne souhaite pas émettre d'avis, c'est aussi que je pense au temps que l'auteur a consacré pour réaliser ces pages, à la qualité réelle de la narration visuelle, au fait que ces mêmes caractéristiques qui font que je n'ai pas aimé, pourraient faire que d'autres lecteurs que moi aimeraient.

      Taymans fait évoluer sa série de façon naturelle ou malgré lui. - Oui, je pense qu'il y a de ça, et que du coup il s'éloigne de ce qui à mes yeux faisait l'originalité (et donc l'attrait pour mi) de sa série. En lisant ton commentaire, je me dis aussi que j'ai lu ces 17 tomes en 2 ans alors que leur publication s'est étalée sur 20 ans. Cela crée un décalage dans mon appréciation.

      Supprimer