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jeudi 15 août 2024

Meutes : Lune Rouge T02

Car c’est ce qu’il y a encore de plus simple : combattre, résister.


Ce tome est la deuxième partie du diptyque formé avec Meutes - Tome 01: Lune Rouge (2015). Sa publication originelle date de 2016. Il a été réalisé par Jean Dufaux pour le scénario, et par Olivier Boiscommun pour les dessins et les couleurs. Il comprend cinquante-deux pages de bande dessinée. Précédemment, le scénariste avait réalisé une série consacrée aux vampires : Rapaces (1998-2006, quatre tomes) avec Enrico Marini.


Paris en pleine journée, sous une lumière jaunâtre, Oblast marche avec Oscar à ses côtés. Il lui explique la situation : La ville appartient au jeune garçon, mais ils ne le savent pas. Ils se croient libres, ils sont fiers de leurs jugements, de leurs envolées lyriques, de leurs apartés. Vieille civilisation noble et guerrière, peuple qui s’oublie mais sauvé, à chaque fois, par ses grands hommes. Mais où sont les grands hommes d’antan ? Les membres de la meute les ont-ils dévorés, anéantis ? La meute s’est-elle trompée dans ses choix ? Il y eut un temps où leurs chasses ravageaient le continent. Ce fut sans doute une erreur… Les hommes vivent d’illusions. Ils se croient libres et égaux, débarrassés de l’ancien régime et de ses injustices. Ils prônent la fraternité mais se déchirent encore et toujours pour accéder au pouvoir, ses mirages et ses ritournelles. Il suffit de regarder le joli manège des hommes au sommet de l’état. Oblast éprouve à leur égard une certaine pitié, car il les devine tellement fragiles, tellement inquiets. Il continue : Il y a un temps qu’Oscar n’a pas connu. Cette grande peur des manants quand passaient leurs carrosses. Ils reculaient dans l’ombre alors qu’ils leur lançaient des piécettes. Cette peur cimentait les races. L’homme continue ses explications : il faut qu’Oscar comprenne quelle place les manants occupent à leurs côtés. Leur caste et celle des manants sont les deux bouts de la tenaille qui déchirent leurs proies.



Leurs déambulations les ont menés devant un fleuriste : Marie tend un bouquet à Oblast qui la remercie et s’excuse car il a subi quelques désagréments qui l’ont distrait de ses occupations quotidiennes. Firast, un sans-abri qui se tient derrière la fleuriste, s’enquiert de ces soucis. Le seigneur le rassure : il y a mis bon ordre, enfin il l’espère. Il change de sujet car il va avoir besoin de ses services : la fête de Loup Blanc, le XVIe, se prépare pour la fin de ce mois. Ils termineront par des aumônes données aux gens de Firast, dans les jardins attenant à la chapelle. Il fera nuit, ils ne devraient pas être dérangés. Il demande à Firast de veiller à écarter les quelques curieux qui s’attardent toujours dans ces moments-là. Marie toise Oscar, sachant que c’est lui qui sera fêté. Oblast confirme qu’ils ont de la chance, car ce jeune homme apportera un sang neuf à la confrérie. C’est pourquoi cette fête ne sera pas comme les autres : elle inaugure des temps nouveaux qu’il devine glorieux. Aussi, il a décidé d’avancer la grande chasse qui doit suivre. Il charge Firast de trouver un gibier de premier choix. La traque durera deux nuits, ce qui est exceptionnel.


En entamant ce second tome, le lecteur est prêt : Oblast va céder la place à son successeur, le jeune Oscar, et Otis va voir ses capacités révélées. Oui et non : tout commence avec cette déambulation au cours de laquelle le responsable de la confrérie évoque son importance à son jeune successeur qui ne dispose ni de l’expérience, ni de la culture nécessaire pour tout saisir. Le lecteur ressent que le scénariste a imaginé un monde de grande ampleur, largement plus étoffé que la présente histoire. En vrac : l’historique de la relation entre cette confrérie dominante et les laissés pour compte de la société, la rivalité entre deux branches différentes au sein de la meute (Lune rouge & Lune blanche), les trois lois de la meute (rejeter toute forme de trans-errance, ne jamais faire couler le sang de l’un des frères, imposer l’hostie rouge qui est l’emblème de la meute), et puis d’autres questions comme la source de leur richesse, les autres rituels, la nature profonde de la mère de Régis (entre remarques premier degré, et sous-entendus potentiels). Au vu de ce champ des possibles, le lecteur reste sur sa faim à la dernière page, l’inspectrice Pelegrini n’ayant pas eu l’occasion de coincer le commissaire Lodermann comme elle projette de le faire avec Cerdan en page cinquante-trois, la question de la succession restant entière entre la Lune rouge et la Lune blanche, sans même prendre en compte ce qu’implique ce que Daïki Ephrat a fait à Oscar.



Avec cette déambulation inaugurale, le lecteur retrouve ce qui fait la personnalité de la narration graphique de cette série. Il est frappé par l’ambiance lumineuse si particulière : entre jaune et vert, laissant flotter une incertitude quant au moment de la journée, nimbant tout d’un voile d’irréalité. Le lecteur en vient à se demander s’il s’agit d’une forme de vue subjective, comme si la perception de l’environnement était altérée par des capacités surnaturelles… de nature féline par exemple. L’artiste continue de mêler des détourages avec un trait très fin à l’encre, et la technique de la couleur directe pour représenter des éléments visuels. La première page comprend deux cases de la largeur de la page, la première consacrée à une vue en élévation d’une bonne partie de Paris. La mise en couleurs rend compte des toits parisiens des arbres, d’une zone sous les nuages, avec une précision qui n’a d’égale que la justesse de l’impression donnée. Ainsi le lecteur prend le temps d’admirer les fleurs en particulier les roses rouges de Marie, la rue parisienne visible à travers la vitrine du café où Otis et sa mère prennent un café, les taches de lumière vive créées par l’éclairage de la salle de boxe, les murs de pierre éclairés par la lumière de l’âtre dans la chambre du Daïki Ephrat, le sang coulant le long des jambes de Régis sous la douche, la fontaine des Innocents, l’aménagement du parc du Daïki Ephrat, la vision nocturne des artères illuminées de Paris, les rues de Paris sous une couleur carmine, et bien sûr les différents éclairages de la Lune dans le ciel.


Alors que les dialogues peuvent être assez denses, le dessinateur conçoit des prises de vue qui évitent les successions de champ et contrechamp, pour montrer ce que font les personnages, leurs déplacements ou leurs activités. De même, il investit le temps nécessaire pour représenter les arrière-plans dans toutes les cases, ce qui enrichit la sensation d’immersion lors de la lecture. Le lecteur apprécie de pouvoir ainsi se projeter dans des endroits consistants, bien décrits, de nature diverse : de grandes avenues parisiennes, avec un passage par l’Hôtel de Matignon où il est possible de reconnaître le Président et le Premier Ministre, la place de la Madeleine avec ses fleuristes, le restaurant chic dans lequel se trouvent Otis et sa mère, le jardin des Tuileries, la chambre du Daïki Ephrat, la très grande chapelle dans laquelle se déroule la cérémonie, avec la crypte dans laquelle Oscar est enchaîné, etc. Le lecteur se rend compte que le dessinateur joue un peu avec le registre de représentation des personnages : très réaliste, avec parfois l’accent mis sur l’éclairage pour rendre un visage plus romanesque, ou glissant vers une convention de genre, par exemple l’allure très théâtrale du comte Danielli, aristocrate de la vieille Europe.



Avec ces caractéristiques graphiques, la narration visuelle fait bien comprendre au lecteur que les familles de la confrérie considèrent le monde avec un point de vue d’individus à part de la société civile des simples êtres humains, une position privilégiée et dominante, qu’ils évoluent dans un monde en décalage avec celui du commun des mortels. Tout en entremêlant plusieurs fils narratifs, le scénariste mène à bien le fil narratif principal, intégrant l’explication de la notion de Lune rouge qui donne son nom à ce diptyque. Otis Keller ressent les forces qui sont à l’œuvre en elle, sans pouvoir les contrôler, sans pouvoir les identifier. Elle reçoit en héritage des capacités héritées de son milieu familial, en totale contradiction avec la tradition familiale, ce qui ne fait pas sens pour elle. Le lecteur peut y voir une métaphore des transformations de l’adolescence, ainsi qu’une forme de dissonance cognitive puisqu’elle doit encore remettre en question les évidences et certitudes assénées par sa mère, et se constater qu’elles sont erronées.


En parallèle, son petit frère Oscar n’a d’autre possibilité que d’accepter de participer à la cérémonie au cours de laquelle il doit prendre la place d’Oblast, sans pouvoir concevoir ce que cela signifie, un rite initiatique qui le fera passer de l’enfance à l’adolescence. Dans le même temps, le scénariste dévoile ce que représente le Daïki Ephrat dans une scène explicative consistante. Son fils également voit sa voie déterminée par celle de son père, par l’histoire de celui-ci. Tout naturellement, le lecteur compare ce qui arrive à chacun de ces trois jeunes gens, les points communs, et les différences. Il reste encore six pages dans lesquelles l’inspectrice Pelegrini peut mener l’enquête sur les circonstances de la mort de l’inspecteur Azedian : une autre intrigue secondaire qui ne connaît pas sa conclusion dans ce tome. Le lecteur remarque encore que le scénariste insère quelques références culturelles à des œuvres qui lui sont chères et dont il s’est probablement inspiré à des degrés divers : un personnage s’appelant Cerdan et pratiquant la boxe (une référence à Marcel Cerdan, 1916-1949), les différentes incarnations de l’inspecteur Maigret à l’écran (Jean Gabin, Bruno Kremer, ou encore Jean-Paul Belmondo dans L’aîné des Ferchaux, 1963, de Jean-Pierre Melville).


Un deuxième tome dense et prometteur, une intrigue principale riche et bien menée, mais pas tout à fait conclue. La narration visuelle semble teintée de la vison subjective des personnages de la confrérie, avec une ambiance lumineuse très particulière et fascinante, des environnements très palpables, et des plans de prise de vue très vivants. Le lecteur en ressort à la fois ravi par le contexte de cette série, à la fois un peu marri qu’il ne semble pas qu’un deuxième cycle voit le jour.



jeudi 1 août 2024

Meutes : Lune Rouge T01

L’horreur, c’est le chaos. Et ça ne se définit pas le chaos…


Ce tome est le premier d’un diptyque ; la seconde moitié étant Meutes : Lune Rouge 2/2 (2016). Sa première édition date de 2015. Il a été réalisé par Jean Dufaux pour le scénario, et par Olivier Boiscommun pour les dessins et les couleurs. Il comprend cinquante-deux pages de bande dessinée. Précédemment, le scénariste avait réalisé une série consacrée aux vampires : Rapaces (1998-2003, quatre tomes) avec Enrico Marini.


Paris, le cabinet d’un dentiste dans un immeuble haussmannien bourgeois, il constate que les canines d’Otis Keller sont des puissantes, bien développées, de véritables outils, comme les autres membres de sa famille. Il dirait presque qu’il s’agit de dents de vampire, intéressant pour un dentiste. L’adolescente s’inquiète de savoir si ça la rend laide ; il répond qu’elle n’en est pas encore à mordre le cou de ses soupirants, et puis rien ne pourra la rendre laide. Elle sera comme sa mère : une beauté que le temps n’atteint pas, une beauté qui ne craint pas les rides. En revanche, il faudra qu’elle fasse vérifier ces tiraillements qu’elle sent dans sa mâchoire, et qu’elle prévienne son médecin de famille si cela s’aggrave. Elle répond qu’elle déteste le docteur Grandjean. Mais ce qu’elle ne dit pas, c’est qu’elle déteste tous les amis de son père, surtout ceux avec qui il partage ses chasses, ces maudites chasses qui l’éloignent régulièrement pendant quelques jours. En quoi son instinct ne la trompe pas, elle devine les zones d’ombre qui entourent son père. Des ombres qui s’approchent parfois dangereusement. Dans un restaurant, le garagiste Van Esse vient trouver M. Keller et lui indique que c’est cent mille euros pas moins, une somme qui ne devrait pas lui poser de problèmes. Le garagiste s’en va, ses affaires ne sont guère brillantes mais il se dit que la chance lui sourit. Enfin. En quoi il se trompe lourdement.



Orson Keller prend son portable et appelle Oblast, pour lui dire qu’il va avoir besoin de ses services. Après que son interlocuteur l’a rassuré sur sa protection, Keller lui expose la situation : le propriétaire du garage a trouvé de petites traces de sang dans le coffre de la voiture. Oblast se souvient : mauvaise chasse, manque de chance. Keller continue : ce n’était pas grand-chose, mais en fouillant le coffre leur homme est tombé sur un bout de papier, une facture, avec un nom dessus, celui de Becker. Cela a pour effet d’alarmer Oblast qui demande l’adresse de Van Esse. Le soir-même, dans une banlieue, le garagiste arrive à son pavillon : il entend l’aboiement des chiens, qui se mue en cri de souffrance, avant de s’éteindre. Il ouvre la porte de son garage et il découvre leurs cadavres ensanglantés. Le lendemain, Oblast appelle Keller pour lui conformer que son problème est réglé. Il lui demande également comment se porte son épouse, ainsi que leur fils Oscar, car le temps de son initiation approche. Dans l’après-midi, Mme Keller emmène son fils Oscar et sa fille Otis voir un film de loup garou, avec Régis un copain d’Otis. Cette dernière indique à sa mère qu’elle prendra une rangée vers le fond avec Régis.


Pas de mystère dans la réalité des événements : le mot Meute du titre évoque une troupe de chiens ou de personnes acharnées, la Lune rouge en fond atteste de son pouvoir, un doute passe furtivement avec la remarque du médecin sur les canines de vampire, puis il est évacué par le film sur les loups garous. Les auteurs ne font donc pas mystère de ce qui se trame réellement dans la famille Keller, et de quel genre de meute est responsable Oblast. Cela neutralise de fait tout effet de surprise, ou de révélation. De la même manière, le fait que la première séquence soit consacrée à Otis, la fille de la famille, indique d’entrée de jeu que la passation traditionnelle d’un père à son fils va capoter et qu’Otis va faire exception, ou que ça se finira mal pour elle. Les auteurs prennent le risque de situer leur récit à l’époque contemporaine, avec téléphones portables, dans un milieu urbain, ce qui rend plus difficile la discrétion pour ces créatures surnaturelles qui doivent observer le plus grand secret. La narration visuelle sort des clichés habituels dans les bandes dessinées d’horreur avec des couleurs pastel, des traits de contour discrets et fins, conservant la sensation que la majeure partie des dessins sont en couleur directe. Lorsqu’ils apparaissent pour la première fois, le lecteur constate que les loups garous présentent une apparence plutôt élancée, plus humaine que bestiale, avec quand même de grandes griffes, et bien sûr de grandes canines.



Le charme de cette bande dessinée opère d’abord visuellement : cette belle avenue, avec ce bel immeuble haussmannien, une lumière un peu terne dans ce paysage d’automne comme en attestent les feuilles qui virevoltent au vent. La lumière jaune discrètement teintée de vert crée une atmosphère vaguement irréelle dans le cabinet du dentiste. Deux pages plus loin, le lecteur admire également la façade de l’immeuble depuis lequel Oblast répond à l’appel de M. Keller. La salle obscure du cinéma ne l’est pas tant que ça, mais les images fluctuantes sur l’écran apportent une touche fantastique aux spectateurs dans leurs fauteuils. Ainsi de séquence en séquence, le lecteur prend le temps de regarder les immeubles et les maisons, les extérieurs et les intérieurs en laissant l’ambiance lumineuse agir sur son état d’esprit. Le lycée d’Otis et Line dans une lumière aux reflets jaune et vert, le roux des feuilles d’automne qui fait ressortir le pelage blanc du chien-loup qui suit Otis Keller dans la rue, le vert des pelouses du jardin du Luxembourg en harmonie avec le roux de l’automne, la forme étrange des nuages dans le ciel pour laisser la Lune briller, le bleu givré d’une vitrine mettant en scène le petit chaperon rouge et le loup, les teintes impitoyables de bleu, rouge et gris lors de la chasse dans les bois, le bleu de minuit dans les étages en sous-sol du parking sous le garage de Van Essel.


Dans chacun de ces environnements solidement représentés, les personnages s’écartent également des représentations conventionnelles des récits d’horreur. Otis Keller dispose d’une morphologie normale, sans exagération de ses rondeurs, avec des expressions de visage de son âge, une certaine assurance dans ses gestes et ses postures, en cohérence avec sa façon de prendre l’initiative dans ses relations avec Régis, style grand romantique timide, pas très dégourdi comme le dit Line, la copine d’Otis. Oscar, le petit frère, apparaît comme un jeune garçon blond, un peu fade, ce qui renforce la présomption qu’il n’est pas prêt pour l’initiation. L’artiste sacrifie aux représentations stéréotypées des hommes de la meute : des beaux hommes élancés, avec une touche aristocratique dans le maintien et les tenues vestimentaires. Cette direction d’acteurs aboutit à des personnages plus nuancés, que ce soit Otis, Line et Régis, ou même des seconds rôles comme les trois voyous de rue quand leur agressivité leur fait défaut face au regard insistant d’Orson Keller.



Régulièrement, le lecteur se rend compte que l’aspect peut-être un peu doux des dessins, sans être fade, permet à l’artiste de faire passer des moments singuliers. Pendant le film, Otis et Régis en viennent à s’embrasser et voilà qu’une image de loup garou sauvage sur l’écran déclenche un mouvement impulsif irrépressible chez l’adolescente : elle mord son ami. La perte de sa virginité donne également lieu à un comportement pour le moins inattendu, dont certains éléments visuels viennent en écho à la morsure précédente. Le dessinateur emmène le lecteur ailleurs dans un glissement visuel vers le conte avec la devanture consacrée au petit chaperon rouge, une page silencieuse envoûtante. La première chasse déstabilise avec la vision d’une dizaine d’hommes nus prêts à courir dans les bois, puis par l’apparence très humaine des loups garous, l’horreur venant de l’utilisation de touches carmin. La narration visuelle continue de surprendre le lecteur, avec ces représentations très prosaïques d’un parking souterrain, puis la beauté architecturale de bâtiments en bord de Seine.


Dans la mesure où la couverture annonce une série en deux tomes, le lecteur en déduit qu’un certain nombre d’éléments de l’intrigue seront réglés en peu de temps : l’initiation d’Oscar, la place d’Otis dans la meute, le sort de Froman (le loup garou plus massif que les autres), le sort de l’aïeul, l’enquête du commissaire Pelegrini, ce qu’il adviendra du pauvre Régis, etc. Il prend donc les éléments de l’intrigue au premier degré : l’existence d’une famille jouissant de passe-droits au sein de la société, une société secrète devenue experte dans l’élimination de toute preuve de son existence, le goût du sang et le recours à l’assassinat. En effet ce premier tome raconte une histoire très concrète, une aventure, une variation sur le mythe de la créature du loup garou, sans qu’il soit possible de savoir à ce stade quel en sera le degré d’originalité.


Un premier tome à la narration visuelle très séduisante, proposant une approche différente du récit de loup garou, avec de très beaux visuels de Paris, et des moments fort surprenants. En arrière-plan, le chef de meute prépare sa succession, tout en parant au plus pressé pour éviter qu’un inspecteur de police un peu plus futé ne découvre leur existence. Intriguant.



jeudi 1 mars 2018

Requiem - Tome 04: Le bal des vampires

Sur le principe magique : tel en haut, tel en bas

Ce tome fait suite à Dracula qu'il faut avoir lu avant. Il est initialement paru en 2003, publié par les éditions Nickel (il a bénéficié d'une réédition en 2016 par Glénat). Le scénario est de Pat Mills. Olivier Ledroit a réalisé les dessins et la mise en couleurs.

Comme de coutume, ce tome s'ouvre avec une scène en 1944, cette fois-ci consacrée à Rebecca dans le camp de concentration de Kulbricht (camp fictif). Le récit revient sur le champ de bataille où les chevaliers de Nosferatu affrontent les loups garous de la rébellion, commandés par les lémures. Requiem se débat sous les griffes d'un loup garou gigantesque, guidé par Rebecca qui hésite malgré les exhortations de Sean. Le combat est dantesque et l'un des 2 se fait enterrer vivant. De son côté, Sabbat (le chef de la police secrète de Dracula) conduit un entretien avec l'archi-Hiérophante. Il s'avère que les 2 ont un intérêt commun, dans le cadre d'un complot de vaste envergure. L'entretien se termine par un banquet des plus effroyables.

Sur le champ de bataille en Lémurie, les chevaliers de Nosferatu reçoivent l'ordre de ramener les chefs de la rébellion à bord du Satanik, le vaisseau amiral de Dracula, et de libérer le champ de bataille car Dracula a ordonné d'y déployer les berserkers. Sur le Satanik, Dracula a décidé d'organiser un grand bal costumé le soir même. Tout le monde s'y rend déguisé, en robes et costumes chatoyants avec un masque pour cacher leur véritable nature, tout en sachant qu'au terme du bal tout le monde sera découvert, selon le principe magique : tel en haut, tel en bas. Requiem a un objectif bien précis en tête pour cette fête et il entreprend de convaincre Dame Claudia qui lui indique qu'il a laissé passer sa chance avec elle.

Pas de surprise, le récit s'ouvre avec un retour en arrière en 1944 pour évoquer la vie terrestre d'un protagoniste. En fait, si, il y a une surprise puisque ce n'est pas Heinrich Augsburg qui est mis en avant, mais Rebecca et Otto von Todt. Le blanc de la neige se confond avec les bordures de case qui ne sont pas tracées. Olivier Ledroit exagère la dramaturgie, montrant la pauvre Rebecca en uniforme de camp, allongée à même la neige blanche, alors qu'elle vient de finir d'écrire une lettre pour Heinrich. Face à elle se tient le commandant SS, en uniforme noir, rappelant le noir des baraquements en arrière-plan, et la fumée noire qui s'échappe d'une cheminée dont le sous-entendu est qu'elle sert à évacuer les fumées d'un four. Avec une mise en scène opératique, l'artiste transforme une séquence dramatique empesée, en une envolée lyrique où se confrontent les sentiments. Il sur-imprime à l'infographie, le début de la lettre "Für meine Liebste Heinrich", répété à plusieurs reprises, comme un leitmotiv funeste, un mantra resté inopérant. Il fait s'exprimer le sadisme inhumain et la rancœur du commandant, dans tout ce qu'ils ont de malsain, pour un spectacle dérangeant.



En ouvrant ce quatrième tome, le lecteur prend conscience qu'il ne vient plus simplement pour les pages incroyables d'Olivier Ledroit. Il est curieux de découvrir quelles nouvelles horreurs ces 2 créateurs auront imaginées. Il se demande quelles surprises lui réserve l'intrigue. Il est même obligé de reconnaître qu'il a développé une sorte de curiosité pour quelques-uns des personnages, pourtant tous détestables. En prime les pages d'Olivier Ledroit restent superbes avec une inventivité renouvelée et une implication toujours au maximum. Le loup garou qu'affronte Requiem est démesuré, avec des canines acérées et gigantesques, un harnais hérissé de pointes, une fourrure hirsute, des griffes métalliques tranchantes, une incarnation de la bestialité et de la sauvagerie débridée. L'Archi-Hiérophante évolue dans un environnement mélangeant pyramide égyptienne, steampunk et vaisseau spatial angoissant de type Nostromo. En contemplant ces pages, le lecteur peut à nouveau percevoir le gigantisme propre aux œuvres de Philippe Druillet, dont l'échelle rend l'individu insignifiant. Le lâché de berserkers se fait dans une ambiance de fin du monde gothique (leurs cercueils évoquant des vierges de fer de forme parallélépipédique rectangle). La scène du bal est aussi fastueuse que macabre, avec une mise en scène calquée sur le carnaval de Venise, des robes et des habits d'une richesse inouïe, et des masques d'une délicatesse de porcelaine. Olivier Ledroit se surpasse encore pour les démons des Limbes et les dragons évoluant dans l'espace aérien du Satanik. Il est difficile de croire que cet artiste réussisse à se surpasser à chaque tome et pourtant c'est bien ce qui apparait séquence après séquence.

Dans ce nouveau tome, les créateurs continuent de concevoir et de développer des horreurs fantastiques : le combat d'une rare violence entre le loup garou et Requiem, les habits en peau humaine de l'Archi-Hiérophante, son menu immonde, le massacre perpétré par les berserkers, les dragons, sans oublier les comportements des uns et des autres. C'est bien la démesure de la partie graphique qui donne de la consistance et une unicité à ces horreurs. Représentés par Olivier Ledroit, les loups garous ne sont pas de simples formes anthropoïdes avec des poils et une tête de loup. Ils redeviennent des créatures monstrueuses dont l'animalité les rend étranger à la race humaine. Les berserkers ne sont pas de simples humains bodybuildés au-delà du possible, des sortes de Conan sous stéroïdes, ils sont des créatures extraordinaires, inflexibles, inhumaines dans leur absence d'empathie, de pitié, de sentiment.

Pat Mills n'est pas en reste dans ces créations horrifiques. Lui aussi se montre capable d'évoquer le pire. Le menu du repas servi en l'honneur de l'Archi-Hiérophante fait naître un dégout irrépressible : de la cervelle de centaure en arsenic, et des bébés trolls frits à vif, des scalps de cowboys, du kraken frais, des sorcières en cassolette, et une cuisse de zombie rôtie, sans parler du vin et du fromage. Le scénariste se montre tout aussi ignoble dans le comportement de ses personnages. Par exemple, lorsque les berserkers sont lâchés sur le champ de bataille, Néron se lance dans une diatribe pour vanter le spectacle des exterminateurs, leur absence de motivation complexe, l'atroce beauté de leur carnage irraisonné. Dans une autre bande dessinée, cette tirade ne serait qu'une suite d'élucubrations du méchant d'opérette pour montrer à quel point il est méchant. Ici, cela devient l'apologie éhontée de l'affrontement physique, de la destruction de l'ennemi, de son massacre, de la loi du plus fort. Le scénariste met tout son cœur dans la verve de Néron (encore embelli par les dessins).



Devant une telle ferveur, le lecteur ressent un malaise. La force de conviction de Néron dépasse le niveau du facsimilé de circonstance, comme s'il fallait prendre son discours au premier degré. Le lecteur se retrouve obligé de confronter son ressenti à un parti pris aussi extrême, il ne peut faire autrement que de condamner tout usage de la violence comme une forme de solution. Les propos de Néron conduisent à prendre conscience de la bestialité qu'il y a à mettre à terre un ennemi, un autre être humain. Le fait que Néron puisse jouir de cette violence en fait un être détestable et très concret, pas une sorte de fantoche, pas un simple simulacre de méchant. Le sort que Dracula réserve aux berserkers en fait aussi un manipulateur froid et calculateur, tout aussi détestable. La volonté d'Otto von Todt d'obéir aveuglément à l'ordre établi qui lui procure un statut social confortable le rend aussi détestable. La volonté de Claudia de s'amuser avant tout, y compris aux dépends d'autres individus la rend haïssable. Même Rebecca qui instrumentalise une partie de ses troupes est détestable.

Les dessins d'Olivier Ledroit et le scénario de Pat Mills positionnent le lecteur au milieu d'individus sans foi ni loi. Certes ils peuvent parfois adopter une attitude exagérée et ridicule comme s'ils se forçaient à être se comporter comme des méchants, mais leurs motivations et leur caractère attestent bien qu'il ne s'agit pas simplement d'une apparence. Comme dans un panier de crabes, la méchanceté de ces individus s'exerce avant tout sur eux-mêmes. Le scénariste n'a pas concentré tous ses efforts uniquement pour faire exister ces créatures viles et mesquines. De tome en tome, il déploie son intrigue pour en révéler l'ampleur. Il expose la géographie de Résurrection par le biais de l'Archi Hiérophante : à l'Ouest, la Zombie, Terra Vaudou et les autres états-désunis d'Atlantique, au Nord, Pandémonium, la Lémurie, et la Dystopie, au Sud, Hadès et Tartarus, et à l'Est se trouve Thanatos, et les terres des mages de Kabbalah et de Cyclopie. Les bases posées dans les 3 premiers tomes s'entremêlent pour former une tapisserie complexe où les vies des individus sont intriquées, soumises au soubresaut de l'histoire et aux décisions des puissants qui peuvent apparaître comme arbitraire. Sous des dehors fantastiques, Pat Mills met en œuvre des principes politiques historiques. Dracula tient essentiellement ses hommes grâce à la position dominante de la caste des vampires, et à l'approvisionnement en opium noir. Il donne en spectacle les ors et les pompes de son gouvernement, lors du bal des vampires.

Face à lui, la révolte gronde, mais ce n'est pas celle du peuple, c'est celle d'autres puissants qui se verraient bien à sa place. Les alliances se font et se défont au rythme des coups bas et des trahisons. Les comploteurs ont fixé le grand jour en conjonction de la Grande Marée quand l'agitation sera à son maximum, mais aussi pour marquer les esprits. Requiem, Otto von Todt, Rebecca, Sire Cryptus, Dracula, Dame Claudia Demona, Black Sabbat et même Igor sont ballotés par les événements, sans avoir prise dessus. En introduisant le principe de la réincarnation, Mills intègre une dimension générationnelle, rappelant que les actes des générations passées pèsent sur la génération présente. L'intrigue mêle scènes de bataille et conspirations dans les alcôves et les salons.



Alors même qu'il n'est pas possible de ressentir une forme d'empathie, encore moins d'amitié, pour les personnages, il est difficile de ne pas éprouver une forme de respect pour eux. Requiem en impose par sa haute stature, son armure d'ébène, avec ses décorations, ses chaînes, son air romantique, son teint albinos, et son visage revêche, un mauvais garçon ténébreux et romantique. Il est difficile de ne pas prendre fait et cause dans sa volonté de rédemption, dans son obsession de retrouver sa bien-aimée et de la sauver. De même, le lecteur ne peut pas rester insensible à la volonté de Rebecca de faire payer ses tortionnaires, de mener les lémuriens à la révolte pour se libérer du joug de la caste des vampires, une femme forte refusant d'être reléguée au statut de victime. Il est même difficile de résister à l'ignominie de Néron (décalque du Docteur Frank-N-Furter dans The Rocky Horror Picture Show) se lançant dans sa tirade, à la délectation qu'il prend à évoquer son plaisir de la mise à mort (Ledroit ayant ainsi l'occasion de suggérer l'érection qui s'en suit visible à la déformation de son slip). Alors qu'ils sont tous englués dans une tragédie grecque où pèsent la culpabilité, l'envie et la rancœur, Mills & Ledroit réussissent à leur conserver une part d'humanité.

Contre toute attente, les créateurs parviennent également à insérer quelques (rares) respirations humoristiques, d'autant plus drôles qu'elles sont noires et sadiques. Igor n'a le droit qu'à une seule scène dans laquelle il risque d'être découvert, cherchant à échapper à la détection au risque de finir incinéré. L'artiste lui a conservé son accoutrement de peluche violette, ainsi qu'un air ahuri irrésistible. Pat Mills lui conserve le rôle du bouffon, avec un étrange écho de la scène d'ouverture, puisqu'Igor court le risque de finir dans un four crématoire. Dans la même séquence, Sire Cryptus et Sire Mortis sont obligés de passer par un portique de détection démoniaque (de même nature que ceux dans les aéroports, mais pour déjouer toute tentative d'intrusion de démon). Le passager qui passe avant eux est démasqué pour le démon qu'il est, et il prononce une phrase évoquant l'occupation de ta mère en enfer (une action de sucer des organes masculins) puis il se met à baver un suc vert, comme la petite Regan McNeil dans L'exorciste. Le lecteur retrouve également le bruit inimitable des empaleurs (arme automatique de poing des chevaliers vampires) : TEPESS.

Le lecteur plonge à nouveau dans un monde de souffrances, de cruauté, de sadisme (cette pauvre dame tirée par une chaîne dont l'anneau est fixé sur ses grosses lèvres vulvaires), de méchanceté. Il se délecte des visions dantesques et imaginatives d'Olivier Ledroit. Il est à nouveau sensible au fait que le récit de Pat Mills charrie des thèmes qui dépassent les provocations morbides et macabres. Il y a donc la diatribe à vomir de Néron sur le massacre des ennemis qui fait réfléchir quant à l'usage de la violence comme solution à un problème. Lorsque le lecteur observe l'Archi-Hiérophante qui fait tuer un individu pour revêtir sa peau, il y voit une métaphore sur la façon dont les puissants peuvent utiliser la vie des autres à leur propre profit. Vu sous cet angle, le menu du banquet qui suit devient une litanie de l'être humain se gavant des ressources de la Terre, sans s'inquiéter de leur provenance, encore moins de leur renouvellement, ou de la souffrance générée pour qu'il puisse disposer de telles douceurs. Un lecteur familier des œuvres de Pat Mills relève tout de suite la phrase d'Otto von Todt : c'est un crime capital que de se retourner contre un officier supérieur et lui désobéir au combat. La force de ce constat est de mettre en lumière à quel point le militaire est inféodé au système dont il fait partie, comme Charley Bourne dans La grande guerre de Charlie de Pat Mills et Joe Colquhoun.


Ce quatrième tome est tout aussi somptueux dans sa morbidité gothique que les précédents. Olivier Ledroit est investi à 100% dans son œuvre, sans aucune concession au bon goût, encore moins à la bienpensance. Pat Mills s'en donne à cœur joie dans la morbidité et la cruauté. Contre toute attente de ce déluge d'horreurs et de personnages haïssables, se dégage en négatif une ode à la tolérance et la fraternité, à la nécessité capitale de composer avec son prochain. En récitant une litanie de comportements cruels et fourbes, les auteurs atteignent le double objectif de distraire avec ces horreurs, et de défendre en creux une ligne morale exigeante.

mercredi 28 février 2018

Requiem - Tome 03: Dracula

L'humanité dans toute sa laideur

Ce tome fait suite à Danse macabre qu'il faut avoir lu avant. Il est initialement paru en 2002, publié par les éditions Nickel (il a bénéficié d'une réédition en 2016 par Glénat). Le scénario est de Pat Mills. Olivier Ledroit a réalisé les dessins et la mise en couleurs.

Comme dans les 2 premiers tomes, celui-ci s'ouvre avec une scène sur le front de l'Est en 1944. Heinrich Augsburg joue du lance-flammes avec un zèle effrayant. 2 ans plus tôt, sa relation avec Rebecca avait pris une tournure malsaine lorsqu'elle lui avait montré l'étoile jaune ornant son manteau. Au temps présent, Igor continue d'espionner Sire Cryptus en pleine discussion avec Sire Mortis. Au temps présent sur Résurrection, à l'occasion de la danse macabre, Requiem doit affronter le démon Charnel, sous les yeux d'Attila, Caligula, Élisabeth Bathory, Black Sabbat (le maître de Cryptus). Du fait de cette interruption, Dame Claudia Démona en a profité pour aller batifoler avec une autre personne.

Les relations entre chevaliers vampires se complexifient grandement, alors que Requiem réussit à savoir qui a envoyé le démon Charnel, et qu'Attila se positionne vis-à-vis de lui. Il y est également question de la réincarnation de Thurim. Mitra nomme une nouvelle à la tête de la flotte des pirates du ciel. Requiem est assailli par le spectre des individus qu'il a envoyés à la mort où qu'il a massacrés. Les chevaliers vampires sont envoyés en Lémurie pour affronter les lémures qui ont coupé la route d'approvisionnement de l'opium noir. De son côté Rebecca prépare la guerre contre les chevaliers vampires, avec Sean à ses côtés. En particulier il faut qu'elle gère le chef de meute des loups garous.

Le lecteur a maintenant bien intégré le principe : chaque tome commence par un petit retour en 1944 qui permet d'en apprendre plus sur Heinrich Augsburg. Mais, plus que de découvrir la suite de l'intrigue, ce qu'il anticipe avec plaisir, c'est de retrouver les visions dantesques d'Olivier Ledroit. Les dessins sont toujours aussi somptueux et macabres, et les moments de bravoure picturale ne manquent pas. Outre l'ambiance unique le lecteur se délecte de ces images monumentales, avec une méticulosité obsessionnelle dans leur exécution. Le combat entre Requiem et Charnel se poursuit avec une case de la hauteur de la page dans laquelle se déroulent des kilomètres de chaîne (à faire pâlir d'envie Spawn de Todd McFarlane) et Charnel enveloppé du drapé des entures, pour un moment tout en mouvement, avec une grâce aérienne. Quelques pages plus loin, le lecteur contemple un spectacle enchanteur : le vaisseau des pirates du ciel revenant vers la forteresse volante de Mitra. Le spectacle est grandiose, baignant ans une lumière jaune-brun, avec des effets de moirage rendus par aquarelle. Magique !




Quelques pages plus loin encore, Requiem est écartelé par des chaînes avec des démons à l'extrémité de chacun de ses membres, et des cases disposées autour de cette image centrale en rond, le tout baignant dans une couleur rouge sang. Le Satanik (le vaisseau amiral de Dracula) apparaît dans une case occupant 2 tiers d'une double page, à nouveau une vision monumentale et gothique, dans des tons gris bleutés, à l'opposé de ceux des pirates du ciel. Lorsque le récit passe à Rebecca, l'artiste pare la Lémurie d'une teinte verte d'une grande luminosité, établissant un fort contraste avec les autres régions, pour un effet enchanteur impeccable.

Tout du long, le lecteur retrouve les visions monumentales qu'il est venu chercher, sans aucune impression de redite d'un tome à l'autre. Olivier Ledroit a aéré certaines parties de cases pour des compositions plus efficaces, sans rien perdre en densité d'informations. Il n'hésite pas à recourir à des teintes qui n'apparaissaient pas avant : le vert lumineux de la Lémurie, le mordoré du ciel des pirates, des teintes rouges moins foncées. Cette évolution n'obère en rien la dimension macabre du récit. Comme dans les tomes précédents, le lecteur retrouve toute la quincaillerie gothique : croix de fer (Eisernes Kreuz), croix renversée, chaîne métallique à gros maillon, écoulement de sang, médaillon à tête de mort, accessoires vestimentaires à clou, pentagrammes, épines, et même une vierge de fer.

Ledroit n'est pas en reste pour la représentation des monstres, c’est-à-dire tous les habitants de Résurrection. Comme pour le reste, il ne fait pas dans la demi-mesure (et c'est un euphémisme). Les vampires ont toujours des dents aussi proéminentes et découvertes, ainsi que des canines d'une longueur qui les empêchent de complètement fermer la bouche. Ce tome est l'occasion de voir Attila et Black Sabbat de plus près, et ils en imposent tout autant que les autres. L'apparence de Mitra vaut le déplacement. Olivier Ledroit s'est encore plus lâché pour Dracula. C'est difficile à croire, mais il a encore plus exagéré, et le résultat est aussi premier degré que brutal. Cette créature est d'une stature gigantesque et son armure est baroque en diable avec des parties acérées et ouvragées, et quelles moustaches ! Afin d'accentuer le contraste, il a choisi une apparence élancée pour Néron (sycophante de Dracula), avec une tenue vestimentaire qui fait penser au Docteur Frank-N-Furter dans The Rocky Horror Picture Show (1975). Le loup garou final emporte tout sur son passage, massif, bestial, démesuré, exagéré.

Pour autant, la narration d'Olivier Ledroit ne se limite pas à enfiler les images magnifiques et monumentales. Comme dans les tomes précédents, le lecteur peut se gaver de la profusion de détails, des maillons de la chaîne métallique, à toutes les voiles du Satanik, en passant par des choses plus inattendues comme la poupée que tient Sire Mortis quand il s'apprête à dormir dans son cercueil (une figurine de Jack Skellington, en provenance de L'étrange Noel de Mr. Jack (1993) de Tim Burton). Il peut aussi admirer les branches du tronc torturé auquel est suspendue la cage de Torquemada. Il peut apprécier la composition des pages, l'artiste imaginant des dispositions de cases différentes pour chaque page, de manière à coller au plus près au cheminement de la séquence. Il peut aussi sourire devant des exagérations devenant parodiques ou moqueuses. L'artiste a cette capacité de raconter son histoire au premier degré, mais pouvant parfois aboutir à une image amusante si elle prise hors de son contexte.



Par exemple lors du combat entre Requiem et Charnel, le visage de ce dernier se déforme sous l'action d'une décharge de sorcellerie. Il a les yeux exorbités, avec des dents en guise de cils, des dents pointues coniques et une langue pendante qui ondule. C'est à la fois l'effet du choc de l'énergie, mais aussi un gros monstre pas beau. L'effet comique peut également venir d'un accessoire inattendu, comme la grosse peluche violette dans la chambre de Sire Cryptus, avec un cheval à bascule et un coffre à jouets en bois joliment peint. Dans ce registre, les véhicules utilisés dans l'assaut donné par les Lémures à l'armée de Dracula laissent rêveur : une voiture qui pourrait provenir de Les fous du volant (Whacky Races) ou des corbillards tirés par des chevaux spectraux. L'effet comique peut également provenir d'un élément macabre dont la nature devient grotesque, par exemple le regard sadique et un poil lubrique du Dictionnaire quand il raconte l'histoire de Thurim à Requiem.

Le jeu des acteurs et la mise en scène restent théâtralisés. Olivier Ledroit aime bien utiliser des cadrages face caméra pour que le lecteur éprouve la sensation qu'un personnage le regarde droit dans les yeux et s'adresse à lui. Il y a des plans conçus spécialement pour que le lecteur ait une meilleure vue possible d'un personnage particulièrement impressionnant, comme le loup garou final, ou Sire Cryptus, etc. Les expressions des visages manquent régulièrement de nuances. Pour le cas particulier des vampires, c'est assez compréhensible puisque finalement leur faciès les empêche de fermer la bouche, et donc limite leur registre d'expressions. Cette particularité finit par participer de la tonalité malsaine de la narration puisque les personnages semblent toujours sous le coup d'une émotion désagréable leur faisant montrer les dents.

Il semble bien que Pat Mills ait conçu son scénario de manière à jouer sur les points forts d'Olivier Ledroit, voire peut-être que ce dernier a pu participer à la conception de certaines séquences. En tout état de cause, il a conçu l'apparence des personnages, et les différents environnements. À plusieurs reprises, le lecteur tique un peu devant une incongruité visuelle. Lorsque Rebecca utilise un boîtier de contrôle pour maîtriser un loup garou, ce dispositif dénote par rapport à l'environnement majoritairement Sword & Sorcery, dans une forme de bas moyen-âge, début de la Renaissance. De la même manière, le véhicule à moteur de type jeep customisée semble appartenir à un autre environnement, ne pas être complètement raccord. Mais le lecteur n'a d'autre choix que d'accepter cette bizarrerie et il la rationalise bien vite dans le cadre du récit, en se rappelant qu'Heinrich Augsburg est en provenance du vingtième siècle.



D'ailleurs le récit s'ouvre avec une scène en 1944. De tome en tome, le lecteur découvre qui était vraiment cet officier nazi et sa responsabilité dans les atrocités commises par l'armée allemande. Ces souvenirs permettent au lecteur de réajuster son ressenti vis-à-vis du personnage principal. Cet officier utilisait des méthodes sadiques sans éprouver aucun remord. Il mérite effectivement sa place sur Résurrection. Qui plus est, sa relation avec Rebecca n'avait rien de pure ou de romantique. Elle était basée sur des sentiments malsains et viciés. D'un côté Requiem se conduit en héros sur Résurrection. Il est tombé au beau milieu d'une coterie qui cherche au mieux à l'instrumentaliser, au pire à l'exterminer. Il est prêt à subir son châtiment pour expier ses fautes, ses exactions du temps de son vivant. D'un autre côté, il est toujours le même individu, prêt à imposer sa volonté par la force, peu soucieux des sentiments des autres, ou de leur bien-être. Il se conduit toujours comme quelqu'un ayant des droits sur les autres du fait de sa force et de son origine sociale comme un soldat habilité à exterminer l'ennemi.

Avec ce troisième tome, le scénariste rentre plus avant dans son intrigue et le lecteur commence à prendre conscience de la profondeur de champ du récit. Le retour des femmes pirates permet de comprendre qu'il s'agit de personnages récurrents, ce qui n'était pas évident lors de leur première apparition. De la même manière, les dialogues de Sire Mortis, de Sire Cryptus, d'Attila, de Dracula et des autres attestent de luttes de pouvoir de grande ampleur, ainsi que de la ressource stratégique qu'est l'opium noir. À court terme, l'intérêt du lecteur est retenu par les grandes batailles. À long terme, il est retenu par le complot qui se découvre petit à petit, dans lequel Requiem aura son rôle à jouer, petit ou grand cela reste à découvrir. Le personnage d'Heinrich Augsburg va en s'approfondissant, plus repoussant, mais toujours plus fascinant. Pat Mills n'oublie pas d'inclure des respirations comiques, soit par des remarques relevant d'un humour noir ou cynique, soit par le personnage de bouffon d'Igor. Ce dernier évoque à nouveau une forme théâtrale avec un personnage secondaire apportant des respirations comiques. Ce scénariste est coutumier d'utiliser des formes empruntées au théâtre et à la tragédie pour la dramaturgie de sa narration, ce qui aboutit parfois à une forme empesée ou artificielle.

Le lecteur s'immerge donc dans un récit morbide et gothique, avec des visuels spectaculaires, des batailles monstrueuses, sur une toile de fond de manigances et de conspirations politiques dans lesquelles s'expriment la rapacité de l'humanité. Mine de rien, Pat Mills ne se contente pas d'une intrigue bien ficelée, il évoque aussi l'histoire de l'humanité, au travers de l'envie, de la peur et de la violence. Heinrich Augsburg éprouve des remords quant à sa conduite sur Terre, qui se matérialisent sous forme de spectres, ceux de ses victimes qu'il ne considéraient pas comme des êtres humains, pas comme des individus appartenant à la même race que lui. L'accumulation de tortionnaires historiques apparaissant au cours du récit évoque également la violence des rapports sociaux et économiques consubstantiels de l'histoire de l'humanité. Torquemada n'est pas juste agité comme un criminel assoiffé de sang, il a bel et bien existé et conduit à la torture et au bûcher des centaines de personnes. L'autre personnalité historique a un bilan encore plus horrible. Mills ne se contente pas d'agiter leur spectre comme un raccourci facile des horreurs de l'Histoire, il atteste par leur existence passée de la capacité d'atrocité de l'humanité. Il en ajoute encore une couche avec le mépris pour les scientifiques inventant des armes de destruction massive et se lavant les mains des conséquences.

L'histoire se concentre également sur l'histoire personnelle de plusieurs personnages. La relation entre Rebecca et Heinrich incarne une autre forme de violence : celle qui existe entre 2 individus. Malgré leur amour bien réel, leur relation baigne dans le sadisme, le dégoût de soi, le mépris de l'autre et la dépendance, sans acte de violence physique. En plus de cette violence dans les rapports intimes, plusieurs séquences évoquent la violence des rapports professionnels. Il est possible de voir la nomination par Mitra, de la successeure à Mère Terreur, comme un effet comique. Il est aussi possible d'y voir la décision arbitraire d'un chef de service nommant une personne à un poste, décevant ainsi les attentes d'autres s'estimant méritante, sans qu'elles ne puissent discuter la décision ou faire valoir leur valeur.


Olivier Ledroit & Pat Mills donnent l'impression de franchir un cap avec ce troisième tome : des dessins qui deviennent encore plus gigantesques (au point d'évoquer la majesté ceux de Philippe Druillet, par exemple dans Salammbô), tout en conservant leur pouvoir gothique et macabre. L'histoire gagne de l'ampleur, sans rien sacrifier des personnages, pour un commentaire décillé sur les pires défauts de l'humanité.

mardi 27 février 2018

Requiem - Tome 02: Danse macabre

Heinrich Augsburg n'est pas arrivé sur Résurrection par hasard.

Ce tome fait suite à Résurrection qu'il faut avoir lu avant. Il est initialement paru en 2001, publié par les éditions Nickel (il a bénéficié d'une réédition en 2016 par Glénat). Le scénario est de Pat Mills. Olivier Ledroit a réalisé les dessins et la mise en couleurs.

Sur le front Est en 1944, un soldat allemand s'appelant Heinrich Augsburg est en train de déambuler à la recherche d'une femme. Il s'en prend à une combattante en uniforme de soldat russe, regrettant sa ressemblance lointaine avec Rebecca. Il la viole sur le champ de bataille, l'ayant couchée dans la neige. S'en suit un souvenir de la dernière nuit qu'Heinrich Augsburg et Rebecca ont passé ensemble dans un lit. Elle a lu leur avenir dans un morceau de plomb fondu à la flamme d'une bougie, puis versé dans l'eau.

De retour au temps présent du récit, Rebecca (maintenant une lémure) lui apparaît tel un ectoplasme au travers de son épée damnée, avec un œil de Serpenthère. Elle indique à Augsburg comment la retrouver : il doit tuer Otto von Todt, son compagnon de bataille chez les vampires. Heinrich Augsburg revient à la bataille en train de se dérouler contre les mutants. Ces derniers viennent de lâcher une arme de destruction massive en la personne d'une créature anthropoïde appelée Anthrax, répandant la pestilence autour d'elle. Elle est insensible à la première attaque magique de Requiem sous la forme d'une rune de pouvoir. Il faut qu'il trouve rapidement une stratégie pour l'arrêter.

Suite au premier tome, le lecteur sait qu'il va retrouver une narration étouffante, avec des planches chargées et une histoire qui ne suit pas un ordre chronologique, sans parler d'une ambiance gothique et macabre. Avant d'entamer sa lecture, il feuillette rapidement le tome : effectivement Olivier Ledroit n'a pas laissé un seul millimètre carré vierge de trait ou de couleurs. Dès la première page, la narration visuelle s'avère complexe. Pour commencer, le lecteur reconnaît sans difficulté la reprise de l'ouverture du premier tome, avec ce champ de bataille enneigé en 1944. Après la lecture du premier tome, il identifie également le sceau mystique apposé à cheval sur 2 cases. Il identifie sans peine la garde de l'épée d'Heinrich Augsburg, ainsi que son œil de Serpenthère. Cette composition semble déjà indiquer que les actes commis par Augbsurg à ce moment sont placés sous le signe de son futur sur la planète Résurrection. L'apparence de Rebecca et Heinrich Augsburg est un peu étrange du fait de leur visage épuré, un peu trop lisse.




Par contre, cette façon de dessiner les visages ne trouble plus la lecture, passées les 3 premières pages car il n'y a plus alors que des créatures surnaturelles pour lesquelles l'artiste peut utiliser la licence artistique comme bon lui semble. Le lecteur retrouve des visages humains (sauf pour la longueur des canines) avec une variété d'expression large et transmettant bien l'état d'esprit des personnages. Le défilé de monstres commence avec Rachel sous forme de lémure, suivie par l'horreur appelée Anthrax. Dans le fond c'est juste un gros monstre anthropoïde géant, couturé de cicatrices, avec un crâne un peu déformé, un ventre ballonné, et une dentition acérée. Représenté par Olivier Ledroit, c'est une autre histoire. En tant qu'illustrateur complet, il conçoit ses dessins de manière à ce que trait de contour et couleurs à la peinture se complètent. L'apparence d'Anthrax est grotesque et pourrait prêter à rire, mais l'implication de l'artiste le transforme en une créature immonde et contre nature.

Olivier Ledroit s'est lâché pour les longues cicatrices avec des agrafes encore apparentes. Il prend soin de reproduire celle de la tête à l'identique d'une case à l'autre, par contre celle qui lui barre le ventre change de sens d'un page à la suivante. Le lecteur voit bien que Ledroit a pris plaisir à imaginer cette horreur, ce qu'il souligne en le perchant au sommet de Big Ben, évoquant l'image de King Kong au sommet de l'Empire State Building. Néanmoins, la somme des détails (les cicatrices, les implants technologiques), les tâches de rouge sur le corps du monstre finissent par provoquer une forme de haut-le-cœur chez le lecteur du fait de leur nombre. Il ne s'agit pas d'un monstre de pacotille, en caoutchouc, bricolé à la va-vite. Il devient une horreur visuelle à la force titanesque, conçu pour répandre la mort. Par accumulation, l'artiste arrive à faire passer sa représentation dans le domaine de l'expressionnisme et à provoquer le dégoût chez le lecteur.

Olivier Ledroit marie avec sophistication une horreur visuelle littérale (canines d'une longueur impossible pour les vampires, dents acérées en triangle, sang qui coule des plaies), avec un systématisme étouffant jusqu'à la nausée, et quelques exagérations qui peuvent être vues comme de l'humour noir. Quand Augsburg embroche 3 mutants sur son épée, en un seul coup, il est possible d'y voir son efficacité de donneur de mort, une extermination niant l'individualité de ces combattants, mais aussi une forme d'effet comique visuel. Quand 2 pages plus loin, Augsburg appelle le pouvoir de la bête en lui, cela provoque d'abord une déformation de la moitié de son visage, puis de tout son corps. Là encore, le lecteur peut absorber le dessin au premier degré, comme il peut s'arrêter sur l'absurdité de la déformation et en sourire. Quelques pages plus loin, il en va de même pour cet équipage composé de squelettes pirates, le coutelas entre les dents. C'est à la fois macabre et comique.



De page en page, le lecteur est assailli par des visions sans cesse macabres, agressives, perverties. L'effet cumulatif et sans relâche établit une ambiance morbide de tous les instants, même lors d'une case à effet humoristique, même en présence d'un personnage comique (comme Igor). Olivier Ledroit dépense également sans compter pour les décors. Il ne ménage pas sa peine pour les décrire dans le détail, pour rendre compte de leur volumétrie. Le lecteur retrouve les vaisseaux volants en bois qui apparaissaient dans le ciel d'un Londres alternatif à la fin du précédent volume. Il ne manque pas une seule nervure à la coque, une seule fenêtre aux appartements du pont. Les voiles gonflées, marquées d'un crâne rouge peint, en imposent au lecteur, lors de l'apparition progressive des navires pirates à l'horizon.

Lors du retour des nefs volantes à Necropolis, le lecteur admire l'architecture extérieure des bâtiments. À l'intérieur, il se sent écrasé par les volumes gigantesques et l'architecture monumentale. Ces environnements n'ont pas été conçus à l'échelle humaine ; ils laissent supposer l'existence d'entités gigantesques et pas forcément bienveillantes au vu de leurs goûts. Olivier Ledroit passe tout autant de temps dans la conception et la représentation des accessoires. Il y a bien sûr l'armure ténébreuse de Requiem, toute noire, avec des ornements morbides (tête de mort et chaînes métalliques à gros maillon). Son épée est toujours aussi démesurée (et impossible à manier) et toujours aussi ouvragée avec des formes torturées. Les vampires portent tous croix évoquant la croix de fer (Eisernes Kreuz), associant ainsi leur apparence aux crimes commis pendant la seconde guerre mondiale.

Lors de l'arrivée à la danse macabre, le lecteur est subjugué par ce hall dantesque avec son escalier cyclopéen éclairé par une débauche de chandeliers, avec des tentures rouges imposant l'omniprésence du sang comme élément nourricier. La position obscène d'Elisabeth Bathori (lèvres vulvaires gonflées) parachève cette ambiance démesurée mêlant mort et sexe. Cette scène, comme les autres, induit une lecture lourde et pesante. Il faut le temps pour digérer les informations visuelles, pour laisser le regard absorber l'impression générale, pour qu'il découvre ensuite les détails, pour qu'il assimile ce que montre chaque case, pour qu'il revienne sur un détail ou un autre afin de le lier à des leitmotivs visuels, ou à de nouvelles informations. L'objectif pour l'artiste n'est pas d'aboutir à une lecture fluide et facile, mais de créer des environnements qui donnent corps au concept de la série.




La lecture peut en devenir écœurante, voire nauséeuse, ce qui est en cohérence totale avec la nature du récit. Pat Mills n'est pas réputé pour sa narration fluide et aérienne. C'est un habitué des ellipses brutales, et des expositions massives. Les lecteurs de sa série Sláine le savent : c'est au lecteur à s'adapter à sa narration. De fait, le scénariste soumet le lecteur à une narration tout aussi implacable que celle de l'artiste, avec une densité d'informations élevée et un constant renouvellement de situation. L'histoire passe du champ de bataille sur le front de l'Est en 1944, à une rencontre entre Rebecca et Augsburg dans le passé, puis à une autre dans le présent, puis à la suite de la bataille dans un Londres d'une autre dimension, puis l'explication de la nature d'Anthrax, etc., sans relâche. Dans la mesure où il ne s'agit que du deuxième tome, le scénariste a encore beaucoup d'éléments à présenter, à expliquer et à développer.

Pat Mills et Olivier Ledroit avaient déjà collaboré sur la série Sha (en 3 tomes). Il est donc certain que le scénariste avait conscience des points forts de l'artiste et qu'ils ont conçu leur nouvelle collaboration ensemble. Pat Mills écrit des scènes malsaines et violentes dans lesquelles Ledroit peut s'en donner à cœur joie. Le lecteur assiste donc à un viol, un assassinat avec un tir en plein front à bout portant, des moulinets d'épée qui tranchent tout sur leur passage, des blessures ouvertes avec épanchement de sang, des éviscérations, des canines qui perforent la chair pour atteindre les artères, des scènes de maltraitance. Sur ce dernier point, les femmes servent régulièrement de victimes, en particulier celles cantonnées au rôle de réserve de sang pour les vampires, ou encore les femmes léopards pour le plaisir de Dracula. Il est vrai que le sort de plusieurs mâles s'avère tout aussi brutal et soumis à la violence.

Le scénariste a conçu son récit comme un passage aux enfers pour le personnage principal. Le lecteur découvre par bribe les exactions qu'il a commises du temps de son vivant. Il commence à prendre la mesure d'Heinrich Augsburg et à quel point il n'est pas arrivé sur Résurrection par hasard. Ayant passé la première séquence sur le front de l'Est en 1944, il se doute que les tomes suivants apporteront d'autres informations incriminantes sur le personnage principal. Le lecteur comprend mieux pourquoi il se retrouve ainsi tourmenté par le souvenir de Rébecca.

Pour nourrir cet environnement aussi macabre et létal, Pat Mills pioche aussi bien dans des éléments de culture populaire macabre que des légendes morbides. Le lecteur contemple une collection d'objets peu banale : le fusil qui a tué JFK, un calice de poison ayant appartenu aux Borgia, la corde de la pendaison du docteur Crippen, la dague avec laquelle Charlotte Corday a poignardé Murat. Le scénariste se sert dans le bestiaire des créatures monstrueuses, en leur attribuant un comportement violent et cruel. La première place est attribuée aux vampires qui dominent la chaîne alimentaire. Le lecteur voit donc défiler des noms connus comme (parfois sous forme d'amalgame) Élisabeth Bathory (épouse de Dracula), Caligula de Dracula, Robespierre, Attila de Dracula, Black Sabbat de Dracula (ex Aleister Crowley, inspiré par Aiwass). Il comprend bien la nécessité pour le scénariste de peupler rapidement ce monde si vaste, en recourant à des archétypes facilement identifiables par le lecteur. La force des dessins d'Olivier Ledroit élève ces personnages au-dessus des clichés en leur conférant immédiatement une présence dérangeante et formidable. Par contre il reste dubitatif quant à l'intérêt d'avoir un écoulement du temps à rebours, notion fumeuse (au moins pour l'instant) qui n'a pas d'incidence dans ce tome.

Non seulement, Pat Mills semble flatter les bas instincts du lecteur par une débauche de violence sadique, mais en plus il y ajoute une couche de sexualité agressive qui s'apparente à des conquêtes et à des défis (les jambes écartées d'Elisabeth Bathory), sans sensualité ni amour. Ce cocktail de sexe & violence est bien connu comme étant le plus petit dénominateur commun du divertissement. Mais dans le contexte de cette série, les actes sexuels ne sont pas dépeints dans une perspective de séduction ou d'érotisme. Ils ne relèvent pas non plus de la bestialité, mais d'une forme de rituel social débarrassé de toute dimension romantique. Il apparaît même une forme de perversion marquée puisque plus Claudia souffre, plus elle y prend du plaisir.

Comme à son habitude, Pat Mills intègre quelques touches humoristiques qui viennent offrir une petite respiration au lecteur, mais qui peuvent aussi paraître saugrenues dans le contexte du récit. Igor (le bossu servant de réserve à sang pour Heinrich Augsburg) remplit le rôle de bouffon, créature dont la vie ne tient qu'à un fil, commettant régulièrement des bévues. Dans ce tome apparaît le Dictionnaire du Diable (une référence à l'ouvrage d'Ambrose Bierce) qui était auparavant l'oiseau de compagnie de la goule Mère Terreur. Il sert de personnage bien pratique pour délivrer des explications, et ses réparties sarcastiques apportent également une touche d'humour.


Arrivé à la fin de ce deuxième tome, le lecteur s'interroge sur la raison pour laquelle il continuerait à s'infliger une lecture aussi macabre et noire. La dimension graphique de cette œuvre est hors norme. L'expérience visuelle est immersive comme jamais, avec des dessins qui ne sont pas que descriptifs. Olivier Ledroit représente des personnages et des lieux que le lecteur a l'impression d'avoir parcourus et même touchés tellement ses peintures sont organiques, donnant la sensation d'une expérience qui met en jeu plus que le seul sens de la vue. En outre le scénariste a installé une intrigue dont le lecteur se demande bien quelle direction elle va prendre, l'incitant à essayer d'anticiper, générant une dimension ludique à la lecture. Enfin, les 2 auteurs ont créé un monde inédit, parfois un peu brut de décoffrage, mais d'une grande richesse, avec une ambiance macabre et gothique à couper au couteau.

lundi 26 février 2018

Requiem - Tome 01: Résurrection

Je te dois la mort.

Il s'agit du premier tome d'une série indépendante de toute autre, qui a donné naissance à une série dérivée Claudia, chevalier vampire. Ce premier tome est initialement paru en 2000 (aux éditions Nickel, créée en 1999), écrit par Pat Mills, dessiné et peint par Olivier Ledroit. Pat Mills est un scénariste anglais, connu pour ses séries comme La grande guerre de Charlie, Sláine, ABC Warriors et bien d'autres encore. Il avait déjà collaboré avec Olivier Ledroit sur la série Sha (1996-1998), ce dernier s'étant fait connaître en illustrant les 5 premiers tomes (1989-1994) de la série Les chroniques de la Lune Noire de François Froideval.

Sur le front Est en 1944, un soldat allemand s'appelant Heinrich Augsburg est en train de passer de vie à trépas. Ses dernières pensées sont pour Rebecca (une femme juive). 2 ans plus tôt, ils étaient amoureusement enlacés sur un lit, dans une chambre d'hôtel à Berlin. Sur le champ de bataille un soldat russe s'approche d'Augsburg pour l'achever, avant de succomber ce dernier réussit à lui arracher des mains la photographie de Rebecca. Son dernier souvenir en mourant est celui de la dernière fois où il l'a vue : elle était emmenée par la Gestapo.

Une fois mort, il reprend connaissance sur une étrange planète appelée Résurrection, baignant dans une couleur rouge sang. Il voit une tête robotique dans le ciel s'approchant d'une horde de zombies et les intimant d'arrêter de piller les cadavres. Alors qu'une zombie s'attaque à Otto von Todt (un résurrectionniste, l'occupant du vaisseau), Heinrich Augsburg intervient et s'empare d'une arme à feu (appelée empaleur) pour lui sauver la vie. Von Todt prend Augsburg à son bord et l'emmène voir le sire vampire Cryptus qui lui propose de subir l'épreuve d'initiation du Lotus Noir pour devenir lui aussi un vampire.

Dès la couverture surchargée, le lecteur a la certitude qu'il s'apprête à découvrir un monde sans pareil. Cette série est née de la volonté de Pat Mills de faire des bandes dessinées à la française. Avant les années 2000, le marché de la bande dessinée française était auréolé d'une forme de sérieux, ce qui en faisait un graal pour des créateurs étrangers. En particulier, ils enviaient la liberté créatrice de feu le magazine Métal Hurlant, un marché s'adressant aux adultes, et un format luxueux (couverture rigide cartonnée et grand format), par comparaison avec les comics américain (papier journal) ou anglais (noir & blanc, magazines pour enfants ou adolescents) affligés d'une réputation infantile et de produit de consommation bon marché bon à être jeté une fois consommé. Après avoir réalisé les 3 tomes de la série Sha (également dessinée par Olivier Ledroit) publié par les éditions Soleil, Pat Mills avait créé sa propre société d'édition française, en collaboration avec Jacques Collin : Nickel éditions. 15 ans plus tard, la série Requiem a été rééditée par Glénat.


Cette couverture montre le personnage principal dans une armure finement ouvragée, avec un luxe de détails, une épée à la dimension gigantesque (avec un œil de Serpenthère) qui la rend impossible à manier dans la réalité, des chaînes, des pics et une croix inversée sur la joue droite. Il faut un peu de concentration pour détailler l'arrière-plan qui représente les gargouilles d'une sorte de cathédrale, dont le dessin se poursuit sur la quatrième de couverture (pour l'édition Glénat). Le lecteur se retrouve subjugué par le caractère obsessionnel de cette représentation attestant du temps passé par l'artiste sur ce simple dessin pour donner une consistance quasi étouffante à ces constructions tout en arcboutants et en gargouilles agressives. Le lecteur de bande dessinée sait qu'il est courant que la couverture soit soignée, mais que l'intérieur soit moins dense pour des raisons de temps de production (et de lisibilité). Les 2 premières pages intérieures forment un facsimilé d'un vieux grimoire, avec des textes dans une écriture cursive indéchiffrable et des crayonnés évoquant des anatomies contre-nature. Elles établissent avec succès une ambiance macabre et gothique.

Le lecteur entre alors dans la bande dessinée proprement dite, soit 47 pages très denses. L'artiste réalise ses dessins, avec un mélange de surfaces détourées par un trait encré et de peinture directe. L'ambiance est étouffante dès la deuxième page. Olivier Ledroit n'est ni adepte de la ligne claire, ni du minimalisme ou de l'épure, ni du sous-entendu. Ses personnages humains présentent une morphologie normale, mais des visages marqués par des émotions intenses, souvent la colère ou la rage. Il représente souvent les bouches comme entrouvertes, laissant voir les dents de l'individu. Le registre des expressions des visages n'est pas très étendu, ce qui est en phase avec la nature du récit et les situations dans lesquelles se trouvent les personnages.

Dès ce premier tome, l'imagerie de la série est hallucinée et morbide, sans concession. Une fois passée la première séquence sur Terre, les personnages montrent souvent leurs dents, un signe d'agressivité, certaines étant taillées en pointe (et pas seulement les canines des vampires). Les armures des chevaliers sont à base de cuir et de métal, évoquant aussi bien l'imagerie des groupes de death metal les plus extrêmes, que les tenues de dominatrices dans un donjon sadomaso. Les motifs de la tête de mort et de la croix renversée sont présents à chaque page, martelant la sensation morbide. Les autres créatures rencontrées sont soit répugnantes (les zombies dépecés, toutes dents dehors), ou grotesques et dérangeantes (le sycophante Igor, et ses dents en pointe peu réalistes).


Ces individus évoluent dans un environnement défavorable à la vie par bien des aspects. Pour commencer, Olivier Ledroit compose des pages denses peu accueillantes. Il peut s'agir de la teinte dominante rouge (justifiée par la nature de la planète des Limbes), ou de l'impression globale donnée par chaque page. Chacune d'elle donne une impression de surcharge, empêchant d'en saisir le sens global, nécessitant de s'impliquer complètement dans sa lecture. Certains éléments visuels détonnent complètement, contraignant le lecteur à faire l'effort conscient de les accepter dans toute leur bizarrerie, leur côté déplacé. Cette dimension de la lecture se trouve renforcée par le choix de Pat Mills d'aller à contrecourant du sens commun, ne serait-ce qu'avec ce concept déconcertant du temps qui s'écoule à l'envers. Ensuite, il y a très peu de blanc sur chaque page, l'artiste utilisant toute la surface qui lui est donnée pour inclure des informations visuelles. Il contraint ainsi le lecteur à passer du temps pour déchiffrer ce qui est représenté, car ce dernier ne peut pas assimiler rapidement le contenu principal d'une case, et éventuellement s'affranchir de regarder les détails, au risque de ne pas comprendre la scène en n'ayant pas assimilé ou repéré un élément important donnant du sens à ce qui est montré. La structure des cases ne hiérarchise pas les informations visuelles, tout est signifiant.

L'histoire repose sur un concept surnaturel et ésotérique : le personnage principal ayant passé de vie à trépas se retrouve sur la planète Résurrection où il devient un chevalier vampire. La force des images donnent une consistance incroyable à cette idée. La force de la vision d'Olivier Ledroit est d'imaginer des visuels à la démesure du point de départ. Il se sert de nombreuses techniques diverses et variées pour attester du caractère surnaturel des environnements. Il peut s'agir d'une composition de page dans laquelle un crâne trône en fond de planche, avec une forme ni humaine ni animale, baignant dans une lumière rouge évoquant le sang, au milieu d'un disque portant des inscriptions indéchiffrables sur son pourtour. Certes il ne s'agit que de poncifs visuels éculés, mais leur arrangement leur confère une conviction renouvelée. De même l'arrivée d'Heinrich Augsburg sur Résurrection s'effectue sur une plaine saturée de lumière rouge, avec des ossements éparpillés partout. Même si le lecteur ricane devant cette imagerie un peu naïve, il finit par y succomber à force d'accumulation.

À chaque planche, l'artiste conçoit une construction différente pour s'adapter à ce qui y est raconté. Il ne reproduit jamais 2 fois le même agencement de case, ce qui accentue encore l'effort de lecture des images pour le lecteur. Il apporte le même soin maniaque pour la conception et la représentation des décors. Le lecteur n'a pas l'impression d'un film de série Z avec un budget fauché, ni même d'un blockbuster avec un budget sans limite pour les effets spéciaux. Il a tout simplement l'impression que l'artiste représente des lieux existants, tellement est forte leur cohérence, à a fois spatiale, architecturale, mais aussi celle des accessoires. C'est débile un pistolet lance-pieux qui fait le bruit "Tepess" chaque fois qu'on tire ? Non, c'est logique que dans un environnement peuplé de vampires, une arme adaptée y ait été créée et développée, et que le principe de propulsion du projectile fasse un bruit d'air comprimé évoquant le patronyme de Dracula. C'est idiot une planète avec des mers de sang ? Non, c'est normal pour un monde accueillant les âmes des damnés. C'est crétin des runes cabalistiques sur les murs ? Non, c'est l'expression des forces qui courent dans ce monde. Ça n'a pas de sens ces constructions gothiques ? Au contraire, c'est l'expression des tourments intérieurs qui ont conduit ces âmes sur Résurrection.

Au fur et à mesure des séquences, le lecteur s'immerge dans un environnement sans concession. Il doit s'y adapter ou se résigner à refermer l'ouvrage. Les visions d'Olivier Ledroit sont dantesques et monumentales, et le scénario est à la fois très linéaire et imprévisible. L'intrigue tient sur un timbre-poste : l'âme d'un officier allemand mort sur le champ de bataille pendant la seconde guerre mondiale se retrouve dans une dimension spirituelle où il va être initié pour devenir chevalier-vampire, puis partir accomplir sa première mission. Le scénariste y mêle une vague histoire d'amour à l'importance indiscernable, avec une notion de hiérarchie dans l'ordre de ces Limbes. Pat Mills est un scénariste qui ne fait pas non plus de concession à la bienséance, encore moins aux codes établis de la narration. Pour lui aussi, son récit est à prendre ou à laisser en l'état.



Par la force des choses, ce premier tome présente la situation, introduit les personnages et explique les règles du jeu. Le scénariste met en place toute une batterie de bidules ésotériques dont le lecteur éprouve les plus grandes difficultés à croire qu'il doive les prendre au sérieux. L'idée d'une vie après la mort ne semble pas faire partie du credo du scénariste, et certainement pas sous cette forme aussi baroque. De fait il pioche dans la littérature de genre pour alimenter sa création : créatures surnaturelles (vampires, loups garous, zombies, goules), armes improbables (pieux pour vampire, épée démesurée et impossible à manier), rituels en tocs (signes cabalistiques inventés, croix renversée sans référence aux différentes formes de satanisme), concepts flous pour en mettre plein la vue (Séfiroth obscure, opium noir, runes de Malédiction), vocabulaire macabre et creux (nécro-garde, empaleur, archéologiste, Maîtres de l'infini, tempête chaotique, etc.). Mais il se produit le même phénomène qu'avec les illustrations, la débauche d'artifices finit pas créer une ambiance malsaine, de par son usage systématique et obsessionnel.

À quelque page qu'il se trouve, le lecteur ne peut échapper à la rigueur macabre et glauque du récit, du départ avec un champ de bataille jonché de cadavres, à la fin avec une scène de bataille hallucinée, en passant par le visage d'Hitler avec des crocs acérés, le rituel de mutilations infligées à Heinrich Augsburg pour son initiation, ou la proue sculptée des vaisseaux volants. Il n'y a pas de respiration comique, de touche d'humour pour introduire une bouffée d'air frais. Même le concept d'huile solaire pour protéger la peau des vampires devient la marque d'un environnement qui est néfaste à la vie de ces individus. Le lecteur a alors bien du mal à éprouver de l'empathie pour quelque personnage que ce soit, chacun incarnant une ou plusieurs facettes d'une pulsion morbide, du fardeau de la culpabilité, de la persévérance dans un mode de vie agressif et destructeur.


Le lecteur ressort de ce premier tome (sur 12 de prévus) totalement déboussolé. Il apprécie de pouvoir revenir à une réalité finalement moins morbide que celle dans laquelle il s'est retrouvé immergé. Il n'a aucune idée d'où se dirigera le scénario par la suite (certainement que l'amour de Heinrich Augsburg pour Rebecca jouera un rôle quant à son avenir). Il n'est pas très sûr d'avoir tout compris aux règles de cette série : pourquoi le temps s'écoule-t-il à l'envers ? Quelle est la place et le rôle de Sire Vampire Cryptus dans l'ordre des choses ? À quoi servent les chevaliers vampires ? Par contre, il en ressort subjugué par la force de conviction des illustrations, par l'absence de compromis de la narration de Pat Mills. Ce premier tome propose de découvrir un Univers totalement original (bien qu'il emprunte son imagerie à tout un surnaturel de pacotille), aux côtés d'individus n'engendrant aucune sympathie, reposant sur une idée directrice d'une solidité à toute épreuve.