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lundi 25 mars 2019

Caroline Baldwin, tome 8 : La Lagune

Croyez-moi, toutes les victoires ont un prix.

Ce tome fait suite à Caroline Baldwin, Tome 7 : Raison d'Etat (2001) qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant. La première édition date de 2002 et il est repris dans Caroline Baldwin Intégrale T2: Volumes 5 à 8. Il a été réalisé par André Taymans pour le scénario, les dessins et l'encrage.

Finalement Caroline Baldwin n'est pas morte dans l'ancienne prison du deuxième district. Elle reprend ses esprits, en en étant la première surprise. Son agresseur muni de lunettes de vision nocturne, est étendu par terre, dans une flaque de son propre sang. Elle se relève, ramasse son arme, et avance prudemment dans les couloirs longés dans la pénombre. Elle trouve un deuxième individu abattu d'une balle dans le front. Elle se met à courir vers la sortie, sans plus prendre de précaution. 3 jours plus tard, Caroline Baldwin se trouve à Bangkok, dans une suite luxueuse de l'Orient Hôtel. Arnold Levis, des assurances Star, entre dans la pièce. Il l'informe qu'elle est accusée du meurtre du procureur John Steele, ce qui fait la une du New York Times. Il lui laisse le journal et lui indique qu'il l'attend pour le dîner à vingt heures tapantes. À l'heure dite, Caroline Baldwin descend le magnifique escalier de l'hôtel et se rend sur la terrasse où l'attend Levis. Il commande sèchement deux cocktails sans lui demander son avis. Elle ajoute la formule de politesse à destination du serveur, et se retourne vers Levis pour lui indiquer que l'argent ne dispense pas d'être poli.


Arnold Levis indique à Caroline Baldwin que la confirmation est arrivée : les rebelles birmans sont passés au Laos. Du coup le programme est qu'il l'accompagne jusqu'au poste de frontière de Nong Khai où elle traversera le Mékong pour rejoindre Vientiane. Il ajoute que l'argent de la rançon lui sera livré au Laos. Excédée par ses manières, Caroline Baldwin quitte la table avant qu'ils ne soient servis, et rejoint sa chambre. De son côté, Ed Mitchum se trouve aussi à Bangkok où il va prendre contact avec Neng, un ancien camarade des services secrets. À Vientiane, Mitchum fait du repérage dans les rues. Caroline Baldwin est dérangée dans son bain par des coups frappés à la porte. Emmaillotée dans sa serviette, elle va ouvrir : il s'agit de 2 hommes venus lui remettre le sac de billets. Elle le prend en charge, signe le reçu, sans vérifier la somme, à savoir 5 millions de dollars. Les 2 hommes s'en vont aussi discrètement qu'ils sont venus. Dans sa chambre, Elle est allongée en petite culotte noire, le gros sac à côté d'elle, ouvert, avec quelques liasses de billet sur les draps. Elle prend pleinement conscience de sa situation aussi dangereuse qu'inextricable.


Ce tome constitue la deuxième moitié de l'histoire commencée dans le précédent, et le suspense était assez élevé pour qu'il ne fasse pas de doute dans l'esprit du lecteur qu'il revienne pour en connaître la fin. André Taymans reprend son intrigue là où il l'avait laissée : Caroline Baldwin reprend connaissance, très surprise de ne pas être morte, tuée d'une balle dans la tête. Le lecteur est un peu moins surpris puisqu'il sait que la série continue. Pas de temps perdu : dès la page 3, l'héroïne se trouve à Bangkok en Thaïlande, pour retrouver Raph Mulligan et remettre la rançon de 5 millions de dollars. En cohérence avec le tome précédent, Caroline Baldwin ne se transforme pas en héros capable de tout résoudre par ses capacités de déduction, sa capacité à se défendre et sa chance incroyable. Elle poursuit son enquête essentiellement en avançant et en espérant trouver des indices. Elle bénéficie de l'aide de plusieurs personnes, à commencer par des individus employés par la compagnie d'assurance Star, cette dernière mettant en action son réseau et ses ressources internationales. C'est ainsi que la rançon lui est livrée à domicile dans le village de Vientiane et qu'un courriel lui arrive bien inopinément. Au fur et à mesure, elle peut mesurer à quel point elle n'est souvent qu'un pion pris entre le feu de plusieurs intérêts conflictuels.


Arrivé à ce huitième tome, le lecteur s'est constitué un horizon d'attentes, s'attendant à retrouver les caractéristiques qui font la spécificité de cette série. L'auteur répond auxdites attentes, à commencer par la composante touristique de l'histoire. Il prend plaisir en découvrant ces pages où André Taymans lui sert de guide touristique : les immeubles en bordure du fleuve Chao Phraya, le magnifique hall de l'hôtel où sont descendus Baldwin et Levis et le repas en terrasse, les rues de Vientiane, une deuxième passage par les pelouses de la Maison Blanche, une démonstration d'arts martiaux en pleine rue et des individus déguisés dans une procession, sans oublier un petit tour en éléphant dans la jungle laotienne, et un petit tour en radeau en bambou sur un fleuve. Comme dans les tomes précédents, le dessinateur réalise des cases dans un registre descriptif et réaliste avec un bon niveau de détails. Les traits de contour sont un peu simplifiés pour conserver une bonne lisibilité, les visages des personnages et les silhouettes sont également un peu simplifiées pour mieux faire ressortir les protagonistes dans les environnements, et leur donner un peu plus de vie, sans pour autant donner une impression de caricature. Ils sont dépeints d'une manière réaliste, avec souvent la bouche entrouverte laissant une zone blanche entre les 2 lèvres, une forme de simplification.


Le plaisir visuel de la lecture ne réside pas que dans la découverte de lieux exotiques. Le lecteur retrouve la clarté de la narration visuelle de l'auteur au travers de 6 planches muette d'une lisibilité impeccable, avec un tension dramatique étonnante, que ce soit Caroline Baldwin en train de sortir en courant de la prison désaffectée, Ed Mitchum déambulant dans Vientiane, ou la superbe progression en radeau de bambou sur le fleuve. Taymans continue d'être un excellent metteur en scène et un directeur d'acteurs naturaliste qui sait rendre visible l'état d'esprit des personnages Le lecteur peut ressentir tout le mépris teinté de colère de Caroline Baldwin à l'encontre de Arnold Levis lors du dîner en terrasse, la tension dans les livreurs de la rançon pressés et soulagés de la remettre à Baldwin, la concentration dans les pratiquants des arts martiaux, la concentration de Baldwin dans sa réflexion pour comprendre la référence à la lagune et la photographie envoyée par courriel. La mise en couleurs conserve, elle aussi, une approche naturaliste, avec une petite faute de goût pour la séquence où Caroline Baldwin prend son bain, où l'artiste a exagéré la brillance de la peau par des nuances trop claires, aboutissant à une apparence de plastique plus que de peau satinée. Il sourit aussi en voyant la page 1 du tome précédent (Caroline sur son lit avec le sac de billets de banque) reprise dans ce tome, avec un autre texte, attestant de l'anticipation de l'auteur.


Le lecteur se plonge donc avec plaisir dans ces pages l'emmenant à l'autre bout du monde, aux côtés de personnages adultes et plausibles, pour découvrir l'issue de l'enlèvement de banquier détenant des informations compromettantes concernant le vice-président des États-Unis. De ci de là, il relève un détail apportant une saveur supplémentaire. André Taymans évoque en passant Inquiétude (1898) de Joseph Conrad, dont on peut supposer qu'il s'agit d'une de ses lectures. Le guide de Caroline Baldwin évoque le pays au million d'éléphants lors de l'excursion au Laos, donnant envie au lecteur d'en apprendre plus sur la population actuelle des éléphants dans ce pays. Il glisse le terme de stéganographie lorsque l'héroïne essaye de comprendre le sens de la lagune et du courriel. Il la montre hausser la voix contre Arnold Levis quand il se comporte de manière malpolie vis-à-vis des serveurs du restaurant de Bangkok. Le récit comprend 2 pages fortement chargées en phylactères pour qu'un protagoniste explique la situation que Baldwin découvre à la fin, rappelant les pages de même nature explicative dans le tome précédent. Avec un peu de recul, il se rend compte que le déroulement de l'histoire sait concilier 2 aspects a priori antinomique : le besoin d'avoir un personnage principal qui se lance dans l'aventure et dont les actions sont essentielles pour la résolution, et la représentation d'un monde où un individu seul ne pèse pas grand-chose dans un système complexe. C'est à la fois la volonté de Caroline Baldwin qui permet à la rançon d'être livrée, et à la fois un ensemble d'intervenants dans un système complexe qui lui permet d'accomplir sa mission et de rester en vie. Enfin, le dénouement prépare le tome suivant, Caroline Baldwin n'ayant pas toutes les preuves pour se disculper dans l'assassinat du procureur John Steel.



Cette deuxième moitié de l'histoire entamée dans le tome précédent répond aux attentes du lecteur : un voyage touristique en Thaïlande et au Laos, une Caroline Baldwin toujours aussi déterminée et allant de l'avant, une résolution satisfaisante de l'enquête sur l'enlèvement du banquier, des dessins faciles à lire tout en étant denses en informations visuelles, et des remarques en passant qui attestent d'un regard sur la société.



mardi 19 mars 2019

50 nuances de grecs, Tome 1 : Encyclopédie des mythes et des mythologies

L'expérience est un peigne pour les chauves, dit un proverbe chinois.

Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. La première édition date de 2017. Il a été réalisé par Jul & Charles Pépin. Il s'agit de leur quatrième collaboration après La Planète des sages T1 - Encyclopédie mondiale des philosophes et des philosophies (2011), Platon La gaffe, Survivre au travail avec les philosophes (2013) et La Planète des sages - tome 2 - Nouvelle encyclopédie mondiale des philosophes et des philosophies (2015).

Comme les autres ouvrages réalisés par ce tandem d'auteurs, celui-ci se présente sous la forme d'un gag en une ou 2 pages, avec en vis-à-vis, ou juste après, un texte sur 1 ou 2 pages. Tout commence avec Zeus lors d'un rendez-vous avec son avocate. Celle-ci passe en revue ses différentes conquêtes et les enfants qui sont nés de ces unions. Elle conclut sur l'ampleur de la pension alimentaire. Le texte en vis-à-vis évoque également les nombreuses amours du roi des dieux, en faisant apparaître ce qu'il en a retiré au-delà du moment de possession d'une beauté éphémère. Pan passe devant le juge pour différents chefs d'accusation : l'affaire du Sofitel de Mykonos, les agapes du Carlton de Delphes, un réseau d'escort-girls. Pan est un dieu ambigu, personnifiant une part de la sauvagerie de l'être humain, avec ses cornes et ses sabots caprins. Mais c'est aussi un dieu qui a participé à la lutte contre les Titans, et a été accueilli au panthéon olympien, reconnaissant ainsi la nécessité de l'existence de danseurs ivres, de la puissance libératrice de l'excès.


Sisyphe a été nommé ministre de l'éducation nationale, et chaque jour il doit recommencer à faire rouler la pierre de la réforme au sommet pour la voir aboutir. Sisyphe n'est pas que la métaphore de l'absurdité de la condition humaine, c'est aussi le symbole du cycle de la vie. Un couple de grecs se rend au centre commercial Parthénon II et observe la faune qui y traîne. Jason et les 49 Argonautes se sont lancés à a recherche de la Toison d'Or, affrontant bien des périls. Mais quel était le sens de leur quête, une forme de recherche pour assouvir un désir non formulé ? Poséidon n'a pas apprécié l'appropriation de son trident par le Club Méditerranée. Poséidon est un dieu ambigu qui peut apporter l'eau indispensable à l'agriculture, comme noyer les humains par un déluge. Au fil de ces quatre-vingts pages, les auteurs mettent également en scène Charon, Thésée, Ulysse, Cronos, Narcisse, Dionysos, les Amazones, Héra, Héraclès, Orphée, Pénélope, Éros, le pouvoir de Zeus, Œdipe, Prométhée, Dédale, les Centaures, Pégase, les Métamorphoses, Icare, Atlas, Athéna, les Cyclopes, Héphaïstos, Achille, Déméter, le Cheval de Troie.


Comme dans les précédents tomes, le lecteur est à la fois attiré par le programme et par les dessins. L'ouvrage promet de (re)découvrir la mythologie grecque sous forme d'articles courts et synthétiques, version digest. Le dessin de couverture réussit à marier une représentation rendant les dieux sympathiques et très humains, à la fois immédiatement reconnaissables, avec un air un peu benêt qui les rend inoffensifs, voire tellement gentillet que la moquerie n'est pas loin. La page au dos de la première de couverture et la page en vis-à-vis forment un trombinoscope reprenant 34 portraits de dieux en gros plans, tous avec une gueule pas possible, dans la même veine caricaturale. Jul réalise donc 24 gags en 1 page et 8 gags en 2 pages. Il mêle allègrement les dieux en tenue antique avec des éléments modernes comme les téléphones portables, les avocats, le supermarché, une tablette, un camion de la fourrière, etc. Une partie de l'humour est générée par ce comique de situation basé les anachronismes. Dans le même ordre d'idée, les situations mises en scène reposent également sur d'autres anachronismes, mêlant panthéon antique et actualité : pension alimentaire, réforme de l'éducation nationale, traversée maritime périlleuse d'immigrés clandestins, selfies, Femen, libéralisation du marché de l'énergie, accessibilité pour les personnes à mobilité réduite, sites de rencontre, etc.


Comme à son habitude, Jul réalise des dessins aux contours un peu lâches, dans des cases sans bordure. Le lecteur ressent une empathie immédiate avec les personnages représentés, grâce à l'expressivité de leurs visages. Chaque situation donne une impression d'évidence naturelle, alors même qu'il semble n'y a avoir que quelques traits grossiers pour représenter la scène, souvent dépourvue de décor. Pourtant le lecteur reconnaît immédiatement qui il a en face de lui et où se situe la discussion ou l'action. L'artiste impressionne par sa capacité à évoquer et faire s'incarner ainsi des caractères et des lieux en un minimum de traits. Il met en jeu plusieurs registres de comique : de situation, de relations, allant jusqu'à l'absurde ou au comique purement visuel, avec une facilité épatante. Le lecteur en vient à se demander s'il va finalement lire les pages de texte.


Comme dans le deuxième tome sur les philosophes, Charles Pépin fait en sorte que son texte évoque régulièrement le gag imaginé par Jul. Bien évidemment, ce dernier met en scène le dieu ou les personnages dont il est question dans la page en vis-à-vis, mais en plus régulièrement le philosophe reprend une partie de la situation imaginée par l'artiste. Le contenu des textes s'avère différer d'un dieu à l'autre, allant de l'évocation très condensée de l'histoire d'un dieu ou d'un personnage, à une réflexion périphérique sur un de ses aspects, pas forcément le plus connu. Ainsi la page consacrée à Poséidon revient sur de nombreux événements mythologiques qui lui sont associés, sans beaucoup développer leur interprétation. Le lecteur reste un peu sur sa faim, avec un condensé partiel de la mythologie associée à Poséidon, forcément lacunaire et réducteur, et un ou deux jugements de valeur, comme plaqués artificiellement entre 2 événements. À l'opposé, l'article (de 2 pages) sur Dionysos développe essentiellement des réflexions sur sa dimension métaphorique, sans presqu'aucun fait sur sa mythologie, laissant le lecteur novice sur sa faim. De dieu en dieu, le lecteur observe également que Charles Pépin a changé son fusil d'épaule.


Les 3 premiers ouvrages réalisés par Jul & Pépin adoptent une approche philosophique, à la fois en évoquant la vie et les concepts développés par les plus grands philosophes. Ici, il est fait quelques mentions de thèmes philosophiques, mais l'approche est surtout de nature psychanalytique. En cela, cet ouvrage ne respecte pas forcément l'horizon d'attente du lecteur. En fonction des dieux, le lecteur se retrouve plus ou moins intéressé par l'amour comme forme de pouvoir, la nature insaisissable de l'objet du désir, la question des rémanences de sa personnalité après la mort, l'attrait de l'interdit, la dualité entre corps & âme, la figure de l'impair comme symbole de la pensée unique, etc. En fonction de la sensibilité du lecteur, certaines entrées peuvent laisser perplexe, comme celle sur Poséidon, ou celle sur la foudre de Zeus. Au contraire, d'autres peuvent surprendre par leur thème ou leur interprétation inattendue. Par exemple, Charles Pépin ne se contente pas de vulgariser le mythe de Sisyphe pensé par Albert Camus, il en propose une autre interprétation qui vient le compléter. Le mythe de Thésée donne lieu à un développement relatif au triomphe de la raison sur les affects, et celui d'Icare sur la transmission de l'expérience (avec un proverbe chinois en bonus : l'expérience est un peigne pour les chauves). Le lecteur apprécie à des degrés divers cette évocation de la sagesse grecque antique et l'interprétation que peut en faire le philosophe. Il constate la richesse de ces mythes qui se prêtent à plusieurs interprétations possibles.


Néanmoins, dès la première rubrique (consacrée aux amours de Zeus), il relève une petite phrase rappelant une évidence : pas d'amour désintéressé comme chez les chrétiens. La deuxième rubrique ne fait pas référence à la religion monothéiste. Toutefois le lecteur y retrouve une allusion dans le texte consacré à Dinoysos, une autre pour l'amour entre Pénélope et Ulysse. Ces petites remarques discrètes apportent alors une autre dimension à la lecture. Il ne s'agit plus simplement d'une série de gags savoureux basés sur le décalage, et d'évocations plus ou moins détaillées de pans mythologiques avec un éclairage psychanalytique. Il s'agit aussi d'une vision du monde préchrétienne. Les auteurs ne mettent pas cette dimension en avant, mais le lecteur en prend conscience progressivement, ou cela lui revient à l'esprit. Par cette prise de recul, l'ouvrage apporte une perspective inattendue, devenant aussi le révélateur de la transformation idéologique amenée par l'avènement du christianisme, par la réduction opérée par l'idéologie de cette religion, tant sur le plan moral que sociétal.


S'attendant à un ouvrage similaire aux précédents réalisés par Jul & Charles Pépin, le lecteur est à la fois conforté et déstabilisé. Il retrouve la forme des 2 tomes sur les philosophes, 1 page de BD avec 1 page de texte en vis-à-vis, ou 2 pages de BD suivies de 2 pages de texte, chaque entrée se focalisant sur un dieu ou un personnage différent. Il est aussi pris au dépourvu par une orientation plus psychanalytique que philosophique, et par des textes où la répartition entre informations mythologiques et considérations sociales et psychologiques varient fortement de l'un à l'autre. Il lui faut également un peu de temps pour prendre conscience que cet ouvrage propose d'examiner des points de vue préchrétien, faisant ainsi ressortir des façons de penser tellement habituelles qu'elles en paraissent objectives. 4 étoiles pour une approche au dosage fluctuant d'une entrée à l'autre.



lundi 11 mars 2019

Le syndicat des algues brunes

Ce tome comprend une histoire indépendante de toute autre, racontée sous la forme d'un roman-photo. Il a été réalisé par Amélie Laval et édité par les éditions FLBLB. Il fait intervenir 47 acteurs. Les rôles principaux sont interprétés par Shuey-Shyen Duong (Ky Duyen Canac) et Cécile Peyrot (Fondamente). Cécile Rémy est responsable de la photographie. Aucun animal n'a été maltraité durant le shooting du Syndicat des algues brunes. L'édition originale date du premier trimestre 2018. Cette histoire comprend 211 pages de photo-roman.

Ky Duyen Canac (championne vietnamienne de l'art martial Vovinam Viet Vo Dao) déambule dans les ruelles d'une ville du sud de ce qui s'appelait précédemment la France, aujourd'hui appelée région Soleil Lavande dans le pays Avrupa. Elle finit par trouver l'adresse qu'elle cherche au 140 d'une rue. Elle tire la clé d'accès d'une enveloppe qu'elle avait dans sa poche et monte dans les étages jusqu'à l'appartement qui fut celui de son père Serge Canac. L'appartement est visiblement vide depuis plusieurs jours. Les différents miroirs et surfaces vitrées répondent à Ky Duyen Canac qu'ils ne savent pas quand le propriétaire reviendra. Elle ressort de l'appartement et regagne la rue où elle marche en écoutant le message que lui avait laissé son père. Elle se fait agresser dans une rue déserte par 2 hommes tenant des propos racistes, qualifiés de presse-citrons. Elle riposte en utilisant son art martial. Un homme se retrouve étendu sans connaissance à terre, l'autre tombe de tout son long et son corps se transforme en mousse savonneuse. Une femme (Fondamente) se porte au secours de Ky Duyen Canac, l'aide à se relever et l'emmène jusqu'à un taxi. Canac est légèrement blessée à l'épaule.

Chemin faisant, Ky Duyen Canac explique qu'elle est championne olympique d'art martial, et Fondamente explique que l'homme qui s'est transformé en mousse devait être un barbotard, c’est-à-dire un être humain de quatrième génération. Elles se font déposer au pied de l'immeuble de Fondamente qui invite Ky dans son appartement et qui soigne son épaule. Ky explique à son hôtesse qu'elle est venue pour voir son père qui lui avait envoyé un double des clés de son appartement. Fondamente explique qu'elle est journaliste et qu'elle essaiera de se renseigner sur Serge Canac. Elle ajoute qu'elle aimerait voyager en Asie mais que les individus de groupe sanguin A et O n'ont pas le droit de sortir du territoire et elle est du groupe A. Ky indique qu'il n'y a pas ce genre de problème au Vietnam car il n'y a plus d'humains générationnels là-bas. Fondamente s'en va finir un article ; Ky effectue quelques katas avant de se coucher sur le canapé. Elle se réveille seule dans l'appartement le lendemain matin. Elle petit-déjeune d'une soupe à la lavande. Puis elle effectue des exercices d'assouplissement. Fondamente rentre sur ces entrefaites et lui propose d'aller manger à l'extérieur.


Étonnant qu'il puisse encore paraître de nouveaux romans-photos en 2018, qui plus est qui ne s'inscrivent pas dans le genre romance. Pourtant le lecteur découvre dès les premières pages, qu'il s'agit d'un roman-photo en bonne et due forme, avec des photographies soignées, pouvant aller jusqu'à 10 dans une page, dans des lieux variés, pour une histoire entre thriller politique et enquête. Amélie Laval a construit son récit comme une bande dessinée, avec des photographies à la place de dessins dans des cases. Le lecteur de BD retrouve donc une forme de narration séquentielle très familière, classique dans son ordonnancement, avec des cases rectangulaires, sagement alignées en bande, les unes au-dessus des autres. La taille des cases varient en fonction de la nature de la séquence et de ce qui est montré, des cases étroites, ou des cases de la larguer de la page, des petites cases, ou quelques photographies en pleine page. En choisissant ce mode de narration essentiellement descriptif, l'autrice se confronte à la problématique du budget. Alors qu'en bande dessinée, l'artiste dispose d'un budget illimité pour les effets spéciaux et les décors (sous réserve du temps passé à les représenter), le roman-photo est tributaire soit des décors naturels, soit des décors de studio, mais ce n'est alors plus le même prix. L'artiste a pris le parti des décors naturels, et le lecteur peut apprécier au fil du récit leur diversité : ruelles, cage d'escalier, intérieurs d'appartement, café, voirie urbaine, autoroutes, paysages naturels, supermarché, calanque, port, salle de réunion. À l'opposé de longues pages en plan fixe dans 3 lieux sans âme, Amélie Laval donne à voir de nombreux environnements, très ordinaires pris séparément, constituant un décor élaboré et varié dans leur effet cumulatif.

Le lecteur retrouve la même approche naturaliste et généreuse dans le casting. Au fil de ces 211 pages, il observe une cinquantaine d'individus différents, interprétés par autant d'acteurs. Amélie Laval n'a pas choisi d'en faire des modèles de beauté esthétique, préférant conserver une apparence normale. Là encore cette apparente banalité peut masquer la variété, ainsi que l'effet que cela produit. Le lecteur plonge en fait dans un monde quasi identique au sien, croisant des individus normaux, se conduisant de manière normale. Le registre narratif n'est pas celui du spectaculaire, mais un registre qui privilégie la narration et la cohérence interne. Le lecteur narquois peut n'y voir que la nécessité (budget contraint) qui fait loi, mais au fil des pages il s'impose une impression globale de choix narratif en phase avec la nature du récit. Les expressions des visages sonnent juste, ainsi que les postures des acteurs. Qui plus est, les mouvements lors des affrontements physiques apparaissent réels, à l'opposé d'une exagération spectaculaire, évitant l'écueil de tomber dans le ridicule.


Le lecteur voit les personnages évoluer comme s'il s'agissait d'individus croisés dans la rue, dans une représentation de la réalité très proche de la sienne. La narration neutralise ainsi le risque de la moquerie ou de l'autodérision involontaire en optant pour un premier degré refusant les facilités pour enjoliver les apparences, tels que filtres photographiques, effets bon marché, ou retouches infographiques en post production. Du coup, l'intrusion des éléments d'anticipation (pour le coup réalisés avec des moyens limités) passe plus facilement, que ce soit les morts qui se transforment en mousse, ou ceux qui portent une combinaison intégrale en fausse fourrure. L'autrice n'essaye pas de faire passer ces éléments pour des effets spéciaux haute technologie. Elle ne cache pas au lecteur leur nature basique, lui laissant la possibilité de les prendre en l'état sans raillerie.

Indépendamment de son goût pour le roman-photo ou pour la bande dessinée, le lecteur se laisse donc facilement entraîner dans cette narration visuelle, plutôt riche, utilisant des découpages de planche spécifiques à la BD, un peu déconcertante par la précision des photographies qui ne laissent pas de place à l'imagination comme le font les dessins. Le lecteur est tenté de prendre le temps de détailler chaque photographie pour y déceler des éléments signifiants, alors qu'il ne s'agit que de la densité d'informations visuelles propre à la photographie. La précision photographique laisse également moins de marge de manœuvre à l'autrice pour détourner la fonction première de l'objet qui est montré. Pourtant, Amélie Laval réussit quand même à induire des fonctions inhabituelles dans des objets de la vie de tous les jours : les surfaces vitrées ou les glaces qui servent d'écran, les berlingots en plastique qui contiennent des produits inusuels, une chipolata comme produit de contrebande vendu à la sauvette, du varech comme manifestation psychique d'une maladie, ou une innocente brosse à dents comme outil de pollinisation. À nouveau le traitement premier degré et précis de ces détournements d'objet ne tombe pas dans l'écueil de la moquerie suscitée par un manque de moyen financier, mais s'accompagne plutôt d'une sensation poétique ou surréaliste. S'étant habitué à cette narration visuelle naturaliste, le lecteur est d'autant plus surpris quand il découvre une case (enfin une photographie) ou une séquence en décalage avec sa réalité, comme par exemple le troupeau de moutons en pleine ville ou les algues sur le notaire.


Dans un premier temps, le lecteur peut s'interroger sur la forte pagination de cette histoire, mais il constate rapidement que l'autrice a tiré profit de la richesse des lieux et de la variété des personnages, pour réaliser une quarantaine de planches sans texte, ni phylactère, laissant les images raconter l'histoire, offrant au lecteur la possibilité de gérer sa vitesse de lecture. Pour autant, le récit s'avère ambitieux et consistant. Il peut être lu au premier degré comme un thriller d'action, avec une enquête sur le sort de Serge Canac, le père de Ky Duyen Canac, mêlé à une sombre histoire d'intérêts financiers et de magouilles géopolitiques. Au fil des séquences, le lecteur voit également apparaître plusieurs thématiques : l'immigration, la séparation d'avec le père, l'écologie, la politique extérieure, une forme d'eugénisme. Dans le cadre d'un récit d'anticipation comme celui-ci, une partie des thèmes ne sert qu'à nourri le contexte du récit, mais une autre constitue un regard personnel de l'autrice sur des bouleversements sociétaux en devenir, ou sur des composantes de la société déjà en train de la transformer. Amélie Laval utilise bien le genre Anticipation comme un révélateur par processus de contraste, de certaines caractéristiques de la société contemporaine.


En découvrant cet ouvrage, le lecteur ne sait pas trop à quoi s'attendre. Il a peut-être été aiguillé par la référence qui y est faite par Jan Baetans dans La petite Bédéthèque des Savoirs - tome 26 - Le roman-photo (2018, avec Clémentine Mélois), tout en sachant par avance que son ambition littéraire ne saurait égaler celle de Droit de regards (1985) de Marie-Françoise Plissart, avec Benoît Peeters. Il perçoit vite la richesse de de la mise en images du récit, constatant qu'il s'agit d'une narration professionnelle avec un niveau d'exigence et de finition élevé de la part de l'auteur : que ce soit la qualité des photographies, le jeu des acteurs et la distribution, ou la variété des lieux. Il plonge dans un récit d'anticipation bien ficelé, mis en scène avec intelligence, portant un regard sur certains aspects de la société moderne, sous la forme d'une enquête mâtinée de thriller. Cette lecture se révèle à la fois atypique, exhalant des saveurs inusuelles, et un récit entraînant et intelligent.

Une interview de l'autrice Amélie Laval sur la réalisation : interview Amélie Laval


mardi 5 mars 2019

Caroline Baldwin, Tome 7 : Raison d'Etat

Épargnez-moi votre baratin et dites-moi ce qui vous amène.



Ce tome fait suite à Caroline Baldwin, tome 6 : Angel Rock (2000) qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant. La première édition date de 2001 et il est repris dans Caroline Baldwin Intégrale T2: Volumes 5 à 8. Il a été réalisé par André Taymans pour le scénario, les dessins et l'encrage.


Trois semaines plus tard, Caroline Baldwin se trouve au Laos, dans un hôtel, allongée en petite culotte sur son lit, avecun gros sac ouvert à ses côtés, rempli de billets de banque, 5 millions de dollars. Au temps présent, une équipe de 3 agents (dirigée par Gary Scott) est en planque à Tadoussac, au Québec, en train d'observer le cimetière. Caroline Baldwin arrive au cimetière où elle vient se recueillir sur la tombe de son grand-père. Elle a toujours avec elle la pipe qui lui a confiée dont l'odeur réveille en elle son souvenir. En se promenant dans les allées du cimetière, elle a l'impression d'être en train de converser avec son grand-père qui lui dit qu'elle a encore des choses à faire ici. Elle s'interrompt quand elle entend prononcer son prénom. Elle court se jeter dans les bras de Gary Scott en le reconnaissant. Ils vont papoter dans la maison de son grand-père. Caroline Baldwin indique à Gary Scott qu'elle est séropositive.

À l'écart de la ville sur une route traversant la forêt, 4 hommes attendent autour d'une voiture, fenêtres, capot et coffre ouvert. L'un d'entre eux téléphone à leur commanditaire pour indiquer qu'ils n'ont pas encore retrouvé leur cible. Caroline Baldwin & Gary Scott se promènent sur la plage. Elle évoque le fait que la maladie a bousculé sa façon d'appréhender les choses, et lui a appris à relativiser. Elle songe à démissionner du cabinet d'enquête qui l'emploie à New York. Gary Scott lui indique qu'il ne peut rien dire sur la mission qu'il est en train d'effectuer et qu'il repart le lendemain matin. Mais il promet de revenir la voir pour un projet de 3 mois de vacances. Le lendemain, Caroline Baldwin se réveille seule dans le lit. Elle décide d'aller prendre un brunch chez Jimmy. Dans le diner, la télévision diffuse des informations sur l'enlèvement du banquier Ralph Mulligan, la volonté de Kristin Wallace (sénatrice et candidate à la Maison Blanche) de réunir les fonds de sa rançon par souscription. Jimmy ironise sur les magouilles pré-électorales, tout en servant Caroline. Celle-ci le rembarre en disant que le temps est venu pour une présidente femme.


Pour cette nouvelle aventure, André Taymans choisit de raconter une nouvelle enquête dans le format d'un diptyque, et qui s'inscrit dans le genre thriller politique. Le lecteur voit donc revenir Gary Scott, agent du FBI, apparu pour la première fois dans Caroline Baldwin, n° 2 : Contrat 48-A (1998). L'auteur le dépeint comme un individu à l'apparence ordinaire, avec des lunettes rondes banales. Durant ces pages, son lien affectif avec Caroline Baldwin apparaît sincère, au point qu'il la contacte pendant une mission, malgré le risque de se faire connaître. Par la suite, son professionnalisme reprend le dessus et celui-ci inclut de faire passer le boulot avant tout, de manier des armes à feu, d'ordonner l'exécution d'individu si nécessaire, et de prendre des risques mettant en danger son intégrité physique. Le dessinateur n'en fait pas un barbouze pour autant, ni un athlète de haut niveau, encore moins, un culturiste. De même les autres agents secrets et opérateurs privés sont vêtus de tenues civiles de type jean & blouson, ou pantalon & veste avec chemise. Baldwin ne donne donc pas l'impression d'être en décalage par rapport à ces individus, et ceux-ci apparaissent plausibles dans le cadre d'opérations officieuses ou clandestines.

Après Angel Rock (tome 6) à l'intrigue très simple, le scénariste passe à une intrigue plus dense et de plus grande ampleur. De nouvelles élections approchent aux États-Unis, et des dossiers ressortent. L'enjeu est double : retrouver un banquier qui en sait long sur des dispositifs de financement occulte, afin par ricochet de disposer d'un témoignage permettant d'incriminer pas moins que le vice-président des États-Unis. Pour pouvoir mettre en place une telle intrigue, Taymans a besoin d'exposer de nombreuses informations. Dans un premier temps, il le fait de manière assez élégante par le biais d'un téléviseur dans un diner. Mais pour la suite, il lui faut délivrer ces informations de manière plus ramassée, ce qui donne d'abord 3 pages d'exposé du procureur John Steele avec quelques questions de Caroline Baldwin, puis plus loin 3 autres pages d'exposé par Arnold Levis (représentant des assurances Star), en présence de Martin Wilson (le patron de l'agence qui emplie Baldwin) avec à nouveau quelques questions de Baldwin. Ces 2 séquences mettent également en lumière la sensibilité de metteur en scène de l'auteur. Lorsque John Steele explique la situation, lui et Baldwin se promènent sur une plage, le lecteur pouvant admirer cette grève de Tadoussac (et même en reconnaître la forme s'il y a séjourné) et humer l'air marin avec eux. Pour la deuxième, les 3 interlocuteurs sont assis dans le salon de Baldwin, et le lecteur peut observer son aménagement, et scruter le langage corporel des personnes en train de parler ou d'écouter. Du coup, ces séquences de déchargement d'informations en gros présentent un intérêt visuel et le lecteur ne se dit pas qu'il pourrait ne lire que les phylactères sans s'intéresser aux images.


Ces 2 séquences ne sont pas les seules invitant le lecteur à profiter du paysage ou d'un aménagement intérieur. André Taymans continue d'accorder une grande importance aux différents environnements. En extérieur, le lecteur peut prendre le temps de détailler les différentes formes de pierre tombale dans le cimetière de Tadoussac, puis il laisse son regard errer sur le rivage de la ville. Il se rend compte de la profondeur des forêts en arrière-plan. Il jette un coup d'œil au bateau échoué devant la maison louée par Baldwin. Au détour d'une page, il bénéficie même d'une vue panoramique des jardins de la Maison Blanche, le temps de 2 cases, vision inattendue et donnant envie de parcourir ces pelouses. L'artiste invite également le lecteur à pénétrer dans différents bâtiments, avec une mise en scène lui permettant d'en voir les particularités, et d'en ressentir l'impression qu'ils dégagent. Le lecteur se met à avoir trop chaud dans la moiteur de la chambre d'hôtel de Caroline Baldwin au Laos (et pas seulement parce qu'elle est en petite culotte noire). Il prendrait bien une boisson chaude chez Jimmy, avec ces tables de bonne taille, un aménagement simple et spacieux. L'aménagement intérieur de la maison louée par Baldwin donne envie d'y séjourner pour s'y reposer. Le lecteur aimerait pouvoir prendre ses aises comme le vice-président Preston dans le fauteuil du Bureau Ovale. L'aménagement de la maison de Baldwin donne des indications quant à ses goûts, des meubles à la fois traditionnels et un peu confortables, des couleurs chaudes, la préservation d'un espace suffisant pour évoluer facilement entre les meubles. Une fois encore, le lecteur est impressionné par le niveau de détails des dessins et l'investissement de l'auteur pour personnaliser chaque lieu. Comme précédemment, la mise en couleurs s'inscrit dans un registre naturaliste, participant à la lisibilité de chaque case, quelle que soit la densité d'informations.

Tout du long de ce tome, le lecteur continue d'en pincer pour l'héroïne, ou au moins de ressentir une forte empathie pour cette femme au caractère bien trempé, oscillant entre des phases d'action et des périodes de déprime. André Taymans la fait changer de tenue en fonction des séquences et des circonstances, dans un registre parfois fonctionnel et confortable, parfois plus intime. Ici, Caroline Baldwin apparaît en petite tenue dans 4 pages différentes, nue ou en petite culotte. L'auteur a même choisi d'ouvrir son récit avec Caroline en petite tenue sur son lit, de toute évidence un choix effectué sciemment pour retenir tout de suite l'attention du lecteur. Dans le même temps, ce dernier n'éprouve pas non plus l'impression d'un racolage outrancier réduisant Caroline à un simple objet du désir. Le lecteur le perçoit plus comme la manière d'être de Baldwin, comme une manifestation de sa personnalité. Il regrette quand même que le metteur en couleur exagère le jeu sur les nuances de couleurs pour donner plus de volume aux courbes de son corps, de manière artificielle, donnant presque une impression de plastique.

Après le récit intimiste du tome 6, André Taymans se lance dans un thriller politique nécessitant quelques pages d'exposition pour la mise en place. Pour le reste, la narration conserve toutes ses qualités : des dessins descriptifs combinant une lisibilité immédiate et un haut niveau de détails, pour des environnements très consistants et uniques. Si l'affaire tombe sur Caroline Baldwin du fait de sa relation avec Gary Scott, son déroulement entremêle une situation plausible (en fait les affaires sortant dans la presse sont souvent plus énormes), avec le caractère et l'histoire personnelle de Caroline Baldwin, Taymans faisant même référence explicitement à plusieurs tomes précédents. Le lecteur se laisse facilement embarquer pour cette nouvelle enquête, savourant la dimension touristique de la visite de Tadoussac, la séduction de Caroline Baldwin, et il se laisse gagner par le suspense qui s'installe progressivement jusqu'à la scène finale dont la tension assure son retour pour le tome suivant.