Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. La première édition de cet ouvrage date de 2018. Elle a été réalisée par Frantz Duchazeau pour le scénario, les dessins, et l'encrage. La mise en couleurs a été réalisée par Walter. Il s'agit d'une bande dessinée de 186 pages.
Leopold Mozart est en train de donner une leçon de piano à sa fille Nannerl (Maria Anna). Il met fin à la leçon. Elle indique qu'elle va prier à l'église et prier pour leur mère, et pour Wolfgang. Le père se souvient de l'enfance de son fils : en particulier d'avoir constaté son génie musical précoce. Il se rappelle également le Grand Tour effectué avec cet enfant prodige entre 1762 et 1766, ainsi que sa démission de son poste de maître de concert à Salzbourg. En avril 1778, Mozart est à Paris et il se rend dans une riche demeure pour jouer du piano lors d'une réception. La riche noble le fait installer au piano : il fait observer que trois touches sont bloquées sur le clavier. Elle lui répond que ça ne devrait pas être trop compliqué pour lui. Il joue au piano et tout le monde continue à parler sans prêter attention à lui. Il est abordé par la duchesse de Castries qui lui demande de lui donner des leçons à partir du lendemain, ce qu'il accepte. Il retourne dans le petit appartement qu'il occupe avec sa mère en lui disant qu'il faut qu'il s'achète une nouvelle veste. Sa mère lui fait remarquer qu'il n'a pas d'argent.
Mozart ressort pour aller se promener dans les rues de Paris. Il se rend chez le coiffeur et en profite pour se faire raser pour la première fois de sa vie. Il se trouve beau. Ensuite il va donner la leçon promise à la duchesse. Quand il arrive, il a surprise de constater qu'il y a de nombreux invités. Elle lui explique que ce sont des amis qui sont passés à l'improviste, mais que cela n'empêche pas qu'il lui donne une leçon. Elle se lasse très vite, n'arrivant pas à jouer correctement. Il s'installe à côté d'elle et joue : tout le monde s'arrête de papoter et écoute. Quand il s'arrête, Joseph Legros s'approche de lui et se présente, en tant que directeur du concert spirituel. Il a reconnu l'enfant prodige. En réponse aux questions, Mozart indique qu'il a maintenant 22 ans. Legros lui commande une symphonie. Mozart rentre chez lui et évoque ce qu'il vient de se passer avec sa mère. Elle lui demande s'il a été payé : il répond que non, qu'on lui a donné une tabatière pour sa composition de chœurs. Il ajoute qu'il lui tarde de composer un opéra qu'il n'a aucune envie de retourner à Salzbourg ou à Mannheim où il n'est rien. Il s'énerve en découvrant que la troisième lettre écrite par son père cette semaine, en sachant déjà ce qu'elle contient : il doit trouver une situation stable, il doit oublier Aloysia Weber, il faut qu'il pense à son père qui s'est endetté pour que son fils puisse faire ce voyage. Le lendemain, il va rendre visite à Friedrich Melchior Grimm, un bienfaiteur, sur les conseils de son père.
Le titre est très explicite : cette bande dessinée se focalise sur les semaines passées à Paris, par Mozart de mars 1778 à octobre de la même année. L'introduction de 3 pages évoque très rapidement les années d'enfance de Wolfang, essentiellement le Grand Tour et le besoin d'affection de l'enfant. Il vaut mieux que le lecteur soit un peu familier de l'histoire du compositeur pour comprendre cette phase de sa vie. En effet, le comportement, le ressenti de Mozart et la réaction des personnes autour de lui forment le prolongement logique de ce Grand Tour. Au cours de cet ouvrage, la compréhension du lecteur varie fortement en fonction de sa familiarité avec la vie Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Il est fait mention de manière incidente, sans développement particulier, du métier du père de Wolfgang, d'Aloysia Weber (1760-1839, soprano allemande), du Grand Tour, de sa taille, de ses amis musiciens de Mannheim, du contexte de composition des opéras et de la musique, en particulier par Christoph Willibald Gluck (1714-1787) et Niccolò Piccinni (1728-1800), de son poste de Konzertmeister à Salzbourg. L'ouvrage s'adresse donc à un lecteur qui a déjà eu la curiosité de s'intéresser à la vie du musicien et qui en connaît les grandes phases. Un lecteur néophyte éprouve des difficultés à saisir les enjeux quand ils ne sont exprimés qu'à demi-mots, ou même l'attitude de Mozart et les réactions qu'elle provoque, faute d'avoir déjà une idée au préalable de son caractère et de sa réputation.
En découvrant la première page, le lecteur constate que l'artiste ne souhaite pas s'inscrire dans un registre réaliste pour certains éléments de ses dessins. Cela se voit en particulier dans les visages qu'il représente plus ronds que la normale, le nez de Mozart un peu trop long et trop arrondi, sa silhouette avec une taille d'enfant, les yeux souvent représentés sous la forme d'un simple point, des petits traits un peu légers à l'intérieur des formes détourées pour les plis et les textures, comme s'il s'agissait de traits de crayons préliminaires, des contours qui semblent un peu lâches, pas assez précis. Cette apparence peut sembler s'apparenter à des dessins à l'économie, mais cette impression disparaît dès la page 9. L'artiste investit beaucoup de temps pour représenter certains décors : une vue de l'Île de la Cité, la cour intérieure d'une immense demeure où il ne manque pas un seul carreau aux fenêtres, les rues de Paris avec des bâtiments reconnaissables (par exemple les arcades de la Place des Vosges), une vue du ciel de l'Île de la Cité, les pianos ouvragés des riches bourgeois, plusieurs ponts de Paris, l'Hôtel de Ville, la Fontaine des Innocents et sa place, les jardins des Tuileries, le magnifique parc autour de la demeure du comte Karl Heinrich Joseph von Sickingen, l'ambassadeur du Palatinat. (1737-1791), Notre Dame de Paris, etc. Les accessoires et les détails sont également représentés avec une grande attention, par exemple un magnifique papillon en page 59. Le lecteur en déduit que le choix de l'artiste est de donner plus de légèreté aux personnages.
Wolfgang Mozart bénéficie d'une représentation plus singulière que celle des autres personnages. Pour commencer, Duchazeau le dessine vraiment plus petit que tous les autres, de la taille d'un enfant d'une dizaine d'années, soit plus petit que 1,52m, sa taille réelle vraisemblable. Là aussi, s'il n'est pas familier de cette caractéristique du compositeur, le lecteur se demande bien ce qu'il en est. L'exagération de sa petite taille sert à montrer que ses hôtes ne voient en lui que le petit prodige dont ils ont entendu parler ou qu'ils ont peut-être vu à l'occasion du Grand Tour, encore un enfant. Elle sert peut-être également à se figurer comment Mozart se voit lui-même, et à insister sur son caractère encore enfantin par certains aspects. Son nez à la longueur exagérée et ses grands yeux lui donne un visage intense, à la fois pour des émotions non filtrées, à la fois pour le génie qui l'habite. L'auteur met en œuvre une narration visuelle assez dense, avec souvent des pages comprenant 10 à 12 cases, soit plus que dans une bande dessinée habituelle. Il conçoit des prises de vues adaptées à chaque séquence, avec des plans plus larges lors des déplacements de Mozart dans Paris, et des cadrages prenant souvent les personnages en pied pour les dialogues. Dès la deuxième séquence, l'impression de dessins légers ou rapides a abandonné le lecteur qui peut se projeter dans chaque environnement, et qui se tient aux côtés des interlocuteurs comme s'il était présent pour écouter à la conversation.
Porté par une narration visuelle solide, le lecteur suit donc Wolfgang Mozart pendant ces quelques mois. Il sait bien sûr qu'il s'agit d'un compositeur de génie ainsi que d'un musicien virtuose, dont les œuvres ont traversé les époques et ont résisté à l'épreuve du temps. Sous réserve qu'il dispose d'un peu de culture sur sa vie, il sait aussi qu'il fut un enfant prodige exhibé dans les grandes cours d'Europe durant son enfance. Il ressent alors autant de frustration que le musicien n'arrivant pas être pris au sérieux, n'arrivant pas à gagner sa vie. La situation est encore aggravée par le manque de tact de Mozart et par son franc parler, dans une société fonctionnant sur le principe d'une cour. Il enrage de voir que l'évidence n'est pas reconnue. De ce point de vue, l'auteur atteint parfaitement son objectif de montrer un jeune adulte surdoué dans une société qui s’avère incapable de l'entendre. En creux, il présente également le besoin affectif insatisfait du jeune adulte. En filigrane apparait également le pouvoir de la musique, langage universel des émotions. Le ressenti du lecteur oscille entre une forme d'énervement à voir un jeune homme aussi talentueux se heurter aux limites des adultes, mais aussi incapable de s'adapter pour gagner la faveur de deux ou trois d'entre eux. Il n'y a ni justice, ni intelligence dans cette situation.
Frantz Duchazeau focalise son récit sur une dizaine de mois de la vie de Mozart, essentiellement son séjour à Paris en 1778. Passé une page ou deux, le lecteur se rend compte de la qualité de la narration visuelle, des partis prix effectués sciemment par l'artiste pour être en phase avec la nature du récit. Il suit les déboires d'un génie incapable de s'adapter aux coutumes sociales du milieu dans lequel il essaye de réussir, ainsi que l'aveuglement des adultes incapables de percevoir, et même de ressentir le génie de ce petit homme. Tout le récit s'articule autour de cette frustration permanente qui finit également par gagner le lecteur. Ce dernier ne parvient pas à ressentir assez de sympathie pour ce jeune homme brillant et intransigeant, sans arriver à condamner totalement les adultes qui le reçoivent en le traitant comme un enfant. Il est difficile d'accepter que l'auteur décrive un constat d'échec dans lequel aucune des parties concernées n'ait appris quoi que ce soit, les adultes étant enfermés dans les conventions sociales, le jeune homme dans sa haute estime de lui-même.
Aaah, noooon ☺ ☺ ☺ !!! Mais pourquoi l'as-tu lu maintenant ☺ ?
RépondreSupprimerJe ne l'ai pas encore lu, mais il est dans ma pile et il brûle !
Je n'ai vu de ton article que le mot "textures" ; je le lirai une fois que j'aurai écrit le mien ☺ !
À ma décharge : c'est un cadeau de Tornado. Je n'aurais jamais envisagé d'acheter cette bande dessinée si tant est que je l'eusse remarquée sur étal, car rien en elle n'avait a priori de quoi attirer mon attention.
SupprimerSuper. Je me suis arraché les cheveux avant de trouver une BD susceptible de t'intéresser en VF !
RépondreSupprimerCelle-ci m'avait tapé dans l'oeil quand je l'avais lue à l'occasion (en vacances) par son parti-pris conceptuel. C'est vraiment un pur exercice de style séquentiel.
Apparemment tu t'es fendu de quelques recherches sur la toile afin de finaliser ton commentaire. A moins que tu ne connaisses déjà bien la vie de l'artiste.
Je confirme : tu m'as fait bosser car je ne connaissais rien de la vie de Mozart, ignorant également tout de la tradition du Grand Tour. Du coup, je n'ai pas compris grand chose à la situation de départ, jusqu'à temps que je me renseigne. Pour être taquin, je dirais que cette histoire n'est pas auto-contenue, et qu'elle nécessite une connaissance préalable du personnage. :=)
SupprimerCette lecture m'a laissé un goût mi-figue, mi-raisin parce que l'auteur a presque trop bien atteint son objectif : faire ressentir la frustration intense de Mozart à ne pas être reconnu à la hauteur de son génie.
Quoi qu'il en soit, un excellent choix dont je te remercie, car de moi-même, je n'aurais même pas accordé un coup d'œil à cette bande dessinée, même si j'en avais connu l'existence, et elle est originale. Merci.
PS : si ça te dit (pas d'obligation), il y a aussi le commentaire des 3 tomes de Moi René Tardi sur le site.
https://les-bd-de-presence.blogspot.com/search?q=moi+ren%C3%A9+tardi