Ce tome fait suite à Caroline Baldwin, Tome 7 : Raison d'Etat (2001) qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant. La première édition date de 2002 et il est repris dans Caroline Baldwin Intégrale T2: Volumes 5 à 8. Il a été réalisé par André Taymans pour le scénario, les dessins et l'encrage.
Finalement Caroline Baldwin n'est pas morte dans l'ancienne prison du deuxième district. Elle reprend ses esprits, en en étant la première surprise. Son agresseur muni de lunettes de vision nocturne, est étendu par terre, dans une flaque de son propre sang. Elle se relève, ramasse son arme, et avance prudemment dans les couloirs longés dans la pénombre. Elle trouve un deuxième individu abattu d'une balle dans le front. Elle se met à courir vers la sortie, sans plus prendre de précaution. 3 jours plus tard, Caroline Baldwin se trouve à Bangkok, dans une suite luxueuse de l'Orient Hôtel. Arnold Levis, des assurances Star, entre dans la pièce. Il l'informe qu'elle est accusée du meurtre du procureur John Steele, ce qui fait la une du New York Times. Il lui laisse le journal et lui indique qu'il l'attend pour le dîner à vingt heures tapantes. À l'heure dite, Caroline Baldwin descend le magnifique escalier de l'hôtel et se rend sur la terrasse où l'attend Levis. Il commande sèchement deux cocktails sans lui demander son avis. Elle ajoute la formule de politesse à destination du serveur, et se retourne vers Levis pour lui indiquer que l'argent ne dispense pas d'être poli.
Arnold Levis indique à Caroline Baldwin que la confirmation est arrivée : les rebelles birmans sont passés au Laos. Du coup le programme est qu'il l'accompagne jusqu'au poste de frontière de Nong Khai où elle traversera le Mékong pour rejoindre Vientiane. Il ajoute que l'argent de la rançon lui sera livré au Laos. Excédée par ses manières, Caroline Baldwin quitte la table avant qu'ils ne soient servis, et rejoint sa chambre. De son côté, Ed Mitchum se trouve aussi à Bangkok où il va prendre contact avec Neng, un ancien camarade des services secrets. À Vientiane, Mitchum fait du repérage dans les rues. Caroline Baldwin est dérangée dans son bain par des coups frappés à la porte. Emmaillotée dans sa serviette, elle va ouvrir : il s'agit de 2 hommes venus lui remettre le sac de billets. Elle le prend en charge, signe le reçu, sans vérifier la somme, à savoir 5 millions de dollars. Les 2 hommes s'en vont aussi discrètement qu'ils sont venus. Dans sa chambre, Elle est allongée en petite culotte noire, le gros sac à côté d'elle, ouvert, avec quelques liasses de billet sur les draps. Elle prend pleinement conscience de sa situation aussi dangereuse qu'inextricable.
Ce tome constitue la deuxième moitié de l'histoire commencée dans le précédent, et le suspense était assez élevé pour qu'il ne fasse pas de doute dans l'esprit du lecteur qu'il revienne pour en connaître la fin. André Taymans reprend son intrigue là où il l'avait laissée : Caroline Baldwin reprend connaissance, très surprise de ne pas être morte, tuée d'une balle dans la tête. Le lecteur est un peu moins surpris puisqu'il sait que la série continue. Pas de temps perdu : dès la page 3, l'héroïne se trouve à Bangkok en Thaïlande, pour retrouver Raph Mulligan et remettre la rançon de 5 millions de dollars. En cohérence avec le tome précédent, Caroline Baldwin ne se transforme pas en héros capable de tout résoudre par ses capacités de déduction, sa capacité à se défendre et sa chance incroyable. Elle poursuit son enquête essentiellement en avançant et en espérant trouver des indices. Elle bénéficie de l'aide de plusieurs personnes, à commencer par des individus employés par la compagnie d'assurance Star, cette dernière mettant en action son réseau et ses ressources internationales. C'est ainsi que la rançon lui est livrée à domicile dans le village de Vientiane et qu'un courriel lui arrive bien inopinément. Au fur et à mesure, elle peut mesurer à quel point elle n'est souvent qu'un pion pris entre le feu de plusieurs intérêts conflictuels.
Arrivé à ce huitième tome, le lecteur s'est constitué un horizon d'attentes, s'attendant à retrouver les caractéristiques qui font la spécificité de cette série. L'auteur répond auxdites attentes, à commencer par la composante touristique de l'histoire. Il prend plaisir en découvrant ces pages où André Taymans lui sert de guide touristique : les immeubles en bordure du fleuve Chao Phraya, le magnifique hall de l'hôtel où sont descendus Baldwin et Levis et le repas en terrasse, les rues de Vientiane, une deuxième passage par les pelouses de la Maison Blanche, une démonstration d'arts martiaux en pleine rue et des individus déguisés dans une procession, sans oublier un petit tour en éléphant dans la jungle laotienne, et un petit tour en radeau en bambou sur un fleuve. Comme dans les tomes précédents, le dessinateur réalise des cases dans un registre descriptif et réaliste avec un bon niveau de détails. Les traits de contour sont un peu simplifiés pour conserver une bonne lisibilité, les visages des personnages et les silhouettes sont également un peu simplifiées pour mieux faire ressortir les protagonistes dans les environnements, et leur donner un peu plus de vie, sans pour autant donner une impression de caricature. Ils sont dépeints d'une manière réaliste, avec souvent la bouche entrouverte laissant une zone blanche entre les 2 lèvres, une forme de simplification.
Le plaisir visuel de la lecture ne réside pas que dans la découverte de lieux exotiques. Le lecteur retrouve la clarté de la narration visuelle de l'auteur au travers de 6 planches muette d'une lisibilité impeccable, avec un tension dramatique étonnante, que ce soit Caroline Baldwin en train de sortir en courant de la prison désaffectée, Ed Mitchum déambulant dans Vientiane, ou la superbe progression en radeau de bambou sur le fleuve. Taymans continue d'être un excellent metteur en scène et un directeur d'acteurs naturaliste qui sait rendre visible l'état d'esprit des personnages Le lecteur peut ressentir tout le mépris teinté de colère de Caroline Baldwin à l'encontre de Arnold Levis lors du dîner en terrasse, la tension dans les livreurs de la rançon pressés et soulagés de la remettre à Baldwin, la concentration dans les pratiquants des arts martiaux, la concentration de Baldwin dans sa réflexion pour comprendre la référence à la lagune et la photographie envoyée par courriel. La mise en couleurs conserve, elle aussi, une approche naturaliste, avec une petite faute de goût pour la séquence où Caroline Baldwin prend son bain, où l'artiste a exagéré la brillance de la peau par des nuances trop claires, aboutissant à une apparence de plastique plus que de peau satinée. Il sourit aussi en voyant la page 1 du tome précédent (Caroline sur son lit avec le sac de billets de banque) reprise dans ce tome, avec un autre texte, attestant de l'anticipation de l'auteur.
Le lecteur se plonge donc avec plaisir dans ces pages l'emmenant à l'autre bout du monde, aux côtés de personnages adultes et plausibles, pour découvrir l'issue de l'enlèvement de banquier détenant des informations compromettantes concernant le vice-président des États-Unis. De ci de là, il relève un détail apportant une saveur supplémentaire. André Taymans évoque en passant Inquiétude (1898) de Joseph Conrad, dont on peut supposer qu'il s'agit d'une de ses lectures. Le guide de Caroline Baldwin évoque le pays au million d'éléphants lors de l'excursion au Laos, donnant envie au lecteur d'en apprendre plus sur la population actuelle des éléphants dans ce pays. Il glisse le terme de stéganographie lorsque l'héroïne essaye de comprendre le sens de la lagune et du courriel. Il la montre hausser la voix contre Arnold Levis quand il se comporte de manière malpolie vis-à-vis des serveurs du restaurant de Bangkok. Le récit comprend 2 pages fortement chargées en phylactères pour qu'un protagoniste explique la situation que Baldwin découvre à la fin, rappelant les pages de même nature explicative dans le tome précédent. Avec un peu de recul, il se rend compte que le déroulement de l'histoire sait concilier 2 aspects a priori antinomique : le besoin d'avoir un personnage principal qui se lance dans l'aventure et dont les actions sont essentielles pour la résolution, et la représentation d'un monde où un individu seul ne pèse pas grand-chose dans un système complexe. C'est à la fois la volonté de Caroline Baldwin qui permet à la rançon d'être livrée, et à la fois un ensemble d'intervenants dans un système complexe qui lui permet d'accomplir sa mission et de rester en vie. Enfin, le dénouement prépare le tome suivant, Caroline Baldwin n'ayant pas toutes les preuves pour se disculper dans l'assassinat du procureur John Steel.
Cette deuxième moitié de l'histoire entamée dans le tome précédent répond aux attentes du lecteur : un voyage touristique en Thaïlande et au Laos, une Caroline Baldwin toujours aussi déterminée et allant de l'avant, une résolution satisfaisante de l'enquête sur l'enlèvement du banquier, des dessins faciles à lire tout en étant denses en informations visuelles, et des remarques en passant qui attestent d'un regard sur la société.
Ravi de pouvoir suivre l'évolution de cette série par le biais de tes commentaires.
RépondreSupprimerLa Chao Phraya, ça me rappelle quelques très agréables souvenirs de voyages.
Je n'ai à l'esprit aucune BD dans laquelle le banquier ou l'assureur n'est pas un mufle - dans le meilleur des cas (sauf peut-être dans "Lucky Luke", où ils sont systématiquement dévalisés par les Dalton ou autres).
J'aime bien l'humour de ta remarque sur les professions cantonnées au mauvais rôle. Il ne me vient pas non plus de contre-exemple en bande dessinée. Personnellement je n'ai jamais voyagé sous ces latitudes.
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