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mercredi 2 octobre 2024

Bruce J. Hawker T03 Press gang

Il y a des cas où le vainqueur est encore en plus mauvaise posture que le vaincu, sir !


Ce tome est le troisième d’une heptalogie. Il fait suite à Bruce J. Hawker tome 2 L’orgie des damnés (1986). Cet album a été réalisé par William Vance (1935-2018) pour le scénario et le dessin, et par Petra Coria pour les couleurs. Il a été prépublié dans les numéros 496 à 503 du journal de Tintin en 1985. La première édition en album date de 1986. Il comprend quarante-six pages de bande dessinée.


Samedi 28 mai, sur un quai de Londres… Un homme seul traine sans but précis à travers la tourmente. Il a tout perdu. Plus rien pour lui n’a d’importance. Des images cent fois ressassées défilent devant ses yeux. Il y a quelques jours, Bruce J. Hawker se tient devant un tribunal militaire. Le militaire désigné lui lit la conclusion : Hawker est jugé responsable de la perte d’un convoi d’armes destinées aux troupes anglaises à Gibraltar. Il s’agit d’un cas particulièrement grave en raison du secret entourant l’une de ces armes. L’officier continue : Hawker est devenu indigne de servir comme lieutenant dans la marine de sa majesté. En attendant de passer en jugement devant les lords de l’amirauté, Hawker est remis en liberté provisoire. Le lendemain, il se présente devant ses parents et son père lui déclare que sa mère adoptive et lui ont pris une décision : Bruce ne peut plus rester chez eux, il a trahi les espoirs qu’ils fondaient en lui, il vaut mieux qu’il parte et qu’il ne revienne plus jamais… et qu’il ne l’appelle plus père. Enfin il rencontre sa fiancée Caterine Hooper dans la rue et elle lui déclare qu’elle regrette mais elle ne peut pas s’opposer à la volonté de ses parents à elle : désormais leurs fiançailles sont rompues. Destin impitoyable pour ceux que la grâce de Dieu abandonne.



Mais d’autres infortunes se préparent au même moment. C’est un soir propice aux équipes d’enrôleurs de force, qui ont des ordres signés par l’amirauté pour compléter les équipages des navires de guerre. Le long d’un quai isolé, l’équipe du Skull s’apprête à débarquer. Le Skull est le sobriquet du lieutenant du H.M.S. Thunder, vaisseau de la Royal Navy. C’est un homme dur et sans pitié. Il est à la tête d’un groupe d’une quinzaine de recruteurs. Il ordonne à M. Showell, John, Allan, Sime et Stone de garder les issues de la ruelle et de veiller à ce que personne ne s’échappe, en frappant les fuyards de quelques coups de gourdin sans trop les amocher. Avec le reste de son groupe, il pénètre dans une taverne. Une fois entré dans l’établissement, Skull reste sur le seuil en exigeant que les consommateurs présentent leur certificat d’exemption, pendant que ses hommes passent entre les tables pour les vérifier. Ceux qui n’en sont pas munis sont recrutés d’office pour le service de sa grâcieuse majesté. Rawena, une jolie gitane, demande à ce que son petit frère soit exempté. Un grand gaillard vient se planter devant le lieutenant Skull pour exiger qu’ils arrêtent leur recrutement.


Certes les choses vont en s’améliorant pour le héros car il n’est plus à fond de cale. Mais tout est relatif car le voilà renié par sa famille et repoussé par sa fiancée. Par rapport au précédent tome qui se déroulait en mer, celui-ci commence à terre et l’action ne se déplace en mer qu’à partir de la planche seize. Malgré tout, le lecteur a droit à trois cases montrant les chaloupes du H.M.S Thunder en train de rallier le quai pour déposer un groupe de recruteurs : une teinte bleu grise pour l’eau, des silhouettes en ombre chinoise au noir un peu griffé pour les barques et les hommes, une scène fantomatique, et aussi une science consommé du trait juste pour représenter beaucoup tout en mettant fortement à contribution le réflexe automatique du lecteur qui apporte de lui-même des informations visuelles supplémentaires. Plus loin, Hawker se retrouve à nager dans cette même eau, toujours de nuit, à la surface immobile prête à l’engloutir. Enfin un navire vogue en pleine mer en page seize : le lecteur retrouve ce qu’il attend, à savoir les gréements, les voiles, la coque avec ses ponts et ses sabords, et bien sûr les embruns donnant à respirer l’air du grand large. Cette fois-ci les canons donnent de la voix et le dessinateur use du contraste entre ces gueules de fer inertes et le mouvement incessant de la mer. Puis un soleil rasant amène le contraste à un niveau encore supérieur.



Il reste encore d’autres surprises pour les scènes maritimes : en planche vingt-cinq cette mer de feu comme embrasée par le navire en flammes, les têtes dépassant à peine de la surface dans la planche suivante alors que le texte indique que pour éviter les flammes le seul recours est la noyade car la plupart des hommes ne savent pas nager. La tempête finit par se déchaîner avec des vagues de plus de dix mètres de haut, plus hautes que le sommet du grand mât, emportant avec elles un homme à la mer, enfin le calme revient d’autant plus irréel par comparaison avec le chaos aqueux qui l’a précédé. La mise en couleurs fait son effet sur le lecteur : le camaïeu grisâtre rendant compte de l’état d’esprit de Bruce J. Hawker sur le port, l’utilisation saisissante de couleurs pâles pour éclairer une personne sous l’effet d’un éclair, le visage noyé dans la lumière de la vieille gitane comme une inversion du contraste, le rouge banal et terrifiant du plancher du faux-pont qui accueille le chirurgien et ses aides-soignants afin que le sang ne se voit pas, ou encore le contraste entre le bleu froid de l’eau qui recouvre un homme en train de se noyer et le doux jaune orangé entourant la diseuse de bonne aventure sur sa barque.


En auteur complet, l’artiste conçoit les scènes avec une approche visuelle, générant ainsi de nombreux moments mémorables. Le lecteur sourit en voyant le grand homme aviné à la forte carrure s’interposer en se tenant devant le lieutenant Skull, ce dernier cherchant à l’impressionner alors qu’il ne fait pas le poids. Il consent tout naturellement le petit plus de suspension d’incrédulité nécessaire pour accepter la possibilité du don surnaturel de l’homme qui siffle les rats grâce à cette ambiance de brouillard dans une maison désaffectée. Ou encore il est de tout cœur avec les servants dans l’entrepont tirant sur les lourds canons massifs pour les déplacer, tout en se positionnant de sorte à ne pas se trouver dans la zone de roulage de ces mastodontes de métal, dans cette atmosphère confinée qui s’emplit de la fumée des tirs. Il ressent le terrible effort physique des hommes et des adolescents au service des engins de morts, incapables de voir la bataille se déroulant à l’extérieur, entièrement consacrés à cette terrible tâche. Le lecteur peut voir leurs visages fermés, contractés par l’effort, avec cette détermination d’œuvrer pour leur survie. Le contraste devient flagrant avec les gradés sur le pont dans leur bel uniforme, calmes et posés. L’artiste semble apporter une discrète touche romantique à ses principaux personnages. Le visage de Bruce J. Hawker se fait plus angélique, avec des traits moins marqués que ceux des autres hommes. De la même manière, la belle Rawena apparaît inaltérée par les rigueurs de la vie quotidienne, parfois presque spectrale en cohérence avec ses dons de voyante, particulièrement séduisante et pure, par contraste avec l’apparence apprêtée de Caterine Hooper qui, par voie de conséquence, devint une facette de l’artificialité de la bonne société bourgeoise.



Le lecteur embarque à nouveau avec le héros pour une autre traversée, un autre changement d’état, avec peut-être de nouvelles accusations. Hawker se retrouve à nouveau à fond de cale… enfin pas tout à fait. Il n’est plus prisonnier : il a été enrôlé de force au service de sa majesté, et il se retrouve avec tout un lot de pauvres infortunés réquisitionnés d’office par le press gang, c’est-à-dire la presse un système de conscription, un enrôlement de force, sans préavis, de civils afin de servir sous les armes, réalisé de manière brutale. D’une certaine manière, le héros se retrouve à partager le sort de ceux qu’il commandait sur son navire. Il se retrouve également avec les jeunes adolescents désignés sous le nom de Powder Monkeys. Alors que l’ennemi approche et que le commandant du H.M.S. Thunder donne l’ordre d’attaquer et d’ouvrir le feu, la formation de Hawker reprend le dessus, et il prend naturellement le commandement des opérations dans la batterie, exhortant les uns et les autres pour une manœuvre efficace. Il apparaît comme une évidence qu’il est un meneur d’hommes, un chef efficace, un professionnel qui connaît le métier et qui met à la main à la pâte avec ses hommes. Par cette séquence, l’auteur semble mettre en scène les qualités par lesquelles son personnage mérite le qualificatif de héros. Le lecteur peut ne voir qu’un effet romanesque dans l’acharnement des autorités contre Hawker, et l’assurance d’autres aventures à venir. Il peut aussi y lire la réaction d’une société percluse de compromissions, et qui ne peut pas accepter un individu aussi entier et noble dans ses rangs. Il s’interroge alors sur un deuxième niveau de lecture qui pourrait s’appliquer aux capacités surnaturelles ou psychiques de Rawena. Faut-il également y voir une forme de pureté, qui serait de nature féminine plutôt que masculine ?


Troisième traversée pour Bruce J. Hawker, encore sous la contrainte, celle de la presse, un enrôlement de force. Le lecteur prend toujours un grand plaisir à découvrir les pages en pleine mer : l’art consommé avec lequel l’artiste met en valeur les sautes d’humeur de l’océan. Le récit conserve sa nature d’aventure, rehaussée de quelques touches sociales, que ce soit le travail des enfants, la domination de la classe dirigeante sur le peuple, avec les dérives correspondantes dans l’exercice de ce pouvoir. Il donne un peu plus de place à une façon différente de percevoir le monde, avec une dimension surnaturelle qui semble signifier que la société bien établie et civilisée ne perçoit pas toutes les facettes de la réalité, qu’elles les nient, ce qui ne les empêche pas d’exister pour autant.



mercredi 4 septembre 2024

Bruce J. Hawker T01 Cap sur Gibraltar

L’une après l’autre, les voiles se déployaient.


Ce tome est le premier d’une heptalogie qui a fait l’objet d’une intégrale en 2012. Cet album a été réalisé par William Vance (1935-2018) pour le scénario et le dessin, et par Petra Coria pour les couleurs. Il a été prépublié une première fois en 1976/1977 dans les numéros 1650 à 1652 du magazine Femmes d’aujourd’hui, puis les numéros 1 à 43. Il a été prépublié une seconde fois dans les numéros 209 à 220 du journal de Tintin en 1979. La première édition en album date de 1985.


1800. Mardi 10 janvier. Le vent glacial souffle dans les ruelles déserte du port de Londres, balayant la neige poudreuse contre les façades des dépôts et des maisons… Dans le mauvais temps, le lieutenant Bruce J. Hawker se tient sur un ponton, et il enlace dans ses bras Caterine Hooper, sa fiancée. Celle-ci le prie de revenir vite et elle se demande en son for intérieur quand il lui reviendra. Le jeune homme qui va prendre le commandement du H.M.S. Lark, saute dans la chaloupe qui l’attend, et les deux marins rament pour l’amener jusqu’à son navire, toujours sous une pluie battante avec des rafales de vent. Un homme d’équipage souffle dans son sifflet pour signaler la montée à bord du capitaine. Le lieutenant George Lund vient se présenter à lui. Hawker lui demande de faire déposer ses bagages dans sa cabine et de convoquer les deux capitaines du convoi qu’ils escortent, et tous les officiers de bord, pour vingt-et-une heure dans sa cabine. À l’heure dite, les capitaines du convoi s’approchent du Lark. Sur le canot, ils partagent leurs informations sur Hawker : il a à peine vingt ans, il s’est fait remarquer par l’amiral Nelson à bord du Vangard pendant la bataille d’Aboukir, c’est un peu grâce à lui que l’amiral a échappé à un éclat de ferraille…



Pendant ce temps, les officiers du Lark sont réunis dans la cabine du commandant. C’est le lieutenant Lund, les sous-officiers Jackson et Burns, le midship Spence, et le maître d’armes Kelly. Bruce J. Hawker les invite à s’assoir et il s’adresse à eux : il a reçu de l’amirauté l’ordre de prendre le commandement de ce navire qui doit escorter deux bateaux de commerce, deux bateaux chargés d’armes et de munitions destinées à leur base qui garde et contrôle la Méditerranée. Gibraltar ! Il continue : Ce convoi ne peut à aucun prix tomber entre les mains de leurs ennemis ! Il faudrait plutôt le détruire. Il pose quelques questions : Le Lark est-il prêt à appareiller à n’importe quel moment ? Combien d’officiers à bord ? L’équipage est-il composé d’enrôlés de force, de bagnards, ou de volontaires ? Les canons sont-ils neufs ou vieux. Les officiers répondent à tour de rôle : L’appareillage peut être immédiat, il y a sept officiers ceux qui sont ici et le lieutenant Ilvers et le midship Reeves qui sont de quart. Tous les marins sont des volontaires. Les canons sont usagés. Les capitaines Riley et Higgins entrent à leur tour dans la pièce. Bruce J. Hawker décide qu’ils lèveront l’ancre à trois heures demain matin.


Ce n’est pas la première bande dessinée franco-belge focalisée sur un aventurier de la mer : avant il y a eu la série Barbe-Rouge (à partir de 1961, trente-cinq albums) par Jean-Michel Charlier (1924-1989) scénariste, et Victor Hubinon (1924-1979) dessinateur… et depuis il y en a eu de nombreuses autres. Ce n’est d’ailleurs pas une série de pirates, puisque le personnage principal occupe les fonctions de lieutenant dans l’armée du roi George III (1738-1801). L’artiste et ici scénariste a débuté sa carrière en 1962 dans le Journal de Tintin. Il est passé à la postérité pour avoir illustré la série XIII (tomes à 1 à 17 et 19, de 1984 à 2007), ainsi que les séries Howard Flynn, Ringo, Bob Morane, Bruno Brazil, Rodric, Ramiro, Marshall Blueberry (les deux premiers albums). Les sept albums de la série ont fait l’objet d’une intégrale en deux tomes, chacun bénéficiant d’un copieux dossier en introduction, évoquant aussi bien l’inspiration initiale pour la création du personnage, que la publication originale dans le magazine belge Femmes d’aujourd’hui. Comme avec toute bande dessinée datant de plusieurs décennies, le lecteur peut craindre une lecture pesante du fait de codes narratifs d’un autre âge. Il découvre rapidement qu’il n’en est rien. Le contexte, situé dans le passé, permet au récit d’éviter le travers d’être marqué par son époque, l’histoire de ces aventures maritimes donnant la sensation d’être intemporelles, dans le sens de ne pas être dépendante de l’époque de leur création.



Le lecteur tombe également rapidement sous le charme de la narration visuelle. Là où il redoutait de copieux cartouches de texte ou des dialogues d’exposition interminables, tout commence avec un dessin en pleine page et une cellule de texte brève. Une silhouette enveloppée dans un lourd manteau, une lanterne à la main, et une neige qui évoque l’écume d’une mer démontée, un effet mêlant ainsi la terre ferme et la mer démontée. Sur la deuxième page, vient ensuite une case de la largeur de la page, un quai de profil, avec la texture des piliers de bois et l’océan calme à cet endroit, la silhouette d’un navire dans le fond, perceptible uniquement par ses mâts. Page en vis-à-vis, le canot avec la silhouette du lieutenant et des rameurs, une eau plus agitée, sous la pluie, une composition mêlant gris et bleu acier. Les deux pages suivantes reprennent le principe d’une case de la largeur de la page, occupant les deux-cinquième de la hauteur, à gauche le Lark battu par les vents et la pluie, à droite le canot qui peine à avancer dans ces conditions météorologiques. En planche neuf, une case de la largeur de la page occupe les deux tiers de la hauteur, une vue magnifique du Lark, tout en ombres, dans la nuit, sous la lumière de la Lune, le ciel se confondant avec l’océan dans la légère brume. Tout du long, le lecteur va ressentir les embruns, tantôt sous la pluie, tantôt dans une mer agitée, puis voir les mouettes abandonnant le sillage du convoi qui a changé de cap. Ensuite il se retrouve avec l’équipage dans un banc de brume épaisse, il voit apparaître un navire espagnol juste sous ses yeux sans aucun signe avant-coureur, un peu plus tard il découvre le navire encerclé et bientôt soumis au tir nourri des canons ennemis.


L’artiste a investi un temps impressionnant pour représenter avec fidélité les navires, les voiles et les cordages, les armements et les uniformes. Il transcrit avec une aisance élégante les humeurs de l’océan, l’élément liquide étant animé par les vents, par les phénomènes météorologiques, par les courants de manière naturelle, rendant bien compte de la masse des eaux déplacées. Les mouvements des navires correspondent à l’effet de l’océan. Avec un minimum d’effets, l’artiste sait communiquer la course du navire, son positionnement par rapport aux navires assaillants. Le lecteur ressent dans la direction d’acteurs, la sensation d’un équipage aux ordres des officiers, eux-mêmes suivant les directives de leur commandant de bord : l’effort collectif pour naviguer, les postures professionnelles de chacun, dictées par leurs responsabilités ou leur tâche. Éventuellement, le lecteur peut relever un recours un peu trop régulier aux plans poitrine ou au gros plan pour montrer la détermination farouche des officiers et des marins, pendant les phases de dialogue ou de déclaration. Pour autant, ce choix de mise en scène parvient à conserver le rythme de la narration, grâce à des alternances entre les différents personnages, et des dialogues concis. Puis une nouvelle séquence magnifique avec des plans plus larges survient, faisant souffler un vent frais.



Le scénariste focalise son intrigue sur une chronologique linéaire : une mission a été confiée à ce jeune commandant de bord et de convoi, il découvre en cours de route une mission secrète dans la mission, et l’affrontement avec l’ennemi survient. Le récit est inscrit dans l’Histoire, à la fois pour la position de l’Angleterre dans l’ordre du monde, à la fois par des éléments concrets et spécifiques comme les Powder Monkeys (des jeunes garçons chargés de l’approvisionnement des charges des canons d’un navire). Le texte est écrit de manière assez formelle, par exemple : Quarante bras solides se mettent en devoir de faire tourner le cabestan ; Comme des araignées dans leur toile, les gabiers grimpent sur les haubans vers les marchepieds des vergues ; Les gabiers s’avancent à l’extrémité de la vergue, soutenus au-dessus du vide par le marchepied […] Le lecteur se rend compte incidemment que la narration revêt une forme adulte, sans héroïsme trop altruiste, et en évoquant des facettes peu reluisante de la société de l’époque (par exemple le travail de ces jeunes garçons). La dernière séquence tourne autour de la torture des prisonniers, en mentionnant des actes barbares très concrets comme : Du vitriol et des tenailles pour les ongles, Sel et vinaigre pour les blessures, Et fers rouges pour éviter les saignements. Le tome se termine par quatre pages consacrées à l’artillerie au temps de la marine à voiles : de courtes phrases occupant un quart de la page, illustrées par de généreux dessins, et même cinq photographies de repérage prises par l’auteur.


Quelle que soit sa motivation initiale (découvrir une série patrimoniale, approfondir sa connaissance de l’œuvre de Vance, lire les aventures initiales de ce héros avant la trilogie de Bec & Puerta), ce premier tome contente rapidement le lecteur, par sa narration adulte, la mise à profit du contexte historique et son respect, l’amour de la mer de l’auteur, et le plaisir de conventions de genre bien utilisées. Une bande dessinée classique qui n’a rien perdu de sa saveur et dont le temps n’a pas altéré les qualités, avec la sensation de faire partie d’un équipage efficace, et d’accepter la reddition en s’étant battu de son mieux.