Les GAL… Ça te dit quelque chose ?
Ce tome est le quatrième d’une tétralogie qui fait partie d’un groupe de trois séries, les deux autres étant Guerre froide qui se déroule dans les années 1960, et Jihad qui se déroule dans les années 1980. Il fait suite à Affaires d'État - Extrême Droite - Tome 03: Commando noir (2022) qu’il faut avoir lu avant. La première édition date de 2024. Il a été réalisé par Philippe Richelle pour le scénario, par Pierre Wachs pour les dessins et par Mauro Gulma & Arancia Studio pour la mise en couleurs. Il comprend cinquante-quatre pages de bande dessinée.
Quelque part en Bourgogne se déroule une livraison très particulière : un tableau de maître, un Van Dyck, livré par Yvan à Alistair Fawkes, en toute discrétion. Ce dernier remet une somme de dix millions de dollars en échange, comme convenu. Le marchand d’art indique que l’acheteur est colombien, et que mieux vaut sans doute ignorer comment il a fait fortune. À Bayonne, en début de matinée, Alice rentre dans l’appartement qu’elle partage avec son père Robert Pommard. Il lui demande quand est-ce qu’elle lui présente ? Elle se joue de lui en demandant qui, ce à quoi il répond le jeune homme avec qui elle a passé la nuit. Elle le fait tourner en bourrique en lui demandant : qu’est-ce qui lui fait croire qu’il est un jeune ? Et que c’est un homme ? Le commissaire sort de chez lui pour se rendre au boulot : il est interpellé par un individu costaud en costume noir qui l’informe que Monsieur Zaccarini souhaiterait lui parler et qu’il l’attend dans sa voiture au bout des arcades. Pommard se plie à l’invitation et ouvre la portière de la Rolls Royce pour converser avec le caïd, tout en lui faisant observer que ce n’est pas une façon de faire. Zaccarini souhaite savoir où la police en est sur l’enquête de la tuerie qui a coûté la vie à Frankie van Herke qui était comme son fils. Le commissaire répond qu’elle avance lentement. Le truand ajoute que si la police ne trouve pas les coupables, il les trouvera et il leur appliquera sa propre conception de la justice.
Depuis son petit appartement de célibataire, l’inspecteur Manconi appelle la gendarmerie de Dax et il demande à son collègue Froissard comment le cadavre brûlé de Juan Abaigar a été identifié. Son collègue lui répond que c’est sa copine Carmen Soler qui l’a fait, et il lui donne les coordonnées. De son côté, l’inspecteur Lévéque mène également sa propre enquête : il a suivi la personne qui fait chanter Johanne Brunet. Il s’agit d’un détective privé appelé Thierry Walaziak. Manconi va consulter son médecin qui lui dit qu’il fume trop et qu’il ne fait pas de sport. L’inspecteur lui demande un arrêt de dix jours, ce que le docteur accepte, tout en lui confiant un procès-verbal pour excès de vitesse, en lui demandant de l’annuler. Manconi appelle Riou pour l’informer de son arrêt de travail, puis il se rend chez Carmen Soler pour prendre contact avec elle, sous un faux prétexte. Éconduit rapidement, il se stationne en planque au bas de son immeuble. À Genève, Alistair Fawkes se présente dans une banque où il est bien connu.
Conclusion de la tétralogie, cela induit que le lecteur attend de pied ferme la résolution des différentes intrigues présentes depuis le premier tome, même si le tome précédent donnait la sensation d’un second cycle. La confiance qu’il a placée dans les auteurs est récompensée. Il apprend ce qu’il advient du tableau de maître qui a été dérobé : le commanditaire du vol, l’identité du propriétaire spolié, et l’usage qui est fait du produit de la vente. Il découvre également qui a commandité la tuerie du bar qui a coûté la vie à Frankie van Herke, qui l’a accomplie avec une telle sauvagerie et un tel professionnalisme, et quel était le motif, ce qu’il advient du tueur. En cours de route, le commissaire Robert Pommard entend parler d’un sinistre individu qui avait abattu un de ses hommes dans le premier diptyque, reliant ainsi les deux entre eux. En cours d’enquête, Aubenas explique à Pommard ce que sont les GAL : groupes antiterroristes de Libération, c’est-à-dire des commandos para-policiers et paramilitaires espagnols, ayant comme objectif la lutte contre l'ETA, sur tout sur le sol français, entre 1983 à 1987. Finalement cette enquête sur la tuerie du bar ramène à l’attentat à la voiture piégée, contre l’amiral Carrero Blanco en décembre 1973, raconté au début du tome 1. De la même manière, le tableau volé ramène à la descente de police chez David Rajsfus en mai 1943 à Paris. Chaque pièce du puzzle trouve sa place, et le lecteur découvre l’image générale dans laquelle tous les faits se tiennent.
La couverture promet une scène d’action spectaculaire : elle a bien lieu, avec la conséquence montrée. Le Capitaine a un doute sur la fiabilité d’un de ses hommes, et il décide de le lever de manière définitive. Comme dans les tomes précédents, le lecteur apprécie la narration visuelle très factuelle et pragmatique. Le Capitaine sonne à la porte de l’appartement de son associé, ce dernier se méfie et s’arme d’un pistolet prêt dans un tiroir, ce qui aboutit à un duel, mais sans le décorum de la grand-rue d’une ville de western. La situation est réglée en trois cases, le mieux préparé a le dessus, et l’affaire est close. La mise en scène et la prise de vue rendent la situation très claire au lecteur qui y croît pleinement. Comme dans les tomes précédents, les auteurs misent sur la plausibilité, et pas sur le sensationnalisme. Le premier acte de violence se déroule hors case : une femme passée à tabac, que Manconi retrouve inconsciente, étendue au sol après les faits, sans voyeurisme. Il en va de même pour la victime d’un contrat : retrouvé étendue au sol avec un trou dans la tête, du travail de professionnel. Enfin la balle qui met fin à la vie du tueur est racontée par M. Zaccarini, sans image montrant la chose. Dans le même temps, le dessinateur se montre très habile pour rendre les scènes d’action crédibles. L’arrivée simultanée de trois voitures au milieu de trois granges isolées servant de base de vie du tueur. L’infiltration pas très habile et encore moins gracieuse de Manconi dans un pavillon, ce qui fait voir à la fois ses compétences en la matière, à la fois le manque de souplesse et d’exercice physique évoqué par son médecin. D’une manière tout aussi incidente et tout aussi intelligente, le lecteur peut voir le même Manconi monter plusieurs étages à pied, perdre son souffle, et laisser passer, en toute connaissance de cause, l’agresseur qui descend, car il sait qu’il n’a aucune chance de pouvoir l’arrêter.
Comme dans les tomes précédents, l’artiste a fort à faire pour rendre visuellement intéressantes des scènes de discussions, et des moments de la vie de tous les jours. Le lecteur commence par constater que le scénariste sait ce qu’il fait, et qu’il écrit des scènes courtes, pour que, même si elles sont statiques, il se produise un changement régulièrement. En narrateur aguerri, le dessinateur montre les interlocuteurs qui se livrent à une occupation en même temps qu’ils parlent : fêter la transaction à dix millions de dollars en s’offrant un petit whisky millésimé, rentrer dans la cuisine et se servir un café tout en parlant, jouer sur les postures et les mimiques quand deux personnages sont assis en face à face, etc. Comme dans les tomes précédents, Pierre Wachs intègre tout naturellement les éléments de contexte historique à ses images : les modèles et marques de voitures, les tenues vestimentaires, les modèles de téléphone avec le cordon en spirale reliant le combiné à l’appareil, un énorme appareil photographique avec son long et lourd téléobjectif, les modèles de lampe d’appartement, le modèle de machine à écrire, l’aménagement d’une cuisine, etc. Et bien sûr, l’absence d’ordinateur de bureau ou de téléphone portable. Le lecteur note inconsciemment qu’il peut régulièrement admirer une vue de ville ou de paysage naturel : les immeubles de quatre étages sur bord de l’Adour à Bayonne, une vue de Genève, les paysages montagneux de l’arrière-pays, la grande place de Bordeaux, et même une belle plage paradisiaque avec un bungalow sur pilotis.
Le lecteur apprécie tout autant de retrouver ces personnages, qui bénéficient d’une scène personnelle de temps à autre, juste assez pour apporter la personnalité nécessaire, que ce soit la taquinerie d’Alice vis-à-vis de son père, un repas en galante compagnie pour celui-ci, la résignation de Manconi à l’annonce de son bilan de santé, ou Riou dans une grande détresse, affalé dans son canapé avec sa femme à côté de lui. Tout de même, arrivé à la fin de ce tome, le lecteur s’interroge sur son rapport avec l’extrême-droite : il n’a plus été question du Parti National (en lieu et place de Front National) ni de son responsable Jean-Maurice Le Guen ex-parachutiste. En revanche, le lecteur observe le lien entre ce parti et les méthodes utilisées dans le sud de la France, impliquant les mêmes bras armés, trempant dans des combines tout aussi alambiquées, où finalement les convictions et les engagements importent peu, du moment que les missions sont payées.
Fin de la tétralogie : le lecteur reste toujours sous le coup de la plausibilité sans faille de la narration visuelle, autant pour sa reconstitution historique discrète et solide, que l’élégance de sa mise en scène qui sait rendre chaque situation visuellement intéressante. Le scénariste mène à leur terme tous fils narratifs, y compris ceux initiés dans le tome 1 et qui semblaient avoir été laissés de côté, au profit d’un deuxième cycle. Le lecteur peut apprécier un sens de l’humour à froid, que ce soit dans les bénéfices que le commissaire Pommard tire de son enquête, ou dans le fait que M. Zaccarini finit par trouver les coupables et par leur appliquer sa propre conception de la justice, exactement comme il l’avait annoncé à Pommard.
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