jeudi 11 août 2022

Renaissance - Tome 2 - Interzone

Les humains, un mauvais dosage d’orgueil et de vanité.


Ce tome fait suite à Renaissance - Tome 1 - Les Déracinés (2018) qu’il faut avoir lu avant. Il est le second d’une trilogie qui constitue le premier cycle de la série. La première édition date de 2019. Le scénario a été écrit par Fred Duval, les dessins et la mise en couleurs par Emem, et le design par Fred Blanchard. Il s’agit d’un tome en couleur comprenant cinquante-quatre planches.


Une partie des membres de l’expédition Renaissance s’active sur la surface de Lune : ils ont installé des complexes miniers et des usines de fabrication qui ceignent tout un parallèle, qui produisent des vaisseaux de type Porteuse, et d’autres engins. Alors que l’humanité s’interroge sur leur objectif réel de sauver l’humanité, ou peut-être de sauver la planète, l’expédition a pris le contrôle pacifique de certaines zones comme Paris, et a dû livrer bataille dans d’autres. D’immenses vaisseaux comme celui de Paris sont arrivés au-dessus de nombreuses métropoles et dans toutes les zones de conflit. Les incendies des puits de pétrole américains et au Moyen-Orient sont en passe d’être éteints. Les centrales atomiques sont maîtrisées. La Terre est occupée, les humains sont en train de l’accepter, mais il risque de ne pas en être de même pour les algorithmes. Le vaisseau s’étant posé sur l’eau qui inonde la région, Hélène se trouve sur une petite embarcation flottante motorisée avec Sätie et Pablö, dans les Hauts-Vexin, la majeure partie du village étant submergée. Elle a passé une partie de son enfance dans cette région, et elle y est revenue il y a un an avec son mari quand leur maison de Saint Ouen s’est effondrée. Mais quand ses parents sont morts, ils sont repartis pour Paris.



La petite embarcation arrive à un ponton, et les deux extraterrestres font remarquer qu’ils sont observés. Hélène débarque la première, voit un humain avec une arme à feu, et lève les mains en saluant le maire Damien. Celui-ci la reconnaît. Au Texas, aux abords d’un champ de panneaux solaires, Swänn fait le point : il est sur Terre depuis deux jours, pour une mission de sauvetage engagée par le Complexe. Il a été affecté à la protection des gisements pétroliers de la région. Deux jours et déjà trop d’imprévus. En particulier, Liz Hamilton, ingénieure responsable des forages, est partie du site sans autorisation, à la recherche de sa famille. Une dépanneuse vient de ramener son véhicule de service, vide. Dans les Hauts-Vexin, Hélène explique la situation à monsieur Damien et présente ses deux compagnons. Ceux-ci indiquent qu’ils sont en mesure de soigner les malades : il faut qu’ils les examinent. Une fois à l’intérieur, ils interrogent le maire sur le premier malade, le fils des Martin, s’il avait voyagé : il avait passé une semaine à la cité Soleil. Dans un patelin, Swänn se tient au milieu de la rue principale et demande à voir Liz Hamilton, la propriétaire du véhicule qu’ils ont dépanné. Les habitants convergent vers lui en l’encerclant, tous armés. Ils le mettent en joue.


Après le premier tome, le lecteur a en tête les deux principaux fils de l’intrigue : Hélène partie en Normandie avec Sätie & Pablö pour enquêter sur l’origine de la fièvre qui ravage l’humanité, et Liz Hamilton, ingénieure, au Texas, dont le mari et les trois enfants ont disparu, sous la responsabilité de Swänn. Il garde également à l’esprit que pour sauver l’humanité, cette expédition Renaissance génère des dissensions au sein de l’assemblée du Complexe. Sans oublier ces sous-entendus sur des algorithmes. Il apprécie que ce tome s’ouvre comme le premier avec la voix d’un journaliste indépendant qui commente la situation mondiale, ce qui permet de se remettre en tête ces fils narratifs tout en contemplant les opérations sur la Lune. Swänn effectue également un récapitulatif de la situation pour lui-même, sous forme de rapport, le tout faisant ressortir la richesse du récit. Dès la première page, il retrouve les dessins descriptifs et détaillés qui donnent de la consistance à la surface de Lune, aux extraterrestres en train d’y travailler, aux structures gigantesques des vaisseaux, et au module lunaire Apollo qui est en train d’être protégé. Dans la page suivante, la Lune apparaît en entier, vue de l’espace, et le lecteur prend conscience de l’ampleur des opérations qui y sont menées. Comme dans le premier tome, les éléments de science-fiction bénéficient d’une conception originale par Fred Blanchard : les combinaisons des extraterrestres, leurs différents vaisseaux, les drones manipulés par l’algo, les paysages de la planète Näkän, sa faune, sa flore, ses couleurs, l’architecture de ses constructions, les transformations géométriques des origames, l’étonnante aménagement de la salle du conseil du Complexe, l’effet visuel du saut quantique.



De la même manière, l’artiste représente clairement les éléments relevant de l’anticipation : les modèles de voiture, la forme des armes à feu, les paysages de la campagne française abîmés par les inondations, l’architecture de la Cité du Soleil, et par comparaison les éléments de la vie quotidienne qui sont restés très similaires comme le mobilier. Même s’il reste dubitatif sur la cohérence globale de ces inventions technologiques, les images montrent au lecteur des environnements et des accessoires qui ne se limitent pas à une collection de poncifs et de toiles tendues en arrière-plan, ou de constructions en carton-pâte ou d’accessoires en plastique. La direction d’acteur se situe dans un registre naturaliste, sans l’exagération propre aux récits misant tout sur le spectaculaire. La mise en scène et les plans de prise de vue montrent des personnages qui se déplacent et agissent en fonction de leur environnement, de sa géométrie, de son volume, et pas comme s’ils se trouvaient sur une scène vide. Dans cette narration, tout apparaît comme dans une forme de reportage informatif. De temps en temps, le lecteur ressent qu’il s’attarde plus sur une case ou une planche, parce qu’il mesure l’originalité de ce qui lui est montré : la protection du module lunaire par un dôme, Swänn avançant dans la rue alors que les habitants pleurent à terre, l’attaque des drones, le repas du dragon de récif, l’éléphant qui se redresse péniblement, etc. Il n’y a pas que les scènes conçues comme une action spectaculaire qui retiennent l’attention.


Le scénariste a choisi un déroulé jour par jour, ce que comprend le lecteur en regardant Swänn indiquer dans son journal de bord qu’il est sur Terre depuis deux jours. Il n’y pas de retour en arrière, mais des informations sur le passé qui sont données au cours de conversations, de manière organique. Il est possible de parler de bons et de méchants, mais pas dans une dichotomie qui serait le moteur de l’intrigue. Au sein du conseil du Complexe, se trouvent des opposants à l’intervention, ou plutôt des nations qui souhaitent en tirer profit, par exemple en exploitant les ressources restantes de la Terre. Aux États-Unis, se trouvent des poches d’indépendantistes qui forment des communautés agressives. Plane également le mystère de l’algo. La dynamique du récit est entretenue par la situation de la Terre : l’humanité va être sauvée par des extraterrestres intervenant d’autorité. Il y a bien quelques effusions de sang, mais à l’échelle de la planète, ils font preuve d’une réelle efficacité, grâce à des compétences et de l’expérience. En fonction de la séquence, le récit oscille entre une enquête sur la pandémie qui n’est finalement pas qu’un simple prétexte en toile de fond, un drame pour Liz Hamilton entre son devoir de participer à la lutte contre l’incendie hors de contrôle des raffineries et le désir de retrouver son époux et ses enfants, et un drame politique au sein du conseil du Complexe qui n’est pas non plus un simple prétexte.



Il faut un peu de temps au lecteur pour se mettre en phase avec cette structure du récit en trois fils narratifs. Il ne sait toujours pas sur quel pied danser quand il lit une remarque qui renvoie à l’actualité contemporaine. Bien évidemment : l’état écologique catastrophant de la Terre du fait de son exploitation déraisonnée par l’humanité. Mais aussi de mystérieux algorithmes ayant échappé à tout contrôle qui le renvoient à ses propres expériences quotidiennes quand il doit composer avec des systèmes d’information automatisés. Il sourit quand les habitants du patelin font une boutade en comparant Swänn à Buzz l’éclair. Ou quand après les avoir neutralisés, ce dernier leur déclare que Renaissance leur garantit la confidentialité des informations prélevées et les informe qu’ils auront accès à leur dossier sur simple demande. Il acquiesce aux sentences sur l’inconséquence de la race humaine et sur le fait qu’elle ne s’est jamais éloignée de la sauvagerie. Il hésite entre une lapalissade et une vérité universelle devant d’autres remarques comme Swänn indiquant à Liz que sa parole n’a plus de valeur ; Elle lui a déjà donnée et elle lui a menti. Une véritable émotion le gagne lors de la scène avec l’éléphant embourbé, et le constat d’Hélène que malgré tout ce que les êtres humains lui ont fait subir, l’animal ne leur en veut même pas.


Le lecteur arrête son opinion sur l’honnêteté des remarques morales en assistant au discours de la diplomate Lisä devant de le conseil du Complexe. Elle en appelle au sens moral des autres élus évoquant le fait que certains d’entre eux connaissent bien l’histoire de l’espèce humaine, observée depuis si longtemps. Sa fureur, mais aussi sa poésie. Ils n’ont pas pris la décision d’aller vers eux pour piller le peu qui leur reste. L’espèce humaine est en voie d’extinction, comme la plupart des organismes vivants de la Terre. Ils doivent leur transmettre de nouveaux modèles de développement, s’ils veulent un jour retrouver leur autonomie et leur prospérité. Leur présenter l’addition au bout d’une semaine, ce serait une curieuse entrée en matière, n’est-ce pas ? Ne seraient-ils pas à des années-lumière des bonnes manières qui ont fait la réputation de la civilisation Torghon ? 


En reprenant le cours de l’histoire grâce aux rappels faits avec élégance, le lecteur se souvient que le récit se développe selon trois fils différents et que, sans en avoir l’air, l’intrigue comprend de nombreux éléments. Il retrouve avec plaisir la narration visuelle descriptive, sans être aseptisée, inventive sans être dans l’épate. Il replonge dans cette situation à la fois miraculeuse (une fédération de planètes vient pour sauver la Terre et les humains), à la fois humiliante (comme d’être mis sous tutelle), racontée de manière adulte, sans angélisme, sans cynisme artificiel, sans paranoïa tape-à-l’œil. Il voit se préciser la nature des fils narratifs et il lui tarde de découvrir la fin.



2 commentaires:

  1. Pareil que pour le premier tome. J'ai réussi à ne pas en lire un seul mot, ou presque ; j'ai juste capté "élégance", c'est tout. On en reparle dès que je l'ai lu, bien que je n'aie aucune idée de quand cela va se produire.

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    1. Je suis curieux de redécouvrir ces tomes par tes yeux. J'attendrai patiemment.

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