mardi 5 mars 2019

Caroline Baldwin, Tome 7 : Raison d'Etat

Épargnez-moi votre baratin et dites-moi ce qui vous amène.



Ce tome fait suite à Caroline Baldwin, tome 6 : Angel Rock (2000) qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant. La première édition date de 2001 et il est repris dans Caroline Baldwin Intégrale T2: Volumes 5 à 8. Il a été réalisé par André Taymans pour le scénario, les dessins et l'encrage.


Trois semaines plus tard, Caroline Baldwin se trouve au Laos, dans un hôtel, allongée en petite culotte sur son lit, avecun gros sac ouvert à ses côtés, rempli de billets de banque, 5 millions de dollars. Au temps présent, une équipe de 3 agents (dirigée par Gary Scott) est en planque à Tadoussac, au Québec, en train d'observer le cimetière. Caroline Baldwin arrive au cimetière où elle vient se recueillir sur la tombe de son grand-père. Elle a toujours avec elle la pipe qui lui a confiée dont l'odeur réveille en elle son souvenir. En se promenant dans les allées du cimetière, elle a l'impression d'être en train de converser avec son grand-père qui lui dit qu'elle a encore des choses à faire ici. Elle s'interrompt quand elle entend prononcer son prénom. Elle court se jeter dans les bras de Gary Scott en le reconnaissant. Ils vont papoter dans la maison de son grand-père. Caroline Baldwin indique à Gary Scott qu'elle est séropositive.

À l'écart de la ville sur une route traversant la forêt, 4 hommes attendent autour d'une voiture, fenêtres, capot et coffre ouvert. L'un d'entre eux téléphone à leur commanditaire pour indiquer qu'ils n'ont pas encore retrouvé leur cible. Caroline Baldwin & Gary Scott se promènent sur la plage. Elle évoque le fait que la maladie a bousculé sa façon d'appréhender les choses, et lui a appris à relativiser. Elle songe à démissionner du cabinet d'enquête qui l'emploie à New York. Gary Scott lui indique qu'il ne peut rien dire sur la mission qu'il est en train d'effectuer et qu'il repart le lendemain matin. Mais il promet de revenir la voir pour un projet de 3 mois de vacances. Le lendemain, Caroline Baldwin se réveille seule dans le lit. Elle décide d'aller prendre un brunch chez Jimmy. Dans le diner, la télévision diffuse des informations sur l'enlèvement du banquier Ralph Mulligan, la volonté de Kristin Wallace (sénatrice et candidate à la Maison Blanche) de réunir les fonds de sa rançon par souscription. Jimmy ironise sur les magouilles pré-électorales, tout en servant Caroline. Celle-ci le rembarre en disant que le temps est venu pour une présidente femme.


Pour cette nouvelle aventure, André Taymans choisit de raconter une nouvelle enquête dans le format d'un diptyque, et qui s'inscrit dans le genre thriller politique. Le lecteur voit donc revenir Gary Scott, agent du FBI, apparu pour la première fois dans Caroline Baldwin, n° 2 : Contrat 48-A (1998). L'auteur le dépeint comme un individu à l'apparence ordinaire, avec des lunettes rondes banales. Durant ces pages, son lien affectif avec Caroline Baldwin apparaît sincère, au point qu'il la contacte pendant une mission, malgré le risque de se faire connaître. Par la suite, son professionnalisme reprend le dessus et celui-ci inclut de faire passer le boulot avant tout, de manier des armes à feu, d'ordonner l'exécution d'individu si nécessaire, et de prendre des risques mettant en danger son intégrité physique. Le dessinateur n'en fait pas un barbouze pour autant, ni un athlète de haut niveau, encore moins, un culturiste. De même les autres agents secrets et opérateurs privés sont vêtus de tenues civiles de type jean & blouson, ou pantalon & veste avec chemise. Baldwin ne donne donc pas l'impression d'être en décalage par rapport à ces individus, et ceux-ci apparaissent plausibles dans le cadre d'opérations officieuses ou clandestines.

Après Angel Rock (tome 6) à l'intrigue très simple, le scénariste passe à une intrigue plus dense et de plus grande ampleur. De nouvelles élections approchent aux États-Unis, et des dossiers ressortent. L'enjeu est double : retrouver un banquier qui en sait long sur des dispositifs de financement occulte, afin par ricochet de disposer d'un témoignage permettant d'incriminer pas moins que le vice-président des États-Unis. Pour pouvoir mettre en place une telle intrigue, Taymans a besoin d'exposer de nombreuses informations. Dans un premier temps, il le fait de manière assez élégante par le biais d'un téléviseur dans un diner. Mais pour la suite, il lui faut délivrer ces informations de manière plus ramassée, ce qui donne d'abord 3 pages d'exposé du procureur John Steele avec quelques questions de Caroline Baldwin, puis plus loin 3 autres pages d'exposé par Arnold Levis (représentant des assurances Star), en présence de Martin Wilson (le patron de l'agence qui emplie Baldwin) avec à nouveau quelques questions de Baldwin. Ces 2 séquences mettent également en lumière la sensibilité de metteur en scène de l'auteur. Lorsque John Steele explique la situation, lui et Baldwin se promènent sur une plage, le lecteur pouvant admirer cette grève de Tadoussac (et même en reconnaître la forme s'il y a séjourné) et humer l'air marin avec eux. Pour la deuxième, les 3 interlocuteurs sont assis dans le salon de Baldwin, et le lecteur peut observer son aménagement, et scruter le langage corporel des personnes en train de parler ou d'écouter. Du coup, ces séquences de déchargement d'informations en gros présentent un intérêt visuel et le lecteur ne se dit pas qu'il pourrait ne lire que les phylactères sans s'intéresser aux images.


Ces 2 séquences ne sont pas les seules invitant le lecteur à profiter du paysage ou d'un aménagement intérieur. André Taymans continue d'accorder une grande importance aux différents environnements. En extérieur, le lecteur peut prendre le temps de détailler les différentes formes de pierre tombale dans le cimetière de Tadoussac, puis il laisse son regard errer sur le rivage de la ville. Il se rend compte de la profondeur des forêts en arrière-plan. Il jette un coup d'œil au bateau échoué devant la maison louée par Baldwin. Au détour d'une page, il bénéficie même d'une vue panoramique des jardins de la Maison Blanche, le temps de 2 cases, vision inattendue et donnant envie de parcourir ces pelouses. L'artiste invite également le lecteur à pénétrer dans différents bâtiments, avec une mise en scène lui permettant d'en voir les particularités, et d'en ressentir l'impression qu'ils dégagent. Le lecteur se met à avoir trop chaud dans la moiteur de la chambre d'hôtel de Caroline Baldwin au Laos (et pas seulement parce qu'elle est en petite culotte noire). Il prendrait bien une boisson chaude chez Jimmy, avec ces tables de bonne taille, un aménagement simple et spacieux. L'aménagement intérieur de la maison louée par Baldwin donne envie d'y séjourner pour s'y reposer. Le lecteur aimerait pouvoir prendre ses aises comme le vice-président Preston dans le fauteuil du Bureau Ovale. L'aménagement de la maison de Baldwin donne des indications quant à ses goûts, des meubles à la fois traditionnels et un peu confortables, des couleurs chaudes, la préservation d'un espace suffisant pour évoluer facilement entre les meubles. Une fois encore, le lecteur est impressionné par le niveau de détails des dessins et l'investissement de l'auteur pour personnaliser chaque lieu. Comme précédemment, la mise en couleurs s'inscrit dans un registre naturaliste, participant à la lisibilité de chaque case, quelle que soit la densité d'informations.

Tout du long de ce tome, le lecteur continue d'en pincer pour l'héroïne, ou au moins de ressentir une forte empathie pour cette femme au caractère bien trempé, oscillant entre des phases d'action et des périodes de déprime. André Taymans la fait changer de tenue en fonction des séquences et des circonstances, dans un registre parfois fonctionnel et confortable, parfois plus intime. Ici, Caroline Baldwin apparaît en petite tenue dans 4 pages différentes, nue ou en petite culotte. L'auteur a même choisi d'ouvrir son récit avec Caroline en petite tenue sur son lit, de toute évidence un choix effectué sciemment pour retenir tout de suite l'attention du lecteur. Dans le même temps, ce dernier n'éprouve pas non plus l'impression d'un racolage outrancier réduisant Caroline à un simple objet du désir. Le lecteur le perçoit plus comme la manière d'être de Baldwin, comme une manifestation de sa personnalité. Il regrette quand même que le metteur en couleur exagère le jeu sur les nuances de couleurs pour donner plus de volume aux courbes de son corps, de manière artificielle, donnant presque une impression de plastique.

Après le récit intimiste du tome 6, André Taymans se lance dans un thriller politique nécessitant quelques pages d'exposition pour la mise en place. Pour le reste, la narration conserve toutes ses qualités : des dessins descriptifs combinant une lisibilité immédiate et un haut niveau de détails, pour des environnements très consistants et uniques. Si l'affaire tombe sur Caroline Baldwin du fait de sa relation avec Gary Scott, son déroulement entremêle une situation plausible (en fait les affaires sortant dans la presse sont souvent plus énormes), avec le caractère et l'histoire personnelle de Caroline Baldwin, Taymans faisant même référence explicitement à plusieurs tomes précédents. Le lecteur se laisse facilement embarquer pour cette nouvelle enquête, savourant la dimension touristique de la visite de Tadoussac, la séduction de Caroline Baldwin, et il se laisse gagner par le suspense qui s'installe progressivement jusqu'à la scène finale dont la tension assure son retour pour le tome suivant.



2 commentaires:

  1. Toujours aussi intéressant. À chacun de tes commentaires, je tombe des nues en réalisant à quel point "Caroline Baldwin" est une série adulte. Va savoir pourquoi, j'en avais la perception (fortement ancrée) qu'il s'agissait d'un titre bien plus léger que ce tu évoques.

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  2. Par rapport à mon propre historique de lecture, le graphisme des dessins d'André Taymans porte une filiation avec des séries jeunesse prépubliées dans Okapi, ainsi qu'avec la ligne claire, plus associées dans mon esprit à des séries pour un public plus jeune. Les choix de représentation m'évoquent plus des BD tout public, que des BD classées dans la catégorie adulte. I y a une forme de séduction bienveillante dans la manière de représenter les personnages et les décors, sans chercher à y inscrire la méchanceté des individus, ou la grisaille (voire la noirceur) d'un regard adulte. C'est aussi ce qui participe à rendre cette lecture agréable et divertissante au premier degré.

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