dimanche 17 juin 2018

Caroline Baldwin, Tome 3 : Rouge Piscine

Elle était plus jeune que moi.

Ce tome fait suite à Caroline Baldwin, n° 2 : Contrat 48-A qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant. Il est paru pour la première en 1998, écrit, dessiné, et encré par André Taymans, avec une mise en couleurs réalisée par Bruno Wesel. Il a fait l'objet d'une réédition en 2017 dans Caroline Baldwin Intégrale T1: Volumes 1 à 4, édition respectant le format initial. Cette histoire est parue directement en album, avec une pagination adaptée, inférieure à celle des 2 premiers albums.

Dans une petite station-service dans une région rurale des États-Unis, le pompiste Hans voit arriver un groupe d'une dizaine d'individus armés, menés par le colonel Norton. Il s'agit d'une ligue de moralité qui vient brûler les revues érotiques et pornographiques disposées sur les présentoirs. Il réussit à fermer les portes mais le colonel Norton menace de mettre le feu à l'essence qu'il a versée par terre. La ligue de morale pénètre dans le magasin et procède à l'autodafé des revues. Dans la banlieue de New York, dans la belle villa d'Andie, Caroline Baldwin est en train de prendre un whisky (avec glaçons bien sûr) et propose à Andie d'aller manger. Mais elle est interrompue par son téléphone : l'inspecteur de police Philips lui demande de se rendre à la plage de Coney Island. Il y a été retrouvé le cadavre d'une femme (plus tard identifiée comme s'appelant Mercedes Santos) d'origine cubaine. Il a été retrouvé dans ses effets personnels, un bout de papier avec le nom et l'adresse de Caroline Baldwin.

Caroline Baldwin propose à l'inspecteur Philips d'aller manger un hot-dog. Ensuite, alors qu'elle se dirige vers la station de métro la plus proche, elle est abordée par un individu qui ne se nomme pas (identifié plus tard comme étant Tim Allen) qui lui dit qu'il sait qui est la défunte et qu'il viendra la voir plus tard pour lui en parler car elle doit retrouver les coupables. Le soir Andie et elle vont enfin au restaurant. En rentrant, Andie découvre le cadavre d'Allen dans leur piscine. Elles appellent la police qui vient faire les constats. L'inspecteur Philips indique à Caroline que le mort est Tim Allen, qu'il est leur voisin, et qu'en plus il a été scalpé par son assassin. Comme sa maison est proche, ils décident de s'y rendre séance tenante. Ils trouvent les pièces du rez-de-chaussée sens dessus dessous, visiblement fouillées par quelqu'un de pressé. Caroline Baldwin monte à l'étage et se rend compte grâce à un miroir que l'intrus est encore sur place. Elle se lance dans une course-poursuite sur les toits.



Dans l'introduction de l'édition intégrale, Anne Matheys explicite les évolutions éditoriales qui s'imposent à André Taymans pour la réalisation de cet album, en particulier la décision de passer d'album de 64 pages à 46. L'auteur ayant déjà complétés 40 pages, il a dû réorganiser son histoire sur 2 albums, celui-ci et le suivant. En outre, elle ajoute que pour cet album, André Taymans souhaitait écrire un vrai polar, c’est-à-dire une enquête en bonne et due forme, utilisant les conventions du polar. Le lecteur découvre donc une introduction qui n'a pas d'incidence directe ou de lien direct avec le reste du récit et qui est prolongée dans les 2 pages de l'épilogue, sous-entendant que l'enquête de Caroline Baldwin provoque des répercussions éloignées géographiquement, mais que le lecteur n'aura la clé de l'énigme que dans le tome suivant. Cette histoire comprend donc une enquête en bonne et due forme, débutant avec le cadavre d'une jeune femme sur une plage (celui de Mercedes Santos) et se poursuivant par la confrontation inopinée avec le voleur dans la maison du nègre littéraire. L'auteur associe Caroline Baldwin au travail de la police par le fait que la victime avait un mot avec son nom dessus. Il utilise une convention qui veut le détective privé puisse collaborer facilement avec la police dans le cadre d'une entraide.

Par la suite, Caroline Baldwin est interpellée par Tim Allen de façon bien opportune (c'est lui qui fait la démarche) et bien cryptique (de manière à ménager le suspense). Effectivement l'héroïne effectue une enquête, bénéficiant de la confiance de l'inspecteur Philips pour fouiller la maison d'Allen et pour recevoir des informations confidentielles. Dans le même temps, elle joue le jeu et le met au courant de ses découvertes effectuées de son côté. Caroline Baldwin progresse au fur et à mesure qu'elle trouve des indices : d'abord dans la maison sens dessus dessous de Tim Allen, puis auprès de l'auteure de roman Natasha Hyman, parce qu'elle avait déjà lu un de ses romans. En termes de conventions de roman policier, Taymans ne force pas trop la dose, mais utilise 2 ou 3 coïncidences pratiques pour faire avancer l'enquête. Comme il l'avait fait dans les 2 premiers tomes, il inscrit également l'enquête dans un milieu professionnel, avec une pratique peu reluisante comme mobile du crime. En cela la mécanique de cette histoire ne diffère pas de celle des 2 premiers tomes. Enfin, il conserve également 3 passages où l'action prend le dessus, à chaque fois une course-poursuite, quand Caroline se lance après l'intrus sur le toit de la maison d'Allen, puis après un observateur dans les rues de New York, et enfin sur le pont d'un porte-avions.

Le lecteur découvre donc une enquête bien ficelée, à nouveau un peu légère pour être qualifiée de polar sociologique ou politique. La pratique professionnelle n'est pas remise en cause à proprement dit, plutôt la manière dont l'auteure a contraint son collaborateur à rester dans l'ombre, sans pouvoir faire autre chose. L'autodafé réalisé par la ligue antipornographie sert à montrer une action menée par la force, mais sans porter de jugement sur le contenu des magazines ou sur la ligue de vertu, juste sur leurs méthodes. Mais le lecteur est également venu trouver les autres composantes présentes dans les 2 premiers tomes. Il a le plaisir de retrouver Caroline Baldwin toujours aussi fine et élancée, et peu pudique. Cette fois-ci l'auteur ne la dénude que dans une seule case le matin au réveil. Elle change régulièrement de tenue, ce qui met en évidence sa forme athlétique et son assurance. Le lecteur observe même qu'elle n'hésite pas à courir en talon haut sans difficulté. Par comparaison au tome précédent, sa personnalité ne ressort pas beaucoup, juste sa détermination et son refus de se faire balader. Pour autant sa présence physique et son allure font qu'elle n'en devient pas pour autant interchangeable avec n'importe quelle autre femme ou homme. Le lecteur apprend finalement que la belle demeure dans laquelle elle vit ne lui appartient pas et qu'elle est en recherche d'appartement, ce qui semble plus cohérent avec ses revenus.



Le lecteur est également revenu pour la dimension touristique de la narration, à savoir la qualité des décors et la diversité des environnements. Toujours avec des caractéristiques graphiques proches de la ligne claire, André Taymans prend grand soin d'établir visuellement où se déroule chaque séquence, et de décrire minutieusement les différents éléments du décor. La vue d'extérieur de la station-service montre un bâtiment propre sur lui, avec une architecture conforme à celles des stations-service américaines. Les différentes vues de la villa d'Andie permettent d'en admirer les pierres du mur d'enceinte, la rambarde en fer forgé, les murs de stuc blanc, les persiennes, le toit en tuile, et la piscine fort accueillante… sous réserve qu'il n'y ait pas un cadavre dedans. Le lecteur a également l'occasion d'apprécier les choix de décoration intérieure du salon et de la chambre d'ami où dort Caroline. Par la suite, il apprécie de pouvoir se promener aux côtés de Caroline et de Natasha Hyman dans Central Park. Il se dit que s'il en a l'occasion il retracerait bien leur parcours sur place, car la séquence a certainement été réalisée d'après une balade identique faite par l'auteur. La course-poursuite dans les rues de New York est également l'occasion de laisser son regard se promener sur les façades, l'aménagement urbain, le mobilier, les différents véhicules. Il en va de même pour le trajet en métro et la rencontre sur le pont de l'USS Intrepid au Musée de l'Air et de la Marine.

L'artiste réalise des prises de vue dans lesquelles les faits et gestes des personnages s'intègrent avec naturel dans les lieux où ils se trouvent, où les lecteurs peut les voir interagir avec les différents éléments. Il se prend à s'imaginer sur la plage de Coney Island avec sa grande étendue de sable et les mouettes dans le ciel, puis à imaginer les newyorkais faisant la queue pour accéder à la grande roue quand Baldwin & Philips passent devant. Il découvre le spectacle macabre du cadavre se vidant de son sang dans la piscine, depuis le balcon. Il aimerait bien pouvoir se prélasser sur un matelas gonflable dans l'eau de la piscine (après avoir été nettoyée) pour tenir compagnie à Andie. Il est prêt à prendre un café assis à côté de Philips en écoutant Caroline, etc.


Même s'il est plus court que les 2 premiers tomes, ce tome n'en souffre pas et André Taymans a su conserver et développer les mêmes caractéristiques que dans les 2 premières histoires. Le lecteur retrouve avec plaisir Caroline Baldwin mesurant le degré d'attachement qu'il éprouve déjà pour elle. Il la suit dans son enquête assez réaliste tout en tournant la tête dans tous les sens pour profiter des paysages.


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